Malgré les efforts déployés pour moderniser le climat des affaires, la Justice commerciale peine à suivre le mouvement. En témoigne le retard de la numérisation du Registre de commerce qui tarde à voir le jour, six ans après l’adoption de la loi 88.17, conçue justement pour faciliter la création et l’accompagnement des entreprises par voie électronique. Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, en a lui-même convenu dans une réponse parlementaire récente, où il a reconnu un sérieux retard, tout en renvoyant la responsabilité à d’autres administrations, notamment le fisc et l’Imprimerie officielle du Royaume.
Ce jeu de ping-pong administratif est révélateur de l’absence de gouvernance claire d’un projet où la superposition des intervenants, sans coordination réelle ni répartition précise des rôles, a plombé le processus dès le démarrage.
Résultats des courses : digitalisation ratée, délais extravagants de prise de rendez-vous, qui peuvent aller jusqu’à 60 jours, ce qui crée d’énormes difficultés pour les entreprises. À cela s’ajoutent les contentieux commerciaux qui traînent longtemps dans les prétoires. Ce retard, qui nous coûte cher, met également en lumière les limites de la stratégie Maroc Digital 2030. Très ambitieuse sur le papier, cette stratégie n’en demeure pas moins largement déconnectée de la réalité des rouages administratifs. Il est vrai que la Justice commerciale, en particulier, continue d’être le maillon faible de la réforme judiciaire en cours, mais il n’empêche que la digitalisation a toujours été un chantier transversal qui ne peut progresser à deux vitesses selon les ministères ou les secteurs.
Lors des Journées Made in Morocco en 2023, Abdellatif Ouahbi ne mâchait pas ses mots, qualifiant la Justice commerciale de « rigide » et même « à l’âge de pierre ». Son mode de fonctionnement est carrément déphasé par rapport aux réalités économiques, au moment où on parle d’une nouvelle génération de réformes du climat des affaires.
Mais l’expérience a montré que tant que la gouvernance ferait défaut, toutes les réformes structurelles, aussi bien conçues soient-elles, resteront vaines. Le « doing business » ne se décrète pas, mais se construit, pas à pas, sur des bases solides, autant physiques que numériques.