
- Au cours des derniers mois, le Royaume a franchi une étape décisive avec la publication de l'Offre Maroc pour le développement de la filière hydrogène vert et la sélection de plusieurs projets d'envergure, impliquant des acteurs nationaux et internationaux. Comment évaluez-vous l'impact de ces annonces sur l'attractivité du pays et la concrétisation des ambitions marocaines en matière d'hydrogène vert ?
- La publication de la circulaire du chef du gouvernement était attendue par les investisseurs du secteur depuis le discours de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, appelant le gouvernement à mettre en œuvre l'Offre Maroc Hydrogène. Il faut dire que, vu que l’hydrogène vert est un secteur naissant, il existe une compétition mondiale pour attirer les investisseurs les plus crédibles et pour capturer les parts de marché des off-takers les plus solvables.
La circulaire a le mérite de définir un parcours de l’investisseur balisé avec des jalons clairement identifiés et un interlocuteur unique qui est l’Agence marocaine des énergies renouvelables, MASEN. La circulaire a également défini les projets d’investissement éligibles et le positionnement visé sur la chaîne de valeur de l’hydrogène vert et ses dérivés. Il faut dire que ce nouveau chapitre vient capitaliser sur le retour d’expérience du Maroc - reconnu internationalement - de développement réussi de projets renouvelables à large échelle.
L’engouement était d’ailleurs au rendez-vous, dès la mise en place de la plateforme de réception des projets d’investissement, plus de 40 demandes ont été déposées avec des consortiums d’entreprises des cinq continents. Sachant que la première phase de l’Offre Maroc Hydrogène Vert n’a mobilisé que 300.000 ha et qu’elle a prévu pour chaque projet d’investissement au maximum 30.000 ha, cela revient à une sursouscription de 4 fois de la première phase.
- Ces projets massifs nécessitent des infrastructures de transport et de stockage. De votre position d'expert-conseil, quels sont les défis majeurs liés au transport de l'hydrogène vert et de ses dérivés comme l'ammoniaque ?
- L’hydrogène étant l’un des éléments chimiques les moins denses, son transport sur de longues distances représente un challenge particulièrement difficile. Contrairement au gaz naturel qui peut être liquéfié avec un apport énergétique raisonnable, rendant son transport par bateau LNG économiquement viable, l’hydrogène ne devient liquide qu’à une température proche de zéro absolu et les infrastructures (navires, quais, équipements, ...) nécessaires au transport de l’hydrogène liquide n’ont pas encore été développées. Cela laisse deux options pour le transport de l’hydrogène vert des sites de production aux centres de consommation : soit des pipelines compatibles avec les caractéristiques physiques de ce gaz, sont la transformation de cet hydrogène en dérivés transportable tels que l’ammoniaque vert, e-méthanol, Sustainable Aviation Fuel, ...
Grâce à la vision de Sa Majesté, le Maroc se positionne sur les deux alternatives. Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc comporte dans son tronçon marocain un tracé de pipeline dédié à l’hydrogène vert et qui traverse les principales régions de production prévues par l’Offre Maroc Hydrogène Vert. Ce pipeline devrait être interconnecté avec le réseau européen European Hydrogen Backbone (EHB). A noter qu’il est attendu que le marché européen d’hydrogène vert soit parmi les plus importants au monde.
Pour l’alternative des dérivés, peu de gens le savent, mais le Maroc est le plus grand importateur d’ammoniaque au monde juste après les Etats-Unis. Grace aux projets d’investissements de l’OCP, le Maroc dispose d’un savoir-faire dans ce secteur. Les plateformes portuaires nationales de rang mondial sont en cours de renforcement pour permettre aux dérivés d l’hydrogène vert d’être exportés par voie maritime. Contrairement au pipeline, la voie maritime permettra de servir le marché mondial.
- Le Maroc est déjà un acteur majeur dans l'industrie des engrais. Comment la production d'ammoniaque vert à partir de l'hydrogène vert peut-elle transformer ce secteur et positionner le Maroc comme un exportateur clé sur le marché mondial ?
- Il faut savoir que la taxe européenne aux frontières sur les produits carbonés (Carbon Emissions Border Adjustment Mecanism – CEBAM) prévoit dès sa première mise en œuvre effective en 2026 de couvrir plusieurs secteurs dont celui des fertilisants. La mise en place par le Maroc d’une politique de substitution graduelle de l’ammoniaque importé produit de source fossile (ammonique gris) par un ammonique vert produit localement devrait réaliser plusieurs objectifs en même temps.
Premièrement, mettre sur le marché un fertilisant vert produit dans un pays géographiquement proche et partenaire de l’Union Européenne. Dans un contexte géopolitique instable qui redéfinit les chaînes d’approvisionnement mondiales, le positionnement du Maroc est un atout majeur.
Deuxièmement, une opportunité de transformer le secteur industriel national par la mise en place d’une filière de production d’hydrogène vert et de sa transformation en ammoniaque vert pour alimenter la production d’engrais verts.
Troisièmement, une réduction à terme du déficit commercial créé par l’augmentation importante de production de fertilisants prévue dans le programme de développement de l’OCP.
- Au-delà du Maroc, d'autres pays africains comme la Namibie, l'Afrique du Sud ou l'Égypte développent également des projets d'hydrogène vert. Comment le Maroc se positionne-t-il par rapport à ces concurrents émergents ?
- En effet, plusieurs pays essayent de se positionner en tant que concurrents sur ce marché, avec une distinction importante : les pays d'Afrique du Nord peuvent prétendre exporter de l’hydrogène vert en pipeline, ce qui n’est pas faisable pour les pays du Sud du continent qui ne pourront se positionner que sur l’export des dérivés d’hydrogène verts tels que l’ammoniaque, le SAF ou le e-methanol.
Les projets d’investissements en hydrogène vert sont d’abord des projets d’infrastructure pluri-décanaux, donc les dimensions de stabilité politique, de consistance des politiques économiques/monétaires et de cohérence des politiques d’investissement publiques font que le Maroc est particulièrement attractif dans ce secteur.
Les évaluations indépendantes classent le Maroc parmi le top 5 mondial en ce qui concerne la qualité de ses ressources naturelles (énergies solaire et éolienne), mais sa position géostratégique et la disponibilité d’une assiette foncière, d’infrastructures publiques et de ressources humaines expérimentées renforcent son positionnement.
Dans le cadre de cette compétition, l’Offre Maroc Hydrogène Vert a aussi le mérite de créer un cadre transparent pour mettre en compétition les porteurs de projets. En effet, chaque investisseur est invité à proposer au gouvernement une offre de valeur de partage des bénéfices du projet, de l’investissement qu’il porte et comment il pourra bénéficier aux populations locales sous forme de création d’emploi et d’externalités positives.
-Pensez-vous qu'une coopération régionale, voire intra-africaine, est envisageable pour créer une chaîne de valeur de l'hydrogène vert sur le continent ?
- La bonne nouvelle est que l’agenda mondial de décarbonation des secteurs difficiles tels que l’aviation, le transport maritime et l’industrie lourde va créer une telle demande qu’aucun pays ne pourra satisfaire seul. En ce qui concerne le marché européen, il est admis que les pays de l’Union ne disposent pas des ressources naturelles, foncières et du capital politique pour satisfaire leur demande interne. L’importation d’hydrogène vert et ses dérivés par les pays de l’Union Européenne est inéluctable.
D’un autre côté, l’ambition de tous les pays producteurs de créer des filières locales de fabrication d’équipements (électrolyseurs, éoliennes, apnneaux solaires, pipelines, ...) n’est pas viable économiquement. Donc, il existe bel et bien un espace de coopération régionale à la fois Nord-Sud pour créer un marché régional de production, transport et distribution de l’hydrogène vert et ses dérivés et une opportunité de coopération Sud-Sud pour mutualiser des infrastructures tels que les pipelines de transport (gazoduc Nigeria – Maroc) et portuaires (port Dakhla Atlantic) ainsi que la mise en commun d’une plateforme industrielle de production d’équipements.
- La publication de la circulaire du chef du gouvernement était attendue par les investisseurs du secteur depuis le discours de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, appelant le gouvernement à mettre en œuvre l'Offre Maroc Hydrogène. Il faut dire que, vu que l’hydrogène vert est un secteur naissant, il existe une compétition mondiale pour attirer les investisseurs les plus crédibles et pour capturer les parts de marché des off-takers les plus solvables.
La circulaire a le mérite de définir un parcours de l’investisseur balisé avec des jalons clairement identifiés et un interlocuteur unique qui est l’Agence marocaine des énergies renouvelables, MASEN. La circulaire a également défini les projets d’investissement éligibles et le positionnement visé sur la chaîne de valeur de l’hydrogène vert et ses dérivés. Il faut dire que ce nouveau chapitre vient capitaliser sur le retour d’expérience du Maroc - reconnu internationalement - de développement réussi de projets renouvelables à large échelle.
L’engouement était d’ailleurs au rendez-vous, dès la mise en place de la plateforme de réception des projets d’investissement, plus de 40 demandes ont été déposées avec des consortiums d’entreprises des cinq continents. Sachant que la première phase de l’Offre Maroc Hydrogène Vert n’a mobilisé que 300.000 ha et qu’elle a prévu pour chaque projet d’investissement au maximum 30.000 ha, cela revient à une sursouscription de 4 fois de la première phase.
- Ces projets massifs nécessitent des infrastructures de transport et de stockage. De votre position d'expert-conseil, quels sont les défis majeurs liés au transport de l'hydrogène vert et de ses dérivés comme l'ammoniaque ?
- L’hydrogène étant l’un des éléments chimiques les moins denses, son transport sur de longues distances représente un challenge particulièrement difficile. Contrairement au gaz naturel qui peut être liquéfié avec un apport énergétique raisonnable, rendant son transport par bateau LNG économiquement viable, l’hydrogène ne devient liquide qu’à une température proche de zéro absolu et les infrastructures (navires, quais, équipements, ...) nécessaires au transport de l’hydrogène liquide n’ont pas encore été développées. Cela laisse deux options pour le transport de l’hydrogène vert des sites de production aux centres de consommation : soit des pipelines compatibles avec les caractéristiques physiques de ce gaz, sont la transformation de cet hydrogène en dérivés transportable tels que l’ammoniaque vert, e-méthanol, Sustainable Aviation Fuel, ...
Grâce à la vision de Sa Majesté, le Maroc se positionne sur les deux alternatives. Le projet de gazoduc Nigeria-Maroc comporte dans son tronçon marocain un tracé de pipeline dédié à l’hydrogène vert et qui traverse les principales régions de production prévues par l’Offre Maroc Hydrogène Vert. Ce pipeline devrait être interconnecté avec le réseau européen European Hydrogen Backbone (EHB). A noter qu’il est attendu que le marché européen d’hydrogène vert soit parmi les plus importants au monde.
Pour l’alternative des dérivés, peu de gens le savent, mais le Maroc est le plus grand importateur d’ammoniaque au monde juste après les Etats-Unis. Grace aux projets d’investissements de l’OCP, le Maroc dispose d’un savoir-faire dans ce secteur. Les plateformes portuaires nationales de rang mondial sont en cours de renforcement pour permettre aux dérivés d l’hydrogène vert d’être exportés par voie maritime. Contrairement au pipeline, la voie maritime permettra de servir le marché mondial.
- Le Maroc est déjà un acteur majeur dans l'industrie des engrais. Comment la production d'ammoniaque vert à partir de l'hydrogène vert peut-elle transformer ce secteur et positionner le Maroc comme un exportateur clé sur le marché mondial ?
- Il faut savoir que la taxe européenne aux frontières sur les produits carbonés (Carbon Emissions Border Adjustment Mecanism – CEBAM) prévoit dès sa première mise en œuvre effective en 2026 de couvrir plusieurs secteurs dont celui des fertilisants. La mise en place par le Maroc d’une politique de substitution graduelle de l’ammoniaque importé produit de source fossile (ammonique gris) par un ammonique vert produit localement devrait réaliser plusieurs objectifs en même temps.
Premièrement, mettre sur le marché un fertilisant vert produit dans un pays géographiquement proche et partenaire de l’Union Européenne. Dans un contexte géopolitique instable qui redéfinit les chaînes d’approvisionnement mondiales, le positionnement du Maroc est un atout majeur.
Deuxièmement, une opportunité de transformer le secteur industriel national par la mise en place d’une filière de production d’hydrogène vert et de sa transformation en ammoniaque vert pour alimenter la production d’engrais verts.
Troisièmement, une réduction à terme du déficit commercial créé par l’augmentation importante de production de fertilisants prévue dans le programme de développement de l’OCP.
- Au-delà du Maroc, d'autres pays africains comme la Namibie, l'Afrique du Sud ou l'Égypte développent également des projets d'hydrogène vert. Comment le Maroc se positionne-t-il par rapport à ces concurrents émergents ?
- En effet, plusieurs pays essayent de se positionner en tant que concurrents sur ce marché, avec une distinction importante : les pays d'Afrique du Nord peuvent prétendre exporter de l’hydrogène vert en pipeline, ce qui n’est pas faisable pour les pays du Sud du continent qui ne pourront se positionner que sur l’export des dérivés d’hydrogène verts tels que l’ammoniaque, le SAF ou le e-methanol.
Les projets d’investissements en hydrogène vert sont d’abord des projets d’infrastructure pluri-décanaux, donc les dimensions de stabilité politique, de consistance des politiques économiques/monétaires et de cohérence des politiques d’investissement publiques font que le Maroc est particulièrement attractif dans ce secteur.
Les évaluations indépendantes classent le Maroc parmi le top 5 mondial en ce qui concerne la qualité de ses ressources naturelles (énergies solaire et éolienne), mais sa position géostratégique et la disponibilité d’une assiette foncière, d’infrastructures publiques et de ressources humaines expérimentées renforcent son positionnement.
Dans le cadre de cette compétition, l’Offre Maroc Hydrogène Vert a aussi le mérite de créer un cadre transparent pour mettre en compétition les porteurs de projets. En effet, chaque investisseur est invité à proposer au gouvernement une offre de valeur de partage des bénéfices du projet, de l’investissement qu’il porte et comment il pourra bénéficier aux populations locales sous forme de création d’emploi et d’externalités positives.
-Pensez-vous qu'une coopération régionale, voire intra-africaine, est envisageable pour créer une chaîne de valeur de l'hydrogène vert sur le continent ?
- La bonne nouvelle est que l’agenda mondial de décarbonation des secteurs difficiles tels que l’aviation, le transport maritime et l’industrie lourde va créer une telle demande qu’aucun pays ne pourra satisfaire seul. En ce qui concerne le marché européen, il est admis que les pays de l’Union ne disposent pas des ressources naturelles, foncières et du capital politique pour satisfaire leur demande interne. L’importation d’hydrogène vert et ses dérivés par les pays de l’Union Européenne est inéluctable.
D’un autre côté, l’ambition de tous les pays producteurs de créer des filières locales de fabrication d’équipements (électrolyseurs, éoliennes, apnneaux solaires, pipelines, ...) n’est pas viable économiquement. Donc, il existe bel et bien un espace de coopération régionale à la fois Nord-Sud pour créer un marché régional de production, transport et distribution de l’hydrogène vert et ses dérivés et une opportunité de coopération Sud-Sud pour mutualiser des infrastructures tels que les pipelines de transport (gazoduc Nigeria – Maroc) et portuaires (port Dakhla Atlantic) ainsi que la mise en commun d’une plateforme industrielle de production d’équipements.