Épisode 1 : La Découverte Macabre
Ce matin-là, la mer rendait son secret. Pas à pas, mais vague après vague. D'abord, ce fut la tête, prisonnière des rochers devant la salle Naji Ben Naâmi, découverte par des enfants dont l'insouciance venait de se briser net.
Puis les vagues, complices malgré elles, déposèrent aux pieds d'une ville médusée les membres épars d'un corps martyrisé. El Jadida, station balnéaire paisible, venait d'ouvrir les portes de l'enfer.
Épisode 2 : L'Ombre et la Méthode
Dans le bureau enfumé du commissariat de la rue de l'Université Arabe, un homme se tenait droit devant le tableau d'enquête. Le commissaire Miloudi El Hamdouchi, surnommé "Colombo" pour son obstination légendaire, fixait les photos des restes de la victime.
Ses armes ? Rien de technologique. Juste l'intuition, la patience, et ce réseau d'indicateurs qu'on appelait le "service de l'oreille". Tandis que la panique gagnait la ville - les femmes s'enfermaient, les rues se vidaient plus tôt - l'homme à la moustache écoutait. Écoutait les silences, les non-dits, les chuchotements.
Épisode 3 : Le Fantôme du Marché
L'enquête avançait, lente, méthodique. Jusqu'à ce qu'un nom émerge des témoignages, répété comme une litanie inquiétante : "Châïba". Un boucher du quartier. Un homme ordinaire.
Le jour de l'interpellation, l'étal de Châïba regorgeait de viande. On raconte que le commissaire, le regardant droit dans les yeux, lui aurait demandé : "Cette viande... elle vient d'où, au juste ?"
Épisode 4 : Les Aveux du Boucher
Dans le bureau du commissaire, sous la lumière crue des néons, Châïba craqua. Il parla pendant des heures. D'une relation toxique, de jalousie, de cette femme qu'il avait aimée puis haïe au point de la réduire en morceaux.
"Je l'ai découpée comme je découpe mes bêtes", aurait-il avoué, le regard vide. "Morceau par morceau."
Épisode 5 : Le Silence du Tribunal
Le procès fut bref, intense. La sentence tomba : réclusion perpétuelle. Châïba disparut derrière les murs, puis, ironie du sort, trouva la mort dans un banal accident de circulation après seulement quelques années de détention.
Aujourd'hui, quand la brume recouvre le port d'El Jadida, les anciens se souviennent. Ils se souviennent de cette affaire qui déchira le voile de la normalité, révélant la monstruosité tapie dans l'ordinaire.
Et certains jureraient encore entendre, porté par le vent, l'écho lointain de la chanson qui rendit cette affaire immortelle : "Châïba ya oulidi, fayn machaw yamk..." - "Châïba mon fils, où sont passés tes jours ?"
Parfois, le mal ne hurle pas. Il chuchote. Et il se cache derrière l'étal du boucher du coin.
Mohamed LOKHNATI
