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Interview avec Fouad Douiri : “On n’atteindra pas encore le PIB de 2019”


Rédigé par Safaa KSAANI Lundi 18 Octobre 2021

Tout va bien selon d’aucuns, trop bien selon d’autres. Le Fonds Monétaire International, Bank Al-Maghrib et le gouvernement sont optimistes quant à l’essor de l’économie nationale. Décryptage avec Fouad Douiri.



Interview avec Fouad Douiri : “On n’atteindra pas encore le PIB de 2019”
- Les nouvelles prévisions publiées par le Fonds Monétaire International (FMI) sont rassurantes pour le Maroc. Au lieu de 4,5% prévu précédemment, le FMI prévoit désormais une reprise de 5,7% à l’issue de l’année courante. Or, selon Bank Al-Maghrib, le PIB en termes réels terminera l’année avec un rebond de 6,2%, en révision à la hausse de 0,9 point par rapport aux prévisions de juin dernier, tandis que le gouvernement Aziz Akhannouch table sur une croissance de 5,6%. Quelle lecture faites-vous de cette dichotomie ?

- D’abord, il faut voir quand est-ce que ces chiffres ont été arrêtés. Les derniers chiffres de Bank Al-Maghrib ont été arrêtés en tenant compte de l’évolution du PIB au troisième trimestre de 2021, et qui ont été revus à la hausse par rapport aux prévisions précédentes. Maintenant, toutes ces données se basent sur des hypothèses de réalisation au quatrième trimestre, notamment celles liées à l’évolution de la pandémie et son impact sur certains secteurs, comme le tourisme et les loisirs. C’est ce qui peut expliquer les différences de chiffres entre les différents émetteurs ou instituts. Disons que le consensus est en train de converger entre 5,5 et 6%. Nous sommes dans une année de rebond, par rapport à la baisse de plus de 7% en 2020. De toute façon, on n’atteindra pas encore le PIB de 2019. Donc, l’impact de la pandémie est encore là. Je pense que c’est en 2022 qu’on aura dépassé l’impact de la pandémie.
 
“Des pays, comme l’Egypte, qui ont eu un taux de croissance positif n’auront pas cet effet rebond qu’a le Maroc”
 
- Selon le FMI, il s’agit de l’un des taux de croissance les plus robustes dans la région Moyen Orient- Afrique du Nord (MENA) alors que le monde essaye de se remettre progressivement des effets de la pandémie de Covid-19. Qu’est-ce qui permet au Maroc de conforter sa position ?

- Là, il faut voir le taux de 2021 par rapport à la baisse de 2020, où le Maroc a connu une baisse de 7%, tandis que l’Egypte, à titre d’exemple, a fait un taux de croissance de 3,5%. Des pays, comme l’Egypte, qui ont eu un taux de croissance positif n’auront pas cet effet rebond qu’a le Maroc. On est effectivement mieux que des pays, mais au même niveau que d’autres pays de la zone MENA.

En comparaison, il faut tenir compte de facteurs importants. D’abord, il y a l’impact de l’agriculture, qui représente 18% du PIB national. Les pays n’ont pas connu les mêmes conditions pluviométriques. Deuxièmement, il y a l’impact du tourisme. Dans la zone MENA, il y a des pays très touristiques et d’autres qui ne le sont pas, comme l’Algérie. Troisièmement, il y a des conditions propres à chaque pays.

A titre d’exemple, la Tunisie vit des circonstances politiques et économiques difficiles depuis plusieurs années et n’est pas encore arrivée à relancer son économie. Par contre, le Maroc vit depuis ce quatrième trimestre un contexte favorable dû au bon déroulement des élections. Le Maroc a conforté sa démocratie. Ce qui inspire confiance aussi bien aux investisseurs nationaux et à l’économie nationale en général, qu’aux partenaires. On est donc dans un contexte favorable pour bien terminer l’année 2021 et entamer l’année 2022.


- A quel point l’économie nationale profitera de l’accélération de la campagne de vaccination contre le Covid-19 ?

- On le voit déjà. Dans ce cadre, il faut souligner que le succès tient au grand effort qui a été fait par le Maroc. La campagne de vaccination avance bien par rapport à tous les pays voisins et d’autres zones. Ce qui a permis à l’économie nationale, dans sa composante interne, de se remettre au travail. Toutefois, il ne faut pas tout remettre sur la campagne de vaccination. Il faut maintenir les mesures de prévention pour éliminer la circulation du virus. Il y aura évidemment d’autres mesures d’accompagnement, dont la communication et la promotion de secteurs, comme le tourisme.
 
“ Je pense que les deux secteurs « tourisme » et « loisirs » reprendront normalement en 2022, le commerce aussi. Mais c’est en 2023 qu’on aura stabilisé la situation. 2022 sera également une année perturbée, d’après les indicateurs”

- Suite à la récente récession de l’économie nationale, plusieurs secteurs ont été pénalisés, comme celui du tourisme et du commerce extérieur (exportations et importations) avec les pays tiers. Quels secteurs pourraient se relancer plus rapidement ? Quelles sont les leçons à tirer en la matière, et comment mieux renforcer ce secteur face à ce genre de chocs ?

- Je pense que les secteurs liés à la consommation nationale sont en train de se relancer. Même les secteurs exportateurs ont fait une bonne performance, même si on n’a pas trouvé celles de 2019. Le secteur qui va encore mal terminer l’année 2021 et ce n’est qu’en 2022 qu’il va bien reprendre, si la pandémie ne se développe pas, c’est le tourisme. Même avec le succès de la campagne de vaccination au Maroc et dans d’autres pays, le tourisme va commencer à s’ouvrir petit à petit. Il y aura donc un rebond très probable du secteur du tourisme.

Le secteur du commerce extérieur, de manière générale, lié aux exportations et importations, souffre de problèmes logistiques de la chaîne mondiale d’approvisionnement. Le prix du fret a pratiquement été multiplié par dix parfois. Manque de conteneurs et de navires…, des difficultés qui semblent persister même en 2022. Ce n’est qu’en 2023 qu’on retrouvera le niveau normal d’offres de fret et de moyens logistiques.

Cela remet sur table la question de souveraineté et de sécurité d’approvisionnement comme un élément clé dans les politiques publiques, mais également dans les politiques industrielles des groupes et des entreprises. Je pense que les deux secteurs « tourisme » et « loisirs » reprendront normalement en 2022, le commerce aussi. Mais c’est en 2023 qu’on aura stabilisé la situation. 2022 sera également une année perturbée, d’après les indicateurs.


- Tout compte fait, l’optimisme est là. Toutefois, il est nécessaire de prendre en compte les risques qui pourraient survenir vu que nous sommes dans une période marquée par l’évolution de la pandémie, des nouveaux variants... Quelles leçons devrait-on tirer des crises économiques passées et de celle liée à la pandémie ?

- L’un des outils importants qu’on a mis en oeuvre est le Fonds de solidarité. 35 milliards de dh ont été mobilisés très rapidement grâce à l’appel de Sa Majesté le Roi Mohamed VI ce qui a eu un écho important auprès d’établissements publics, l’État mais également les grandes entreprises marocaines et les PME. Le Fonds a servi comme amortisseur pendant cette crise.

Maintenant, on a choisi une économie ouverte, avec des partenariats internationaux, des accords de libre échange, avec des entreprises de taille internationale et d’autres de taille régionale. Je pense que cette crise a montré l’utilité et l’importance de nos accords et partenariats d’être à la fois vigilant et exigeant. La deuxième leçon à tirer est qu’on a tout l’intérêt de construire, dans un monde qui vit des turbulences outre le Covid, des partenariats multidimensionnels. Il faut conforter les relations économiques par des relations politiques et culturelles, dans le domaine sportif...

Je pense notamment à d’autres approches avec des pays de l’Afrique de l’Ouest avec qui on a des relations qui sont en train de se développer, mais elles se basent sur une amitié avec des peuples, des chefs d’Etat et de gouvernement et sur des relations culturelles, linguistiques. Ça devient des partenariats gagnant- gagnant. C’est la voie qu’a choisi l’OCP Group par exemple, en menant des projets avec l’Ethiopie. Au-delà de simplement vendre du phosphate ou de l’acide, on devient dans un partenariat avec un pays où l’intérêt économique est mutuellement profitable. 
 
“Le Maroc a conforté sa démocratie. Ce qui inspire confiance aussi bien aux investisseurs nationaux qu’à l’économie nationale en général, et aux partenaires”

Propos recueillis par Safaa KSAANI








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