
Sparte, cette cité antique en laquelle le chef de l’Exécutif Israélien Benyamin Netanyahou voit un modèle pour l'État hébreux, raisonne dans la mémoire collective comme étant la ville ayant tenu tête à l’Empire Perse Achéménide, pourtant puissant Empire indéfectible de la Moyenne Antiquité. A ce titre, le film 300 de Zack Snyder, qui raconte la bataille de Thermopylae opposant la Perse à Sparte en 480 Avant JC, aura durablement marqué les esprits par le jeu des acteurs, les effets spéciaux innovants, mais surtout l’Histoire mystifiée du guerrier Léonidas incarné par l’écossais Gerard Butler.
Le scénario est simple. 300 guerriers issus de la mythique Sparte tiennent tête dans un duel remarquable à des milliers, voire centaines de milliers de combattants aguerris de l’Empire Perse avec à leur tête le terrible Empereur Xerxes. Ils finiront vaincu mais leur lutte héroïque, célébrée en Grèce jusqu’à nos jours, a été un tournant dans l’Histoire.
C’est en effet le postulat de nombreux historiens et politologues depuis Hérodote jusqu’à nos jours. Mais en pleine crise de l’occident, voire même “défaite de l’occident” pour reprendre le titre de la dernière parution du démographe Français Emmanuel Todd, la bataille des Thermopyles est de plus en plus interprétée comme un moment fondateur, marquant la résistance des petites démocraties face aux empires autoritaires. Dans “Thermopylae: The Battle for the West", l'historien Britannique Ernl Bradford souligne le rôle décisif de cette bataille dans la genèse des valeurs fondamentales de la civilisation occidentale. D’autres auteurs ont abondé dans le même sens, de l’américain Victor Davis Hanson au Français Jean Pierre Vernant.
Benyamine Netanyahou se verrait donc en Léonidas face à l’Empire Perse incarné par l’Iran mais pas que, l’ensemble des pays riverains pour ainsi dire, de la Turquie à l’Arabie Saoudite, en passant par l’Egypte, la Jordanie, le Liban ou le Yémen. Peut-être même que le Maroc figure dans le lot, au vu de la carte de la région, que Netanyahou a brandi par deux fois et dans lequel on aperçoit notre pays tronqué, le nord colorié en vert, la même couleur que celle de l’Iran et de tous les pays de la région MENA.
Mais le parallélisme ne s’arrête pas là. Tout y passe, de la suprématie blanche, puisque Sparte comme Israël incarnent dans l’imaginaire nouveau dicté par Hollywood, les nations à l’avant garde de l’occident face aux méchants orientaux basanés, jusqu’aux valeurs de liberté, de civisme et de citoyenneté exclusive à Sparte comme à Israël, si l’on s’en tient aux narratifs développés par les masses média.
Mais si le parallèle avec l’Islam et la Perse antique semble évident, si cette Perse qui triomphe sans gloire face aux valeureux combattants spartiates, rappelle aisément l’Iran de Khamenei et du totalitarisme des Mollahs, et si la petite troupe de courageux guerriers fidèles au héros Léonidas se veut un parallèle flatteur pour Tsahal et ses soldats embourbés dans le génocide de Gaza, il y a toutefois une observation importante à souligner.
Sparte n’est pas Athènes, et Netanyahou s’est en effet bien gardé de comparer Israël à la rivale de Sparte, aujourd’hui devenue la capitale grecque. Pourtant un tel parallèle aurait été plus rassurant et compréhensible pour les observateurs initiés, parmi lesquels de nombreux Israéliens. L’ancien ministre Avigdor Lieberman rappelle en effet que Sparte a fini vaincue et isolée. Un mauvais présage pour ce leader de la droite Israélienne qui rappelle les interminables guerres du Péloponnèse, si bien décrites par l’Historien Grecque Thucydide. Ces guerres ont fini par avoir raison de la cité guerrière.
Car Sparte n’a jamais incarné ce que Athène a pu représenter aux yeux des Occidentaux, mais aussi des Orientaux qui se sont attelés dès le VIème siècle à traduire les œuvres de la pensée gréco-romaine. Si Athènes incarne dans notre imaginaire à tous le triomphe de la démocratie et de la pensée, Sparte personnifie quant à elle la société pyramidale, militarisée et austère. Car oui Sparte est une société profondément hiérarchisée avec une minorité maritale et militariste au sommet, et une base composée d’hilotes, des esclaves corvéables à merci. Un modèle qui est un cauchemar pour les Palestiniens, une perspective sombre pour n'importe quel démocrate israélien, mais qui séduit tellement au sein du parti au pouvoir, le Likoud.