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Actu Maroc

Echanges en valeur ajoutée (TiVA) : Comment le commerce interrégional peut-il booster les indicateurs du Royaume [INTÉGRAL]


Rédigé par Mohamed ELKORRI Lundi 15 Janvier 2024

Au Maroc, il existe différentes hiérarchies dans les systèmes commerciaux interrégionaux et internationaux, ce qui génère des implications négatives en termes d’inégalité régionale. D’où la nécessité de revoir l’architecture commerciale interrégionale.



Pour comprendre la nature et la structure du commerce interrégional et international marocain, l’analyse des activités économiques du pays est de mise. Durant les deux dernières décennies, le Royaume a entrepris moult réformes ayant pour ambition d’asseoir les bases d’un développement territorial équilibré, traduisant sur le terrain le choix de la régionalisation avancée, via le processus de décentralisation et de déconcentration. Des réformes qui ont permis, certes, d’insuffler un élan supplémentaire à la dynamique des territoires, sans toutefois corriger les disparités territoriales dans la mesure où la richesse nationale demeure portée par un nombre réduit de régions. Forte de ses 153 communes, la région Casablanca-Settat dispose d’une richesse économique, naturelle et humaine unique à l’échelle nationale, se positionnant au sommet des régions les plus performantes du pays. 

Celle-ci compte environ 21% de la population et génère plus de 32% du PIB national. Les deux plus grandes agglomérations urbaines, Grand Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra, ont des niveaux de productivité plus élevés, qui se traduisent par des parts de PIB plus élevées (plus de 47%) que les parts de population (plus de 34%). Tanger-Tétouan-Al Hoceima à leur côté, les trois régions créent près de 60% du PIB marocain. Dans son dernier rapport, relatif au commerce en valeur ajoutée (TiVA) des différentes régions du Royaume, le Policy Center For the New South (PCNS) relève que « la différenciation du poids entre les régions résulte d’une forte concentration d’activité dans les zones urbaines et métropolitaines », notant que la nature du commerce émanant des régions détermine également leur positionnement et leur compétitivité à l’international. 
 
Interactions interrégionales

« Les politiques d’atténuation devraient prendre en compte les interactions interrégionales pour mieux comprendre comment les économies régionales sont interdépendantes et comment elles sont affectées par les demandes finales internationales et nationales », indique l’étude qui montre le rôle moteur vital joué par le Grand Casablanca-Settat en tant que stimulateur de l’économie, avec sa forte contribution à la génération de valeur ajoutée dans les autres régions et au commerce extérieur marocain. Il est ainsi évident que les impacts du commerce interrégional liés à l’économie du Grand Casablanca-Settat diffèrent de ceux des autres économies régionales. Certaines régions marocaines (notamment Dakhla-Oued Eddahab et Tanger-Tétouan-Al Hoceima) se spécialisent dans des activités plus orientées vers les exportations, ce qui, selon l’étude, rend leur croissance et leur développement économiques dépendants de leur capacité à être compétitives sur les marchés d’exportation internationaux, en plus de leurs marchés intérieurs. 

Par ailleurs, d’autres régions bénéficient « étonnamment » davantage du commerce interrégional en termes de balance commerciale nette, qui influence considérablement les activités d’autres économies régionales à travers la chaîne d’approvisionnement (Marrakech-Safi, Souss-Massa et Béni Mellal-Khénifra). 

Les analystes du PCSN estiment que les politiques publiques devraient mettre davantage l’accent sur l’importance de certains secteurs spécifiques à grande échelle en termes de stimulation de la croissance économique (principalement le secteur immobilier et le secteur agricole). D’un point de vue commercial, la réduction des coûts de transaction spatiale peut être un moyen par lequel les économies géographiquement périphériques peuvent accéder plus efficacement aux marchés nationaux et internationaux, tant en termes de production que de consommation, agissant ainsi sur les inégalités régionales. Néanmoins, même si l’économie peut bénéficier de ces réductions, l’étude estime que la répartition relative ne profitera pas nécessairement aux régions périphériques, à moins qu’elles ne puissent tirer d’importantes économies d’échelle du processus de changement. 

3 questions à Abdelghani Youmni « Il faut créer un nouveau paradigme interrégional »

Economiste et spécialiste en politiques publiques, Abdelghani Youmni répond à nos questions.
Economiste et spécialiste en politiques publiques, Abdelghani Youmni répond à nos questions.
  • Comment le Maroc peut-t-il stimuler le commerce interrégional ?

La réponse n’est plus dans les politiques publiques ou dans les réformes structurelles macroéconomiques, mais dans une révolution de l’approche microéconomique de l’entreprise marocaine et de la naissance de nouveaux capitaines de l’industrie manufacturière à la turque, à la malaisienne et à la sud-coréenne. La règle d’or pour plus de commerce interrégional ne devrait pas être plus d’échanges de produits étrangers importés ou de livraisons de produits finis locaux, mais plus d’intrants échangés entre écosystèmes régionaux spécialisés en industrie, en textile ou en agroalimentaire.
 
  • On constate plusieurs inégalités en termes de commerce entre les régions au Maroc. Quelle politique pour que le Maroc puisse revoir le commerce interrégional ?

Ces inégalités ne sont pas volontaires, elles sont la résultante de disparités régionales héritées du protectorat, de spécificités géographiques, d’accès à la mer, du faible taux d’urbanisation entre régions et des écarts de la densité démographique entre les régions. Cette densité est de 27.2 habitants/km² dans l’Oriental, 352.8 habitants/km² dans la région de Casablanca-Settat et seulement 9.4 habitants/km² dans la région Guelmim-Oued Noun. Ces réalités ne font pas du Maroc une exception, mais lui imposent une marche forcée vers une régionalisation économique accélérée, doublée d’une mobilité des ressources humaines et des compétences. Le Royaume a réussi ce défi en transformant la ville de Tanger d’une ville frontalière pauvre et enclavée en une métropole industrielle et une destination de tourisme et d’affaires à notoriété internationale. Face à des bouleversements sociaux, économiques et environnementaux à forts impacts sur le partage de la valeur, il est indéniable que la question du territoire suscite un intérêt croissant. Dans ce sens, le commerce interrégional ne doit pas viser la mobilité des marchandises, mais les circuits courts qui favorisent la neutralité carbone, aussi la production locale et nationale qui permet de capter la croissance économique. A contrario, nous pouvons encourager un commerce interrégional de la petite et moyenne industrie ou manufacture qui opère comme sous-traitant ou comme équipementier.

Pour toutes ces raisons, c’est la typologie territoriale des bases économiques qui doit créer un nouveau paradigme interrégional qui n’est pas le commerce nomade, mais l’innovation schumpétérienne.
 
  • La région de Casablanca-Settat approvisionne en marchandises toutes les régions du Royaume, ce qui rend le prix final plus cher ailleurs qu’à Casablanca, alors que le pouvoir d’achat dans les autres régions demeure moins important, quel scénario doit-on prévoir pour éviter cette inégalité ? 

Il est certain que la concentration du pouvoir économique dans le centre crée une externalité négative pour les zones périphériques et se traduit par une inflation artificielle et une érosion du pouvoir d’achat. Au même temps, cette inégalité, même si elle n’est pas excusable, est corrigée par un effet de rattrapage sur les budgets de logement pour l’acquisition ou pour la location et les budgets de la mobilité dans les petites villes. Aussi, plutôt que d’entrevoir des solutions dans le repli local ou dans les discriminations, le scénario qui pourrait atténuer les inégalités territoriales ou régionales n’est pas celui d’une autonomie dans la fiscalité des collectivités territoriales, car qui dit régions pauvres dit maigres recettes fiscales. Une fois ce diagnostic posé, il va falloir creuser l’idée du partage du décollage économique du Maroc en délocalisant certains segments de production des régions riches vers les régions pauvres en s’inspirant des modèles allemand et sud-coréen qui suivent un modèle « mutatis mutandis », écarter les différences pour rendre les comparaisons possibles. 

Echanges internationaux : France, la grande préférée des régions

Pour le Grand Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Marrakech-Safi, la France est le partenaire étranger le plus important. Sur les 12 régions du Maroc, la France est le premier partenaire commercial extérieur dans neuf régions, tandis que l’Espagne arrive en deuxième position dans sept régions. Les trois régions d’exception sont Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Béni Mellal-Khénifra et Dakhla-Oued Eddahab, pour lesquelles l’Espagne, les États-Unis et les Pays-Bas sont respectivement les principaux partenaires commerciaux en termes de génération de valeur ajoutée en 2019. Au niveau national, le Grand Casablanca-Settat est le partenaire le plus précieux et stratégique pour les 12 régions du pays. La région domine le commerce local et joue le rôle de pivot de l’économie à ce niveau. La France est la deuxième destination du Grand Casablanca-Settat et de Rabat-Salé-Kénitra en termes de valeur ajoutée incorporée dans les échanges, juste après leur important partenaire domestique (Grand Casablanca-Settat). 
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Performances régionales : Ecarts abyssaux entre les régions

Trois régions du Royaume jouent un rôle central dans le moteur de la croissance économique du pays. Ces régions sont Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima, qui ont contribué collectivement à 58,6 du Produit intérieur brut (PIB) du Maroc en 2021. Locomotive, la région de Casablanca-Settat représente 32,2% du PIB national. Cette domination économique est principalement due à son statut de centre économique du pays. Casablanca étant la plus grande ville et un centre majeur de commerce, de finance et d’industrie pour toute l’Afrique.

En deuxième position, la région Rabat-Salé-Kénitra a contribué à hauteur de près de 15,9% au PIB national. La présence de la capitale, Rabat, et ses fonctions administratives, ainsi que les activités économiques de cette région, ont joué un rôle important dans cette part. La région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, située au Nord du pays, a contribué à hauteur de 10,5% au PIB du Maroc. Son emplacement stratégique, notamment le port Tanger-Med, en fait une porte d’entrée clé pour le commerce international, contribuant de manière significative à son économie. Le HCP révèle que l’écart entre le PIB de ces régions leaders et la moyenne du PIB régional est passé de 66,4 milliards de dirhams en 2020 à 71,8 milliards de dirhams en 2021.








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