Le passage de Tamara Stepanyan au Festival international du film de Marrakech a révélé un documentaire d’une rare densité, où l’histoire de l’Arménie se raconte autant par ses blessures que par son patrimoine cinématographique. Mes fantômes arméniens, présenté quelques mois après la Berlinale, se construit comme une traversée sensorielle d’un pays dont l’indépendance fut à peine conquise qu’elle déjà meurtrie, entre le génocide de 1915, la chape de plomb soviétique et les récents affrontements au Karabagh.
La cinéaste explore la mémoire de l’Arménie en remontant le fil d’images restaurées, où se mêlent documentaires, fictions et fragments oubliés du cinéma soviétique arménien. La puissance du film tient à cette capacité à transformer des archives poussiéreuses en matière vivante, vibrante, capable de rendre audible un passé traumatique souvent enseveli.
Plus qu’un panorama historique, Stepanyan organise un véritable voyage cinéphile, où les références convoquées tiennent autant de la recherche universitaire que d’un manifeste intime. À travers un montage d’une grande finesse, elle illustre combien le cinéma peut être un territoire à part entière, traversé d’époques et de récits, un espace où les fantômes reprennent forme.
La cinéaste explore la mémoire de l’Arménie en remontant le fil d’images restaurées, où se mêlent documentaires, fictions et fragments oubliés du cinéma soviétique arménien. La puissance du film tient à cette capacité à transformer des archives poussiéreuses en matière vivante, vibrante, capable de rendre audible un passé traumatique souvent enseveli.
Plus qu’un panorama historique, Stepanyan organise un véritable voyage cinéphile, où les références convoquées tiennent autant de la recherche universitaire que d’un manifeste intime. À travers un montage d’une grande finesse, elle illustre combien le cinéma peut être un territoire à part entière, traversé d’époques et de récits, un espace où les fantômes reprennent forme.
Un film né d’un deuil, nourri par la transmission
Interrogée par L’Opinion, Tamara Stepanyan revient sur l’origine profonde de ce projet : la perte de son père, acteur du cinéma soviétique arménien. Ce deuil agit comme déclencheur. En rouvrant boîtes de photos, films familiaux et extraits de ses rôles, la réalisatrice plonge dans une mémoire personnelle qui se transforme peu à peu en enquête historique.
« Cela m’a amenée vers des archives, vers des fantômes, vers la mémoire », confie-t-elle. De fil en aiguille, l’intime se tisse avec l’Histoire : l’exil qu’elle a vécu à l’âge de 12 ans, le régime soviétique, la place des femmes dans un système où elles ont longtemps été invisibilisées. Le film prend la forme d’un triptyque : son propre parcours, celui de l’Arménie, et celui d’un cinéma longtemps oublié.
Pour Stepanyan, la transmission constitue l’enjeu majeur : montrer aux jeunes générations un héritage dont elles ignorent parfois l’existence. L’accueil enthousiaste d’étudiants marocains — qui prenaient en note les films mentionnés — illustre l’universalité de cette quête.
Le cinéma comme territoire sans frontières
À Marrakech, Stepanyan revendique une vision du cinéma qui dépasse les nationalités. Elle cite volontiers les travaux de Martin Scorsese sur les cinémas américain et italien, tant Mes fantômes arméniens s’inscrit dans cette même volonté de transmettre un héritage filmique mondial.
Le documentaire interroge le pouvoir subjectif du cinéma : celui d’ouvrir des portes vers des époques révolues, de réveiller des mémoires étouffées, d’offrir des repères dans un présent fragmenté. La réalisatrice rappelle que si son film parle d’Arménie, il raconte surtout comment un pays se construit — ou se déconstruit — par ce qu’il choisit de rappeler ou d’oublier.
Femme réalisatrice dans un environnement longtemps dominé par des hommes, Stepanyan voit dans le mouvement actuel une libération progressive. Dans le monde arabe comme ailleurs, les femmes prennent davantage la caméra, écrivent, produisent. Loin de tout militantisme explicite, elle observe un changement structurel qui, selon elle, permettra un jour de juger un film non plus selon le genre de son auteur, mais selon sa valeur artistique.
“Ne pas oublier” : un message universel
À la question du message central du film, Tamara Stepanyan répond sans détour : préserver la mémoire. Dans un monde où le présent absorbe tout, elle insiste sur la nécessité de comprendre le passé pour ne pas s’y perdre. La mort du père, l’exil, les ruptures historiques : chaque spectateur, dit-elle, emporte du film un fragment qui lui parle.
Avec Mes fantômes arméniens, elle offre un geste cinématographique aussi personnel qu’historique, un pont entre générations et continents, et un appel à regarder derrière soi pour avancer, lucides, vers l’avenir.






















