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Reprise touristique : un vent d’optimisme souffle sur le Royaume ?


Rédigé par Leila OUAZRY Lundi 28 Juin 2021

Suite à l’annonce du dispositif spécial MRE, de nombreux professionnels du tourisme font état d’une accélération des réservations pour les Marocains du Monde. Néanmoins, les MRM sont toujours réticents.



Après 15 mois de mesures restrictives, les Marocains de tous bords aspirent à prendre des vacances, à renouer avec la mère patrie et revoir leurs familles. En atteste le flux important des MRE (Marocains Résidant à l’Etranger) ayant manifesté leur volonté de rentrer au pays dès l’annonce de l’ouverture des frontières et du dispositif spécial lancé sur Hautes instructions Royales.

Une initiative qui implique la mobilisation de plus de 8 ferries et quelque 42 compagnies aériennes pour desservir 43 pays. Si les premiers permettaient de transporter près de 27.000 personnes par semaine, les deuxièmes assureraient entre le 15 juin et le 30 septembre 3,5 millions de sièges aériens, soit près de 3/4 de la capacité proposée en 2019, donnant ainsi une bouffée d’espoir aux opérateurs touristiques qui souffrent toujours des affres de la pandémie.

Du côté du tourisme domestique, les choses sont à l’identique. Après une grogne générale des MRM (Marocains Résidant au Maroc) sur les réseaux, appelant à leur inclusion dans les offres touristiques réservées aux Marocains du Monde, la Fédération Nationale de l’Industrie Hôtelière (FNIH) a vite étouffé la polémique, en annonçant l’élargissement des tarifs préférentiels à l’ensemble des citoyens.

Rien n’est encore gagné !

Tout en affichant un optimisme quant à la reprise de l’activité touristique, Lahcen Zelmat, président de la FNIH, pense qu’on ne peut pas espérer une véritable embellie. «On peut prétendre à une évolution timide grâce à cette dynamique, mais ce n’est pas cela qui va sauver la mise», nous indique-t-il. Selon l’hôtelier, la situation est encore compliquée.«Nous avons quelques réservations sur le balnéaire, mais encore rien sur les villes impériales »,souligne Zelmat, avant d’ajouter qu’«en plus, au niveau international, les gens n’ont pas encore beaucoup de visibilité».

L’isolement sanitaire pour les touristes en provenance des pays de la liste B et le traumatisme lié à la crainte d’un revirement de situation qui pourrait engendrer une fermeture des frontières et de se retrouver coincé hantent toujours les esprits, explique notre interlocuteur, ajoutant que «tous ces facteurs, conjugués aux difficultés financières, font que la mobilité des touristes risque d’être limitée».

Le tourisme domestique est vital

Pour ce qui est des MRM, il faut également nuancer. « Ceux qui ont les moyens vont bouger, alors que ceux qui n’en ont pas vont rester chez eux. Il ne faut pas oublier que la crise a impacté les bourses des ménages », explique Zelmat. Quant aux MRE, le professionnel estime qu’ils vont d’abord chez la famille ou dans leurs propres maisons. En effet, les MRE représentent près de 50 % des arrivées touristiques, mais en termes des nuitées dans les établissements hôteliers classés, ce taux est assez faible.

Par ailleurs, même s’il admet que le tourisme domestique représente un maillon important du secteur et qu’il a souvent permis sa résilience face à diverses crises, Zelmat réfute l’idée qu’il a toujours été relégué au second plan, et ce, malgré le fait qu’il «représente 30% de l’activité touristique». Soulignant que ce taux reste en deçà des attentes, l’opérateur hôtelier n’hésite pas à inciter les Marocains à consommer les produits locaux, quel que soit le secteur d’activité. « C’est ainsi qu’on pourra créer de la richesse et aspirer à un bond économique», estime-t-il.

Offre inadaptée

Entre 2000-2019, les Marocains ont dépensé quelque 125 MMDH dans leurs voyages à l’étranger alors que la recette du tourisme interne marchand s’est limitée à 6,3 MMDH/an durant cette période. Un chiffre qui interpelle à plusieurs titres, puisqu’en plus des tarifs souvent plus élevés qu’à l’étranger, l’offre réduite de structures d’hébergement adaptées aux familles marocaines, limite l’accès aux établissements classés. Cela se traduit par un faible taux au niveau des nuitées, limitant ainsi les recettes du tourisme domestique à 7 MMDH en 2019.

Néanmoins, le bilan mitigé du tourisme domestique est loin d’être une surprise, surtout que bon nombre de plans de développement peinent à voir le jour. Les objectifs du Plan Biladi demeurent, à ce jour, inachevés. Sur les 8 stations prévues, deux seulement ont été réalisées, deux autres sont toujours en cours de construction, une station a été abandonnée à cause du foncier et 3 autres en attente d’investisseurs.

Cela dit, pour remédier aux carences de cette branche, il faut changer de paradigme, surtout que la famille est au centre du tourisme interne. De nombreuses familles ont tendance à s’adresser au secteur informel (location chez les particuliers, on compte près de 40.000 lits informels à Tétouan, Marrakech, ...), pour deux raisons : le manque de produits adaptés (à l’exception d’Ifrane et Agadir) et des prix élevés.

Enfin, la création d’un TO national (dont on parle depuis au moins une dizaine d’années), et enfin la mise en place de lignes internes low-cost, sont également des pistes à creuser.
Leila OUAZRY

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Reprise touristique : un vent d’optimisme souffle sur le Royaume ?

3 questions à M. Othman Chérif Alami, directeur général de Atlas Voyages

Le « yield management » décidera des prix cet été
 
Suite aux instructions Royales, les MRE ont pu bénéficier de tarifs préférentiels au niveau de l’offre aérienne et hôtelière. Très saluée, cette initiative a eu un impact très positif sur le moral et les bourses des MRE. Cependant, bon nombre de nos concitoyens sont montés au créneau pour demander si les touristes locaux ne méritaient pas le même intérêt.


- Une « polémique » a été enclenchée autour de la question des offres dédiées aux touristes domestiques. Tout d’abord, pensez-vous que ces attentes sont légitimes ?


- Oui, je comprends les raisons de cette polémique. Dans nos Clubs, on essaiera d’offrir des réductions avec des conditions de réservations, de disponibilités et surtout selon le yield management obligatoire sur les prix pour la période de Aïd el Adha et celle des 3 semaines d’Août. Il est nécessaire de prendre en considération le fait que l’ouverture pour ce genre de prestation est limitée en cette période estivale, notamment après 15 mois où l’activité était presque nulle, donnant lieu à des comptes d’exploitation dans le rouge ! La situation est plus que difficile pour les opérateurs.


- Le tourisme interne représente le 2ème marché pourvoyeur de touristes après celui de la France, près de 30 % des nuitées sont ainsi réservées grâce au marché local, qu’a-t-on fait pour fidéliser cette demande ?


Depuis les Visions 2010 et 2020, aucune décision majeure n’a été prise pour une mise en place effective des mesures prioritaires inscrites dans ces deux visions ! A ce jour, aucune offre d’appart-hôtel dans le cadre de Biladi n’est disponible, ni aucun mécanisme de suivi spécifique à la mise en oeuvre des offres dédiées au tourisme interne n’a été mis en place !


- Pourquoi le tourisme domestique n’a jamais eu un programme dédié et continue d’être une bouée de sauvetage en temps de crise ? Pourquoi les opérations Kounouz Biladi et Ya Biladi ont été vouées à l’échec ?

- Tout simplement parce que le tourisme interne n’a jamais eu de réelle stratégie nationale et régionale avec des équipes et un budget dédié (soit un minimum de 30%) au niveau des ministères du Tourisme, du Transport et des Finances, comme au niveau de la SMIT, de l’ONMT ou encore des Régions.

La dynamique enclenchée dans les années 2006/2008 est pratiquement terminée et certaines destinations connaissent de sérieuses difficultés à l’image de Ouarzazate, Fès, Meknès, le grand Sud ! Sans oublier l’initiative de créer des Tours opérateurs nationaux en 2006 toujours au point mort après 6 mois de travail et quelques réalisations à l’abandon, sans raison ni explications ! Voilà donc une excellente idée qui est restée lettre morte.

De plus, la promotion sur le site de l’ONMT de structures comme Booking a également contribué à éroder l’attractivité des agences de voyage et autres promoteurs, contribuant ainsi à l’abandon de toute stratégie nationale.
Recueillis par L. O.