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Culture

« El-Sett » : L’épopée politique d’Oum Kalthoum


Rédigé par Yassine Elalami le Mercredi 3 Décembre 2025

Avec El-Sett, présenté en première mondiale en séance de gala au Festival international du film de Marrakech, Marwan Hamed et Ahmed Mourad proposent bien plus qu’un biopic consacré à Oum Kalthoum. Ils livrent un film-archive, ample et audacieux, qui revisite la vie de “L’Astre d’Orient” en éclairant les zones demeurées dans l’ombre : son engagement, ses combats, sa conscience politique, sa position de femme influente dans un monde d’hommes. Un pari ambitieux, porté par une écriture minutieuse et une mise en scène ample, qui assume d’aller chercher la légende là où on ne l’avait pas encore racontée.



Si le cinéma et la télévision égyptiens ont souvent célébré la diva, rares sont les œuvres qui ont osé plonger dans ses archives personnelles, ses articles d’opinion, son activité syndicale ou son rôle discret dans les coulisses du pouvoir. El-Sett prend le contre-pied des récits habituels : il se penche sur la femme derrière la voix, la citoyenne derrière le mythe, la stratège derrière la star.
 
Mourad et Hamed remontent jusqu’à l’enfance d’Oum Kalthoum, là où s’esquisse déjà une trajectoire singulière : une petite fille travestie en garçon pour pouvoir chanter les tawashih, défiant les interdits sociaux avec une audace presque instinctive. Cette scène fondatrice devient l’un des moteurs du film, qui ne cesse de montrer comment la chanteuse a sans cesse contourné, négocié et redéfini les règles du jeu.
 
Le récit déroule ensuite les différentes étapes de sa vie : ses débuts populaires, la construction méthodique de son influence, son rapport complexe avec les élites, puis son entrée dans l’histoire politique du monde arabe. La distribution offre une galerie de personnages solidement interprétés – Amr Saad, Sayed Ragab, Ahmed Daoud, Ahmed Khaled Saleh –, mais c’est l’actrice, Mona Zaki, incarnant Oum Kalthoum qui en porte l’âme. Elle fait entendre une femme autoritaire et sensible, loyale et stratégique, toujours consciente de son pouvoir et de son image.
 
Les réalisateurs embrassent aussi les épisodes les plus controversés de sa vie : sa proximité avec la famille royale, son lien avec l’oncle du roi Farouk, ses tensions avec la seconde épouse du roi Fouad Ier, puis le bras de fer qui l’opposa à Gamal Abdel Nasser avant que la nation ne la considère comme un pilier moral. Le film rappelle une vérité souvent oubliée : Oum Kalthoum fut un témoin privilégié des bouleversements politiques de l’Égypte moderne, mais aussi un acteur indirect de ces mutations. À travers ses concerts patriotiques, ses prises de position, sa collecte de dons pendant la guerre, elle mobilisa un peuple entier, transformant la scène en tribune civique.
 
Visuellement, Marwan Hamed propose un film ample, parfois lyrique, qui oscille entre reconstitution historique et souffle épique. Les décors, les costumes, la reconstitution des studios et des salles de concert enrichissent une narration qui refuse le didactisme pour privilégier l’émotion, la complexité et la densité du réel. Le récit n’idéalise pas Oum Kalthoum : il la révèle, dans sa force comme dans ses contradictions.
 
El-Sett n’est pas seulement un hommage : c’est une relecture nécessaire, replacée dans le contexte politique de son époque et pensée pour le spectateur d’aujourd’hui. On en ressort avec la conviction que la diva n’a pas seulement façonné la musique arabe, mais qu’elle a influencé le destin de son pays, marquant par sa seule présence un siècle entier d’histoire.







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