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Migration : Entre ouverture et prudence, les Marocains partagés


Rédigé par L'Opinion Vendredi 24 Octobre 2025

La dernière enquête d’Afrobarometer révèle une société marocaine tiraillée entre son adhésion à la mobilité régionale et son inquiétude face aux flux migratoires. Si une majorité de citoyens se déclare favorable à la libre circulation en Afrique du Nord, beaucoup demeurent réticents à l’idée d’accueillir davantage de migrants et de réfugiés sur le sol national.



Selon l’enquête menée en février 2024 auprès de 1.200 Marocains dans le cadre du 10ᵉ tour d’Afrobarometer, les perceptions du public oscillent entre ouverture et réserve. Près des deux tiers (63 %) des personnes interrogées estiment que les habitants d’Afrique du Nord devraient pouvoir circuler librement pour commercer ou travailler. Toutefois, 66 % jugent que franchir effectivement les frontières demeure « difficile » ou « très difficile », ce qui traduit un décalage entre l’adhésion de principe à la mobilité régionale et les obstacles concrets perçus.
 
Cette ambivalence se manifeste également dans la méconnaissance de l’intégration africaine : neuf Marocains sur dix déclarent n’avoir jamais entendu parler de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), pourtant ratifiée par le Royaume et opérationnelle depuis 2021.
 
Des attitudes globalement tolérantes envers les migrants
 
Les résultats de l’enquête dressent le portrait d’une population globalement tolérante à l’égard des travailleurs étrangers et des réfugiés, mais soucieuse de maîtriser les flux migratoires. Plus des trois quarts des sondés (78 %) affirment qu’ils accepteraient sans problème d’avoir des travailleurs étrangers comme voisins, tandis que 56 % se disent ouverts à la présence de réfugiés dans leur entourage immédiat.
 
Cette tolérance est toutefois nuancée : les personnes économiquement stables et les jeunes se montrent plus favorables aux étrangers que les ménages en situation de pauvreté ou les personnes âgées. Les femmes, en particulier, se révèlent légèrement moins enclines à accepter des réfugiés comme voisines que les hommes (53 % contre 59 %).
 
Sur le plan économique, 36 % des Marocains considèrent que les immigrés contribuent positivement à l’économie du pays, contre 21 % qui perçoivent leur présence comme néfaste, tandis que 43 % ne se prononcent pas.

Tolérance sociale, prudence politique
 
Cette ouverture individuelle contraste avec une nette préférence pour la restriction des politiques migratoires. Selon Afrobarometer, 45 % des citoyens estiment que le gouvernement devrait réduire le nombre d’étrangers venant chercher un emploi au Maroc, et 6 % iraient jusqu’à supprimer totalement cette possibilité. L’attitude est encore plus ferme à l’égard des réfugiés : 51 % des répondants souhaitent limiter leur entrée dans le pays et 9 % s’y opposent catégoriquement.
 
Ce paradoxe illustre, selon les auteurs du rapport, une distinction entre le vivre-ensemble et la politique d’État : si la cohabitation quotidienne avec les migrants est acceptée, la majorité des Marocains préfèrent que le flux migratoire soit strictement encadré. Cette prudence reflète sans doute des préoccupations économiques persistantes, notamment la crainte que la concurrence sur le marché du travail ou la pression sur les services publics n’affectent les citoyens les plus fragiles.
 
Un Maroc qui reste marqué par le désir d’émigrer
 
L’étude révèle par ailleurs que près d’un Marocain sur deux (44 %) a déjà songé à émigrer. Ce taux atteint 64 % chez les jeunes, 74 % parmi les ménages défavorisés, et 69 % chez les demandeurs d’emploi. Les plus instruits sont également plus nombreux à envisager un départ : 61 % des diplômés de l’enseignement supérieur ont déjà envisagé de quitter le pays, contre seulement 19 % des personnes sans scolarité.
 
Les motivations sont essentiellement économiques : 50 % évoquent la recherche d’un emploi, 12 % la création d’une activité ou de meilleures perspectives commerciales, et 12 % le souhait d’échapper à la pauvreté. D’autres raisons, comme l’éducation (8 %) ou la quête d’aventure (5 %), sont citées plus marginalement.
 
L’Europe demeure la destination privilégiée de ceux qui envisagent l’émigration (58 %), suivie par l’Amérique du Nord (27 %), tandis que seuls 2 % souhaiteraient s’installer ailleurs sur le continent africain.
 
L’enquête souligne la complexité du rapport des Marocains à la mobilité humaine : un attachement certain aux principes d’ouverture et de solidarité, mais aussi une inquiétude tangible face aux effets économiques et sociaux des migrations. Afrobarometer observe que le Maroc se situe à la croisée des dynamiques migratoires, à la fois pays d’origine, de transit et de destination, et que ses citoyens expriment des attitudes en miroir de cette position hybride.







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