Quelques semaines plus tard, il annonce soudainement la publication de son ouvrage Le journal d’un prisonnier, un livre de 216 pages qu’il présente comme une plongée dans son intériorité, sa souffrance, son isolement, sa nuit carcérale. Je l’ai reçu, un jour avant sa sortie officielle qui aura lieu demain le 10 décembre. J’en ai lu onze pages, je me suis arrêté à une phrase avant de poursuivre ma lecture en diagonale. Écoutez :
« J’ai donc été particulièrement imprévoyant. Je l’ai payé au prix le plus fort, celui de la prison. L’impensable était devenu réalité. ». C’était suffisant. Je reconnaissais là un ton, une posture, un mécanisme mental que j’ai vu chez d’autres hommes, derrière d’autres portes, dans un autre contexte. Dans ma vie professionnelle, j’ai eu accès à des milliers de détenus, de vrais détenus, brisés ou redressés par l’enfermement, la plupart lucides, d’autres présentaient les signes d’une très difficile réhabilitation. Ce sont ces derniers qui m’ont appris à reconnaître le déni.
Ils sont persuadés d’être innocents malgré l’évidence. Ils présentent un discours cohérent, structuré, presque séduisant. Ils manipulent le réel pour qu’il reflète leur version. Ils transforment souvent leur condamnation en martyr, en éternel victimes et leur incarcération en injustice.
Dans les premières pages du livre de Sarkozy, j’ai vu exactement cela. Un homme condamné qui ne parle pas de responsabilité. Sa responsabilité dans les crimes dont il est accusé. Un homme puni qui ne voit que la punition. Un homme qui se raconte victime, jamais acteur. Jamais responsable de son crime.
D’après les premières pages, son livre ne se présente pas comme un examen de conscience, mais plutôt comme une opération de nettoyage. Il ne cherche pas à sauver l’homme mais l’image. Pas l’individu mais le personnage. Il écrit pour reconquérir l’opinion, non pour reconnaître la faute (condition importante dans tout processus de réhabilitation).
Dans le cas de Sarkozy, s’il devait assumer, vraiment sa responsabilité, cela impliquerait de regarder en face un chapitre autrement plus lourd que trois semaines de cellule. La Libye.
Il y a un fait que l’Histoire ne pourra jamais contourner. Sarkozy est condamné pour financement occulte venu de la Libye de Mouammar Kadhafi. Financement qui aurait alimenté la campagne présidentielle de 2007. Et quatre ans plus tard, en 2011, c’est bien ce même Sarkozy qui pousse la France et une coalition de pays occidentaux à intervenir militairement dans ce pays durant le printemps arabe. On connaît le résultat.
La chute du régime Kadhafi n’a pas été une libération mais une implosion. La démocratie tant promise en alternative au l’ancien régime, tarde à mettre les pieds en Lybie. Ce pays est devenu un champ de ruines politiques, un carrefour de milices, de trafics, de morts. L’État a disparu, les frontières ont fondu, l’Afrique du Nord et l’Europe vivent encore les secousses de ce séisme.
Voilà le vrai dossier. Ce ne sont pas vingt et un jours à la Santé qui marquent l’Histoire. C’est l’effondrement d’un pays entier, conséquence directe d’une décision politique prise par Sarkozy en premier lieu à l’invitation d’un pseudo intellectuel. Tout cela s’est passé dans un contexte de deals, de financements occultes, de stratégies qui ont dépassé les peuples et les vies humaines.
Et aujourd’hui, Sarkozy écrit un livre pour raconter son malheur intime. Ni la cellule, ni ses nuits d’angoisse, ni le récit d’un lit trop dur ne pèsent face au chaos libyen. Ce livre est un écran, une diversion, un masque. Une tentative de nous faire regarder ailleurs.
Ce que je retiens de ces onze pages, ce n’est pas l’homme blessé, ce n’est pas l’ancien chef d’État fatigué. Ce que je vois, c’est un condamné qui se croit innocent. À défaut d’obtenir l’acquittement du tribunal, il espère ne pas trop perdre la sympathie de l’opinion publique. Un récit qui tente de laver plus blanc que blanc. Une plume qui cherche à réhabiliter l’image, pas la conscience. Pendant que l’auteur se regarde souffrir, un pays entier, la Lybie, souffre encore.
Cela dit, Nicolas Sarkozy aurait été le bienvenu devant le micro de mon émission, Souverains anonymes. Je ne lui aurais posé qu’une question. Une seule : « Quand tu repenses à ce coup de téléphone nocturne de BHL à l’Élysée en 2011, lorsqu’il t’a demandé d’engager la France en Libye, et que tu observes aujourd’hui ce qu’est devenue la Libye depuis la chute de Kadhafi, est-ce qu’au fond de ta cellule, tu te dis « J’ai été imprévoyant » ?
« J’ai donc été particulièrement imprévoyant. Je l’ai payé au prix le plus fort, celui de la prison. L’impensable était devenu réalité. ». C’était suffisant. Je reconnaissais là un ton, une posture, un mécanisme mental que j’ai vu chez d’autres hommes, derrière d’autres portes, dans un autre contexte. Dans ma vie professionnelle, j’ai eu accès à des milliers de détenus, de vrais détenus, brisés ou redressés par l’enfermement, la plupart lucides, d’autres présentaient les signes d’une très difficile réhabilitation. Ce sont ces derniers qui m’ont appris à reconnaître le déni.
Ils sont persuadés d’être innocents malgré l’évidence. Ils présentent un discours cohérent, structuré, presque séduisant. Ils manipulent le réel pour qu’il reflète leur version. Ils transforment souvent leur condamnation en martyr, en éternel victimes et leur incarcération en injustice.
Dans les premières pages du livre de Sarkozy, j’ai vu exactement cela. Un homme condamné qui ne parle pas de responsabilité. Sa responsabilité dans les crimes dont il est accusé. Un homme puni qui ne voit que la punition. Un homme qui se raconte victime, jamais acteur. Jamais responsable de son crime.
D’après les premières pages, son livre ne se présente pas comme un examen de conscience, mais plutôt comme une opération de nettoyage. Il ne cherche pas à sauver l’homme mais l’image. Pas l’individu mais le personnage. Il écrit pour reconquérir l’opinion, non pour reconnaître la faute (condition importante dans tout processus de réhabilitation).
Dans le cas de Sarkozy, s’il devait assumer, vraiment sa responsabilité, cela impliquerait de regarder en face un chapitre autrement plus lourd que trois semaines de cellule. La Libye.
Il y a un fait que l’Histoire ne pourra jamais contourner. Sarkozy est condamné pour financement occulte venu de la Libye de Mouammar Kadhafi. Financement qui aurait alimenté la campagne présidentielle de 2007. Et quatre ans plus tard, en 2011, c’est bien ce même Sarkozy qui pousse la France et une coalition de pays occidentaux à intervenir militairement dans ce pays durant le printemps arabe. On connaît le résultat.
La chute du régime Kadhafi n’a pas été une libération mais une implosion. La démocratie tant promise en alternative au l’ancien régime, tarde à mettre les pieds en Lybie. Ce pays est devenu un champ de ruines politiques, un carrefour de milices, de trafics, de morts. L’État a disparu, les frontières ont fondu, l’Afrique du Nord et l’Europe vivent encore les secousses de ce séisme.
Voilà le vrai dossier. Ce ne sont pas vingt et un jours à la Santé qui marquent l’Histoire. C’est l’effondrement d’un pays entier, conséquence directe d’une décision politique prise par Sarkozy en premier lieu à l’invitation d’un pseudo intellectuel. Tout cela s’est passé dans un contexte de deals, de financements occultes, de stratégies qui ont dépassé les peuples et les vies humaines.
Et aujourd’hui, Sarkozy écrit un livre pour raconter son malheur intime. Ni la cellule, ni ses nuits d’angoisse, ni le récit d’un lit trop dur ne pèsent face au chaos libyen. Ce livre est un écran, une diversion, un masque. Une tentative de nous faire regarder ailleurs.
Ce que je retiens de ces onze pages, ce n’est pas l’homme blessé, ce n’est pas l’ancien chef d’État fatigué. Ce que je vois, c’est un condamné qui se croit innocent. À défaut d’obtenir l’acquittement du tribunal, il espère ne pas trop perdre la sympathie de l’opinion publique. Un récit qui tente de laver plus blanc que blanc. Une plume qui cherche à réhabiliter l’image, pas la conscience. Pendant que l’auteur se regarde souffrir, un pays entier, la Lybie, souffre encore.
Cela dit, Nicolas Sarkozy aurait été le bienvenu devant le micro de mon émission, Souverains anonymes. Je ne lui aurais posé qu’une question. Une seule : « Quand tu repenses à ce coup de téléphone nocturne de BHL à l’Élysée en 2011, lorsqu’il t’a demandé d’engager la France en Libye, et que tu observes aujourd’hui ce qu’est devenue la Libye depuis la chute de Kadhafi, est-ce qu’au fond de ta cellule, tu te dis « J’ai été imprévoyant » ?
Mohamed Lotfi
9 Décembre 2025
9 Décembre 2025





















