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Grogne sociale : 2021, dernière chance pour le gouvernement de trancher sur les dossiers brûlants


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mercredi 6 Janvier 2021

L’Exécutif est appelé à prévenir une nouvelle grogne sociale, au moment où la colère des médecins, du personnel soignant, des enseignants et des syndicats bat son plein. Tous menacent de multiplier les grèves.



Grogne sociale : 2021, dernière chance pour le gouvernement de trancher sur les dossiers brûlants
Après une année marquée par un nombre de colères sociales, le gouvernement de Saâd Dine El Othmani est attendu en 2021 pour remédier aux répercussions sociales de la pandémie. Médecins exténués par une année laborieuse, personnel soignant qui attend une récompense exceptionnelle, enseignants contractuels en colère, doctorants dans la rue, dialogue de sourds avec les syndicats, l’Exécutif est appelé à trouver des solutions salvatrices afin de régler ces dossiers épineux avant la fin de l’année. C’est d’autant plus urgent que nous sommes dans la dernière année de sa législature.

Enseignants contractuels : le feuilleton qui s’éternise
Dès sa mise en place en 2016, le système de recrutement contractuel des enseignants-cadres des académies régionales n’a cessé de provoquer des déconvenues, alors qu’il fut censé apporter une solution au manque d’effectif. Refusant catégoriquement toute flexibilisation de leur contrat, les enseignants nouvellement recrutés n’ont eu de cesse de revendiquer leur intégration dans la Fonction publique, faute de quoi, ils n’ont pas hésité à organiser de nombreuses grèves, dont la dernière a eu lieu du 29 décembre au 31 décembre.

Une grève qui leur a coûté cher, selon Rabie Elgourii, représentant de la Coordination nationale des enseignants contractuels à Casablanca, qui a estimé les pertes pour les grévistes au niveau salarial à 1200 dirhams. Interrogé, lundi 4 janvier lors de la séance des questions orales à la Chambre des Représentants sur ce sujet par les députés istiqlaliens, Saâïd Amzazi a encore une fois affirmé que son département a abrogé le régime contractuel en 2019, optant ainsi pour un nouveau régime de recrutement régional avec plus d’autonomie pour les académies, ce qui conférera aux enseignants concernés le même statut que celui des fonctionnaires avec la possibilité de bénéficier d’une retraite.

Il n’en demeure pas moins que le système contractuel reste préjudiciable pour les  enseignants, il leur interdit l’intégration dans le statut de la Fonction publique, et par conséquent la mobilité au niveau national (laquelle est limitée dans la région). « Ceci provoque des problèmes énormes pour les enseignants qui vivent loin de leurs familles et qui se voient interdits de demander une réaffectation, alors que les fonctionnaires en bénéficient », nous expliqué M. Elgourii.

Sur ce point, Saâïd Amzazi est prêt à faire des concessions en autorisant la mobilité nationale à titre exceptionnel. S’ajoute à cela le salaire dérisoire dont bénéficie cette catégorie d’enseignants, qui avoisine 5200 dirhams, selon M. Elgourii. Un salaire non conforme à leurs diplômes, « il existent parmi nous des doctorants qui touchent le même salaire qu’un licencié », a-t-il déploré.

En somme, les enseignants contractuels dénoncent l’absence de perspectives de carrière et se déclarent prêts à hausser le ton et multiplier toutes les formes de protestations. « C’est la seule option qui reste pour que nous puissions être entendus», a asséné M. Elgourii. L’objectif est de persuader le ministre de l’Éducation nationale à se mettre à nouveau à table pour de nouvelles négociations. De leur côté, les doctorants sont aussi remontés contre le département de Saâïd Amzazi que les enseignants, ils revendiquent d’être intégrés dans la Fonction publique et avoir la possibilité de passer les concours de professeurs universitaires, un privilège accordé aux fonctionnaires et pas encore aux doctorants en situation de chômage.

Médecins : la patience atteint ses limites
L’autre dossier brûlant que le gouvernement doit trancher en urgence, celui des médecins et du personnel de Santé, qui traîne dans les tiroirs du département de Khalid Aït Taleb. Après une année de sacrifices où ils furent privés même de leurs congés, les médecins et les infirmiers du secteur public attendent toujours leur récompense, quoique modeste. L’indemnité exceptionnelle Covid-19 n’est pas encore versée bien qu’elle soit annoncée en août dernier. Le ministre de la Santé avait précisé que « cette prime » sera versée dans les jours qui viennent.

Toutefois, les médecins ont des revendications plus larges, ils réclament la reprise du dialogue social sur des questions plus prioritaires, il s’agit de l’amélioration de leurs conditions de travail avec une augmentation de salaires (et notamment l’indemnité de risques), le renforcement des effectifs et plus d’investissements dans les infrastructures hospitalières. «Les médecins sont victimes d’un statut inique étant donné qu’un docteur en médecine ne touche pas le même salaire qu’un docteur enseignant universitaire bien que le premier fasse un travail plus pénible », a regretté El Mountadar Alaoui, Secrétaire général du Syndicat Indépendant des Médecins du Secteur Public, ajoutant que les médecins revendiquent la révision de leur statut salarial 509 et d’obtenir le droit à la mutation et la démission.

Quoique le département de Khalid Aït Taleb semble réceptif à ces revendications, leur acceptation dépend du ministère de l’Économie et des Finances, qui n’a pas encore donné son avis. Tant que le statu quo perdure, le retour à la grève n’est pas exclu pour M. Alaoui.

« Nous serions contraints de reprendre la protestation en cas d’une réaction négative du gouvernement », a-t-il précisé. Ce scénario est d’autant plus manifeste que même le syndicat national de Santé est entré en ligne en adressant une nouvelle injonction au gouvernement suite au blocage actuel.

Après tant d’attentisme dont fait preuve le gouvernement tout au long de son mandat, il serait judicieux de régler tous ces dossiers pendants avant la fin de cette législature pour éviter tout risque de nouvelle grogne sociale qui serait en mesure de paralyser encore une fois les secteurs de la Santé et de l’Éducation, déjà meurtris par la crise sanitaire. Ceci est d’autant plus urgent que la situation sociale du pays ne permet plus aucune inconséquence.
Anass MACHLOUKH

3 questions à Saïda Aït Bouali

Saïda Aït Bouali
Saïda Aït Bouali
« La reprise du dialogue social est tributaire d’une forte volonté politique »

Saïda Aït Bouali, députée istiqlalienne et présidente de la Commission des secteurs sociaux à la Chambre des Représentants, a répondu à nos questions sur la crise sociale qui se profile dans l’horizon de cette année législative suite au gel du dialogue social.

- Les médecins et les enseignants semblent remontés contre le gouvernement et l’accusent de rompre le dialogue social, peut-on parler d’une crise sociale surtout après la multiplication des grèves et des manifestations ?
- S’agissant des médecins et des infirmiers, le ministre de la Santé a précisé lors de sa dernière réunion avec les membres de notre Commission qu’il est prêt à accepter leur dossier revendicatif qui insiste sur l’amélioration de leurs conditions de travail et la revalorisation de leur statut dans la Fonction publique. Il en est de même pour les infirmiers dont les revendications ont été acceptées, à croire les paroles du ministre, qui nous a assuré que toutes ces mesures, une fois adoptées, s’appliqueront de manière rétroactive.

- Tous les dossiers relevant du dialogue social semblent devoir passer impérativement par le ministère des Finances, ceci explique-t-il les atermoiements du gouvernement ?
- Pour ce qui concerne le Personnel de Santé, il est évident que le ministère de tutelle ne s’oppose plus aux revendications contenues dans leur dossier. Or, il semble que le ministère de l’Economie et des Finances examine le coût financier au gré des équilibres budgétaires, c’est ce qui explique pourquoi le gouvernement n’a pas encore donné une suite favorable à ces revendications au regard de la lenteur des procédures administratives.

- Nous constatons actuellement une consternation sociale grandissante chez les syndicats, quelles sont vos doléances pour l’Exécutif pour remédier à cette situation ?
- Si nous sommes arrivés à ce stade, c’est à cause de la suspension du dialogue social sur plusieurs dossiers dont font partie ceux des médecins et des enseignants. Le dialogue est malheureusement gelé entre le gouvernement et les syndicats, et ceci remonte au mandat du gouvernement précédent. Une reprise du dialogue dans les plus brefs délais est la seule issue pour pouvoir sortir du marasme actuel, il incombe donc au gouvernement de faire le premier pas pour rassurer toutes les catégories professionnelles ayant des revendications légitimes en remettant sur la table des négociations, afin de les régler rapidement, les dossiers pendants. Pour ce faire, il faut absolument une forte volonté politique.
 
Propos recueillis par A.M.

Encadré

Amekraz et les syndicats : le dialogue de sourds
L’ambiguïté semble envahir l’atmosphère des relations entre le ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle Mohammed Amekraz et les centrales syndicales, qui ne parviennent plus à s’entendre et reprendre un dialogue serein. L’incompréhension est telle que les négociations sont gelées entre les deux parties depuis la marche arrière du gouvernement sur le projet de loi organique portant sur le droit de grève, lequel a été retiré du circuit législatif et plus précisément de l’ordre du jour de la Commission de la Justice et de la législation à la Chambre des Représentants, le 16 septembre dernier, sous prétexte de concerter davantage avec les syndicats.

Un argument réfuté par ces derniers qui fustigent une volonté de l’Exécutif de restreindre le droit de grève et limiter la marge de manoeuvre des salariés dans l’exercice d’un droit constitutionnel. Les syndicats ne semblent pas satisfaits des conditions dans lesquelles se tient le dialogue social en le qualifiant de « consultations formelles », dépourvues d’audace. Ce projet de loi si controversé n’a toujours pas gagné la confiance des syndicalistes pour la simple raison qu’ils le jugent offensant et non conforme avec les normes internationales et notamment celles de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Jusqu’à présent, le dialogue demeure suspendu selon des sources proches du dossiers et quelques sources du ministère, qui nous l’ont confirmé.

D’autres dossiers restent en instance tels que le projet de loi encadrant l’activité des syndicats. Cette situation ne semble pas embarrasser Mohammed Amekraz qui a défendu son bilan en matière de dialogue social devant les députés, assurant que les concertations avec les syndicats sont régulières. Encore faut-il en sortir avec des ententes et mettre un terme à la stérilité des séances formelles.

A. M.

Repères

Augmentation timide des budgets des secteurs sociaux
Dans le cadre du projet de loi des Finances 2021, le gouvernement a augmenté les budgets alloués à l’Education nationale et à la Santé de six milliards de dirhams tout en augmentant en parallèle le nombre des postes budgétaires de 3500 postes supplémentaires pour les deux secteurs ; dont 1500 pour la Santé et 2000 pour l’Education. Cette augmentation demeure en déça des aspirations des professionnels de la Santé dont la hausse des effectifs proposée est loin de combler le besoin actuel.
Une réforme radicale attend le système de Santé
La crise sanitaire a démontré la vulnérabilité de l’hôpital public, victime de décennies de sous-investissement et de mauvaise gestion. Le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb a reconnu l’insuffisance des ressources humaines dans les établissements publics de santé. Un vaste programme de réforme exhaustive de tout le système de santé est en cours de préparation. M. Aït Taleb a précisé qu’il est indispensable d’établir une complémentarité entre le secteur public et le secteur privé et régionaliser davantage la gestion de l’infrastructure hospitalière et des ressources humaines dont la mobilité devra être restreinte dans les régions et plus au niveau national.








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