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Interview avec Nadir Zaibout : À la découverte du projet pédagogique du meilleur enseignant du primaire


Rédigé par Mina ELKHODARI Mercredi 3 Décembre 2025

Nadir Zaibout a décroché le premier Prix de l’Enseignant de l'année, réservé à la catégorie « Enseignement primaire public », au titre de l’année 2023-2024, de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, pour son projet pédagogique visant à instaurer un environnement numérique de soutien scolaire. Ce projet, mis en place au sein de l’École Al Khawarizmi, relevant de la Direction Provinciale M’diq-Fnideq, a bénéficié à 71 élèves de la 6ème année primaire. Interview.



  • Vous avez obtenu le premier Prix du meilleur enseignant du primaire dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima pour votre projet « Mise en place d’un environnement numérique de soutien scolaire ».  Que représente pour vous cette distinction en tant qu’enseignant et porteur dudit projet ?

 
Je tiens tout d’abord à remercier le ministère de l’Education nationale et la Fondation Mohammed VI pour cette reconnaissance ainsi que « L’Opinion » pour l’intérêt porté à cette initiative pédagogique. En fait, ce Prix est pour moi une profonde source de fierté et de gratitude. Il récompense des années de travail, d’engagement et d’innovation au service de mes élèves et de l’école publique. Il reconnaît, également, l’efficacité de notre vision éducative qui place l’apprenant au centre du processus d’apprentissage grâce aux outils numériques. Ce Prix honore non seulement mon travail, mais aussi celui de toute une communauté éducative engagée.
 
  • Comment a germé l’idée de ce projet et en quoi consiste-t-il exactement ?

L’idée remonte à la période de reprise des cours, après les grèves des enseignants en 2024. Les enseignants étaient préoccupés par la nécessité non seulement de rattraper le temps scolaire perdu, mais surtout de créer un environnement propice pour réussir les séances de soutien scolaire. Le numérique s’est ainsi imposé dans la démarche du corps enseignant, leur permettant d’accélérer le déploiement des cours de soutien tout en donnant aux élèves la possibilité d’apprendre de manière autonome, continue et motivante.

Concrètement, nous avons mis en place une médiathèque de classe, des ateliers d’initiation à l’informatique, une plateforme d’apprentissage à distance dédiée, des ressources interactives dans toutes les matières, soldées par un accompagnement individualisé pour chaque apprenant. Le projet a, par ailleurs, acquis une portée académique suite à la publication d’un article scientifique, où j’ai analysé son impact pédagogique, notamment, en matière de remédiation et d’évaluation formative dans les environnements numériques.
 
  • Comment avez-vous adapté l’environnement d’enseignement aux niveaux et aux besoins des élèves ?

 
Cette démarche a été faite dans plusieurs étapes. Nous avons, d’abord, procédé à un diagnostic participatif des difficultés réelles des élèves, accompagnés d’ateliers progressifs d’initiation (ordinateur, tablette, Internet, plateforme). Des ressources numériques ont été, par la suite, adoptées selon les niveaux, avec un accompagnement individualisé et suivi continu. Chaque apprenant a pu ainsi avancer à son rythme grâce à un parcours flexible qui respectait son niveau et ses besoins.
 
 
  • Quels outils ou plateformes numériques avez-vous privilégiés et pourquoi ?

 
Des tablettes éducatives ont été mises à la disposition de chacun des élèves bénéficiaires, avec un ordinateur de bureau, des smartphones et un vidéoprojecteur ainsi qu'une plateforme numérique conçue pour la classe. Ces outils ont été choisis pour leur simplicité, leur interactivité et leur capacité à favoriser l’autonomie et l’engagement des élèves.
 
 
  • Quel est le nombre d’élèves ayant bénéficié de ce projet ? Qu’en est-il de l’effet  observé chez les élèves depuis sa mise en place ?

 
Le projet a directement bénéficié à 71 élèves de la 6ème année primaire à l’École Al Khawarizmi, Direction Provinciale M’diq-Fnideq. Depuis sa mise en œuvre, nous avons observé que les élèves sont désormais plus motivés pour apprendre, ils ont même réalisé un progrès notable dans les matières fondamentales. L'utilisation de la plateforme numérique a permis d'améliorer leurs compétences numériques et favoriser leur l’autonomie d’apprentissage. Les élèves sont devenus plus confiants et plus réactifs en classe, notamment ceux présentant des difficultés, lesquels ont particulièrement profité du soutien individualisé et des feedbacks instantanés.
 
  •  À quel point le numérique permet-il de favoriser un environnement d’enseignement performant et interactif ?

Il n’est plus à démontrer l’importance du numérique comme levier pédagogique. L’expérience prouve qu’il permet de personnaliser le rythme d’apprentissage selon les besoins de chaque élève, contribuant ainsi à réduire l’exclusion dont peuvent être victimes ceux rencontrant des difficultés. La plateforme que nous avons utilisée met à disposition des ressources pédagogiques accessibles à tout moment, propose des activités interactives capables de capter l’attention, offre un feedback immédiat et assure une continuité pédagogique en toutes circonstances. Le numérique transforme ainsi la classe en un environnement dynamique, équitable et motivant.
  


  • Comment comptez-vous élargir l’impact de ce projet dans votre région ?

Je souhaite partager cette expérience avec d’autres enseignants, organiser des ateliers de formation dédiés à la création de ressources numériques, accompagner les écoles intéressées par la mise en place d’espaces numériques et contribuer à diffuser une culture numérique durable dans la région de Tanger-Tétouan-Hoceima et pourquoi pas dans le reste des régions du Royaume. Mon objectif est de transformer ce projet en un modèle reproductible à plus grande échelle.
 
  • Quels sont les obstacles et les contraintes que vous avez rencontrés, lors de la mise en place de ce projet numérique ?

Les contraintes font naturellement partie intégrante de toute trajectoire de changement. Et c’est le cas pour nous dans la mise en œuvre de ce projet. Trois contraintes ont marqué cette aventure numérique dont le manque d’équipements numériques, qui m’a obligé à improviser et à optimiser les moyens disponibles. Ensuite, l’initiation des élèves, dont beaucoup n’avaient jamais utilisé d’outils numériques et pour lesquels il a fallu organiser des ateliers de base et assurer un accompagnement rapproché. Enfin, le temps de préparation, car la création de ressources numériques et la gestion d’une plateforme exigent un investissement considérable en termes de temps. Malgré ces défis, les résultats obtenus ont largement compensé les difficultés rencontrées.
 
  • Quel regard portez-vous sur l’intégration du numérique à l’école ? Et quelles sont les contraintes persistantes ?
 
Le Maroc réalise des avancées intéressantes en la matière, et de nombreuses initiatives prometteuses, notamment, celle des « écoles pionnières », placent l’usage du numérique au cœur des apprentissages. Toutefois, le déploiement des solutions numériques n’est pas aussi facile que l’on pense, particulièrement à la lumière des disparités persistantes en matière d’équipements entre établissements, non seulement entre monde rural et monde urbain, mais dans le monde urbain lui-même couplé à l’accès limité à Internet dans certaines zones.

Il existe, également, un besoin énorme en matière de formation continue des enseignants et des difficultés de produire durablement des ressources numériques. Malgré ces obstacles, le potentiel du numérique demeure immense et représente un levier essentiel pour renforcer l’équité et améliorer la qualité de l’enseignement, si l’ensemble des acteurs de l'écosystème s’engage durablement dans cette perspective.







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