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Culture

« MOROCCAN BADASS GIRL » : Hicham Lasri et le surréalisme au service de l'audace narrative


Rédigé par Yassine Elalami le Dimanche 28 Avril 2024

Le réalisateur marocain Hicham Lasri fait un retour remarqué avec son dernier opus « Moroccan Badass Girl », un film où le surréalisme s'invite pour dévoiler le calvaire quotidien d'une Casablancaise.



Faisant du surréalisme un choix de narration, Hicham Lasri, réalisateur marocain de renom, estime que l'amplification hyperbolique de la réalité est une nécessité cinématographique indispensable, une vision qu'il assume depuis son premier court-métrage en 2003. « Mon premier film a été rejeté par indifférence, les gens se demandaient ce que je fabriquais, mais au fil du temps, ces mêmes personnes ont commencé à se demander s'il y avait peut-être un exercice de réflexion nécessaire », explique le réalisateur avec un ton nostalgique, soulignant que pour lui, « le meilleur cinéma, c'est celui qui représente un défi et non pas une marchandise prête à être consommée ».

Dans un monde où les réseaux sociaux ont envahi notre quotidien et renforcent les stéréotypes de consommation, Lasri refuse de se plier au format commercial. « Je suis contre l'idée du prêt-à-consommer. Si un film ne me traumatise pas, il n'est pas forcément valable selon moi. Il doit établir un lien sensoriel avec le spectateur », explique-t-il. Raison pour laquelle le réalisateur est convaincu que son approche a progressivement gagné du terrain. « Au fil du temps, les gens se lassent, et moi, je deviens plus fort. Qu'ils acceptent mon approche ou pas, je m'en fous », ajoute-t-il avec détermination.
 
« MOROCCAN BADASS GIRL », une lutte féminine
 
Le dernier opus du réalisateur, intitulé « Moroccan Badass Girl », arrive enfin sur les salles obscures nationaux. Ce long métrage captivant sera projeté dans les salles à partir du 1er mai prochain, après avoir fait sensation en avant-première mondiale au Festival International du Film de Marrakech fin décembre.

Dans ce film de 83 minutes, Hicham Lasri nous emmène dans les rues animées de Casablanca pour suivre le destin de Kathy, une jeune femme marocaine qui lutte au quotidien pour trouver sa place dans la vie et réaliser ses rêves. Lasri porte un regard incisif sur la réalité sociale du Maroc contemporain à travers les péripéties de son personnage principal, magnifiquement interprété par Fadoua Taleb, dans une histoire mêlant comédie et satire.

À l'approche de ses 30 ans, Khadija, surnommée « Kathy », se réveille un matin avec une prise de conscience brutale de sa situation. Elle réalise, dans un moment de solitude intense, qu'elle est prise au piège d'une existence où elle est exploitée par sa famille et son fiancé. Dans un tableau vivant de Casablanca, vibrant d'énergie, le film dresse le portrait d'une société à travers le parcours résolument rebelle d'une jeune femme qui refuse de se plier aux conventions et aux attentes sociales.

« Comme c'est mon premier film avec un rôle principal féminin, il était important pour moi d'éviter les clichés prédominants », explique Lasri. Pour lui, il cherchait à échapper aux idées toutes faites sur les femmes et à créer un personnage authentique et complexe. En d'autres termes, le réalisateur voulait que son personnage féminin soit plus qu'une simple caricature ou un archétype, mais qu'il possède une vraie profondeur, une vraie humanité. Permettant ainsi à son personnage d'exister pleinement en tant qu'individu à part entière, au-delà des rôles traditionnels souvent assignés aux femmes dans le cinéma.
 

« Briser le quatrième mur »
 
En autorisant une plus grande liberté d'interprétation à ses comédiens, Lasri crée une expérience immersive où les spectateurs sont invités à participer activement à la construction des personnages et de l'univers du film. « Cette approche permet au public de s'approprier l'histoire et de la voir à travers ses propres perspectives et émotions », explique le réalisateur. En brisant le quatrième mur, Lasri crée une connexion directe entre les personnages et le public, effaçant ainsi la frontière traditionnelle entre la fiction et la réalité.

« Ce qui m'intéresse, c'est d'être dans un rapport de provocation avec le spectateur. Je me trouve en dialogue continu avec lui ; chaque scène est une réplique. En même temps, le film dans sa fabrication se veut accessible pour un public large, mais qui respecte les composants de la réalité casablancaise, y compris le côté hardcore, mais en trouvant le juste milieu notamment en matière de mots, j’opte toujours pour des expressions moins agressives », souligne le réalisateur, déplorant « l'utilisation de l’aspect grotesque du langage dans les films parfois pour l’unique raison de racoler davantage de spectateurs ».

« MOROCCAN BADASS GIRL » : Hicham Lasri et le surréalisme au service de l'audace narrative
Un oxymore cinématographie
 
Comme à son habitude, les films de Hicham Lasri présentent souvent une utilisation habile de l'oxymore cinématographique, en associant des éléments en apparence contradictoires pour créer une tension ou un contraste saisissant. Et « Moroccan Badass Girl » ne fait pas exception à cette règle. Dans ce long métrage, l'oxymore cinématographique se manifeste à travers plusieurs scènes où la réalité quotidienne est mise en contraste avec des éléments surréalistes, offrant ainsi une nouvelle perspective sur le monde qui nous entoure.

« Un film ne doit pas être un documentaire sur la réalité, mais plutôt prendre cette dernière et la transformer en quintessence de l’hyper-réalisme. Alors que rien dans le film n'est réaliste, que ce soit dans l'exposition des personnages ou leur présentation devant la caméra », dévoile Hicham Lasri. Il ajoute que le développement de la vie actuelle et la surconnexion des jeunes ont joué un rôle fondamental dans la création du film : « J’ai tiré profit de cette approche de folie ».
 
Une lettre d’amour à la ville blanche
 
Connu pour son amour pour la ville blanche, étant lui-même un natif de Casablanca, Lasri utilise la ville comme une toile de fond. « Dans les différentes scènes du film, j'ai fait attention à ne pas montrer que le côté crado de Casablanca, étant donné qu'il s'agit aussi d'une lettre d'amour destinée à la ville blanche, dont je me focalise sur la nostalgie, avec une concentration d'images de vieux espaces importantes », explique le réalisateur, signalant que « plusieurs espaces présents dans le film n'existent même plus, mais c'est là où vient le rôle d'archivage attribué au cinéma ».