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Youssef a détruit lui-même ses reins : Il a négligé ce tambour sourd qui cognait dans sa tête


Rédigé par Dr Anwar CHERKAOUI le Mardi 6 Mai 2025

Histoire Inspirée du quotidien des médecins nephrologues, qui tiennent leur 21 congrès national du 8 au 10 mai 2025.



Il s’appelle Youssef. Cinquante-huit ans, une silhouette encore droite, le regard fier, mais le cœur têtu. 

C’était un homme simple, ouvrier dans le bâtiment, solide comme ses murs, fier comme ses pierres. 

Il en avait vu d’autres.  Des douleurs dans les bras, des genoux usés, et ce battement dans les tempes, ce tambour sourd qui cognait parfois dans sa tête. 

Il appelait cela "le vent du sang", et il l’ignorait. 

Il disait que cela passait avec le repos et une tasse de thé à la menthe.

Mais ce vent-là avait un nom : l’hypertension artérielle. 

Et ce n’était pas un vent de passage. C’était un cyclone intérieur.

Son médecin traitant, un homme correct et ferme, l’avait prévenu :

« Youssef, ta tension monte trop haut. Si tu ne prends pas tes médicaments, si tu continues le sel, le pain blanc, les merguez, si tu ne bouges pas un peu, ce ne sont pas tes jambes qui te trahiront, ce seront tes reins. »

Youssef avait haussé les épaules. 

Il pensait que ces conseils étaient pour les faibles, pour ceux qui écoutent trop leur corps. 

Lui, il en avait fait taire des douleurs. 
Pourquoi celle-là serait différente ?

Mais les reins, eux, ne crient pas. 

Ils se taisent. 

Ils filtrent, inlassablement, goutte après goutte, jusqu’au jour où ils ne peuvent plus.
Et ce jour est venu. Brutal. Comme une sentence.

Un matin, Youssef s’est réveillé les pieds enflés, le souffle court, le visage gonflé d’eau. 

Ce n’était plus un corps d’homme, c’était un barrage prêt à rompre.

L’analyse sanguine fut sans appel. 

Insuffisance rénale terminale. 

Les reins ne filtraient plus rien. 
Ils avaient capitulé, en silence.

On l’a mis sous dialyse. Trois fois par semaine, quatre heures à chaque séance. 

Branché à une machine comme on se branche à une vie artificielle. 

Il ne pouvait plus voyager, plus travailler, plus jeûner. 

Son quotidien était devenu mécanique, médical, millimétré.

Youssef pleurait rarement. 

Mais ce jour-là, devant la machine qui bourdonnait et nettoyait son sang à sa place, il a pleuré. 

Non de douleur. De regret. 

Il se souvenait des mots de son médecin, des signes, des vertiges, des battements sourds. 

Il aurait pu éviter tout cela.

Mais on n’évite pas les conséquences de l’inconscience.

On les porte. Comme une chaîne. Comme une perfusion.

Youssef vit encore. 

Mais ce n’est plus la même vie.

Il est devenu un homme qui conseille les autres.

Un homme qui dit aux jeunes ouvriers : « Écoutez vos reins pendant qu’ils se taisent. Car quand ils parleront, il sera trop tard. »







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