Dans les sous-sols des Archives du Royaume, des milliers de dossiers dorment encore, silencieux témoins des disparitions, détentions arbitraires et tortures qui ont marqué les années de plomb. Parmi ces traces anonymes figure le nom de Fatna El Bouih, arrêtée à 21 ans, disparue puis torturée pendant les années 1970. Près d’un demi-siècle plus tard, sa trajectoire continue de défier l’oubli. C’est cette continuité, ce fil tendu entre la jeune militante brisée par le système et la femme de 67 ans qui porte encore « un rêve politique intact », qu’Hélène Harder a choisi de filmer.
La cinéaste française, invitée au FIFM, se souvient d’un sentiment immédiat : « transmettre l’histoire de Fatna, entre le passé et le présent, était quelque chose de nécessaire ». Elle confie à L’Opinion avoir douté d’être la « bonne personne » pour le faire, mais jamais de la nécessité de porter cette voix au cinéma. Une voix qui, selon elle, n’appartient pas seulement à l’histoire du Maroc, mais à celle de toutes les sociétés confrontées à des formes persistantes de répression et de silences institutionnels.
Le documentaire trouve rapidement son ancrage dans l’action militante d’aujourd’hui. Harder a suivi pendant plusieurs années Fatna dans les couloirs de la prison d’Oukacha, à Casablanca, là où l’ancienne détenue politique organise un festival de cinéma pour les mineurs incarcérés. L’initiative, unique dans le pays, va bien au-delà de la projection de films. Pendant des mois, les adolescents apprennent l’écriture de scénarios, la prise de son, la mise en scène. Ils fabriquent leurs propres courts-métrages, projetés ensuite lors d’un festival qui recrée, à l’intérieur d’un lieu d’enfermement, un espace possible d’expression.
Ce geste, explique la réalisatrice, résume l’essence du film : montrer comment la mémoire, pour Fatna, n’est jamais un fardeau mais un moteur. Comment la survivante d’hier continue d’agir sur le réel, convaincue que « les espaces de liberté doivent être construits, même là où on ne les attend pas ».
Si les années de plomb ont inspiré quelques œuvres marquantes — La mère de tous les mensonges d’Asmae El Moudir ou Nos lieux interdits de Leila Kilani — leur traitement demeure rarement porté par les femmes. Fatna elle-même insiste sur cet angle mort. Longtemps, souligne-t-elle, la détention politique a été racontée au masculin : « personne ne savait qu’il y avait des femmes détenues ». Militante, écrivaine, fondatrice de plusieurs associations, elle a écrit pour « briser le silence » et rappeler que les femmes aussi ont résisté, protégé, subi et reconstruit.
La cinéaste française, invitée au FIFM, se souvient d’un sentiment immédiat : « transmettre l’histoire de Fatna, entre le passé et le présent, était quelque chose de nécessaire ». Elle confie à L’Opinion avoir douté d’être la « bonne personne » pour le faire, mais jamais de la nécessité de porter cette voix au cinéma. Une voix qui, selon elle, n’appartient pas seulement à l’histoire du Maroc, mais à celle de toutes les sociétés confrontées à des formes persistantes de répression et de silences institutionnels.
Le documentaire trouve rapidement son ancrage dans l’action militante d’aujourd’hui. Harder a suivi pendant plusieurs années Fatna dans les couloirs de la prison d’Oukacha, à Casablanca, là où l’ancienne détenue politique organise un festival de cinéma pour les mineurs incarcérés. L’initiative, unique dans le pays, va bien au-delà de la projection de films. Pendant des mois, les adolescents apprennent l’écriture de scénarios, la prise de son, la mise en scène. Ils fabriquent leurs propres courts-métrages, projetés ensuite lors d’un festival qui recrée, à l’intérieur d’un lieu d’enfermement, un espace possible d’expression.
Ce geste, explique la réalisatrice, résume l’essence du film : montrer comment la mémoire, pour Fatna, n’est jamais un fardeau mais un moteur. Comment la survivante d’hier continue d’agir sur le réel, convaincue que « les espaces de liberté doivent être construits, même là où on ne les attend pas ».
Si les années de plomb ont inspiré quelques œuvres marquantes — La mère de tous les mensonges d’Asmae El Moudir ou Nos lieux interdits de Leila Kilani — leur traitement demeure rarement porté par les femmes. Fatna elle-même insiste sur cet angle mort. Longtemps, souligne-t-elle, la détention politique a été racontée au masculin : « personne ne savait qu’il y avait des femmes détenues ». Militante, écrivaine, fondatrice de plusieurs associations, elle a écrit pour « briser le silence » et rappeler que les femmes aussi ont résisté, protégé, subi et reconstruit.
Le film de Harder prend ainsi la suite de cette entreprise de visibilité. Pour Fatna, le documentaire représente une nouvelle forme de plaidoyer, plus accessible que la littérature. « Le cinéma touche les enfants, les jeunes, les femmes analphabètes », dit-elle. L’image, la couleur, la voix off permettent de faire ce que les livres ne peuvent accomplir seuls : élargir le public, irriguer le débat, s’imposer dans les foyers.
Interrogée sur la capacité du cinéma à contribuer à une réconciliation avec le passé, Fatna reste réaliste. Le silence n’est pas entièrement levé, affirme-t-elle. Trop de femmes — sœurs, épouses, mères — n’ont jamais témoigné. Leur expérience demeure enfouie dans les archives familiales et les cicatrices intimes. « Écrire ou filmer, c’est dire qu’elles ont existé », insiste-t-elle, rappelant que même le geste discret de protéger un frère ou un mari est un acte politique.
La projection à Marrakech a confirmé cette nécessité. Une standing ovation a salué Fatna, entourée de ses filles et de ses proches. Pour Harder, cette réaction témoigne de l’écho que peut avoir une histoire locale pensée dans une perspective universelle. « Beaucoup de jeunes femmes ont remercié Fatna d’avoir transmis, à travers ce film, non seulement l’histoire des années de plomb mais aussi le sens de l’engagement aujourd’hui ».
En révélant la continuité entre les blessures d’hier et les fragilités actuelles — répression de mouvements jeunes, restrictions persistantes dans l’espace public — Fatna, une femme nommée Rachid interroge le présent autant qu’il exhume le passé. Et rappelle, comme l’a formulé la réalisatrice, que toute société a besoin de voix comme celle de Fatna : des voix qui refusent l’oubli, qui bousculent la norme, qui résistent en se transmettant.
Le Maroc, dit Harder, a « la chance d’avoir Fatna ». Le cinéma, lui, a désormais la chance de raconter son histoire.
Interrogée sur la capacité du cinéma à contribuer à une réconciliation avec le passé, Fatna reste réaliste. Le silence n’est pas entièrement levé, affirme-t-elle. Trop de femmes — sœurs, épouses, mères — n’ont jamais témoigné. Leur expérience demeure enfouie dans les archives familiales et les cicatrices intimes. « Écrire ou filmer, c’est dire qu’elles ont existé », insiste-t-elle, rappelant que même le geste discret de protéger un frère ou un mari est un acte politique.
La projection à Marrakech a confirmé cette nécessité. Une standing ovation a salué Fatna, entourée de ses filles et de ses proches. Pour Harder, cette réaction témoigne de l’écho que peut avoir une histoire locale pensée dans une perspective universelle. « Beaucoup de jeunes femmes ont remercié Fatna d’avoir transmis, à travers ce film, non seulement l’histoire des années de plomb mais aussi le sens de l’engagement aujourd’hui ».
En révélant la continuité entre les blessures d’hier et les fragilités actuelles — répression de mouvements jeunes, restrictions persistantes dans l’espace public — Fatna, une femme nommée Rachid interroge le présent autant qu’il exhume le passé. Et rappelle, comme l’a formulé la réalisatrice, que toute société a besoin de voix comme celle de Fatna : des voix qui refusent l’oubli, qui bousculent la norme, qui résistent en se transmettant.
Le Maroc, dit Harder, a « la chance d’avoir Fatna ». Le cinéma, lui, a désormais la chance de raconter son histoire.






















