- Vous avez consacré trois années à documenter la vie des travailleurs des mines à Jérada en passant du temps avec eux. Qu'est-ce qui vous a motivé à initier ce projet de photographie au service de l'action humanitaire et à vivre et travailler à leurs côtés dans les mines pendant cette période considérable ?
- En 2014, j'ai entrepris une expérience photographique tout en travaillant en tant que photojournaliste. À cette époque, je me replongeais dans mes années passées aux Beaux-Arts. J'étais profondément fasciné par la photographie documentaire et artistique, ce qui m'a naturellement conduit à m'orienter vers la photographie documentaire.
J'ai donc eu l'idée de réaliser un projet photographique centré sur Jérada. Lorsque je suis arrivé sur place, j'ai essayé de capturer l'essence de la ville, mais le moment décisif est survenu lorsque j'ai pénétré dans une mine. C'est à ce moment-là que j'ai su que c'était le projet sur lequel je voulais vraiment travailler.
Au début, il y a eu une certaine réticence, car les habitants de Jérada sont fiers et ne cherchent pas à être l'objet de voyeurisme ou de compassion. Cependant, au fil du temps, j'ai réussi à m'adapter. J'ai passé du temps avec eux, partagé des repas, et même passé la nuit. Nous avons discuté de nombreux sujets, de la vie à la politique, ce qui a renforcé notre lien.
Une fois que j'ai achevé ce travail, il a été publié par un site web et un magazine. Cela m'a fortement encouragé à poursuivre ce projet. J'ai également bénéficié du soutien d'un programme de photographie documentaire organisé par la Fondation Magnum à New York, ainsi que d'une Fondation hollandaise et de l'Arab Fund for Arts and Culture au Liban (AFAC) qui ont contribué au financement du projet jusqu'en 2017.
- En 2014, j'ai entrepris une expérience photographique tout en travaillant en tant que photojournaliste. À cette époque, je me replongeais dans mes années passées aux Beaux-Arts. J'étais profondément fasciné par la photographie documentaire et artistique, ce qui m'a naturellement conduit à m'orienter vers la photographie documentaire.
J'ai donc eu l'idée de réaliser un projet photographique centré sur Jérada. Lorsque je suis arrivé sur place, j'ai essayé de capturer l'essence de la ville, mais le moment décisif est survenu lorsque j'ai pénétré dans une mine. C'est à ce moment-là que j'ai su que c'était le projet sur lequel je voulais vraiment travailler.
Au début, il y a eu une certaine réticence, car les habitants de Jérada sont fiers et ne cherchent pas à être l'objet de voyeurisme ou de compassion. Cependant, au fil du temps, j'ai réussi à m'adapter. J'ai passé du temps avec eux, partagé des repas, et même passé la nuit. Nous avons discuté de nombreux sujets, de la vie à la politique, ce qui a renforcé notre lien.
Une fois que j'ai achevé ce travail, il a été publié par un site web et un magazine. Cela m'a fortement encouragé à poursuivre ce projet. J'ai également bénéficié du soutien d'un programme de photographie documentaire organisé par la Fondation Magnum à New York, ainsi que d'une Fondation hollandaise et de l'Arab Fund for Arts and Culture au Liban (AFAC) qui ont contribué au financement du projet jusqu'en 2017.
- Pouvez-vous partager une expérience ou un moment particulièrement marquant que vous avez vécu pendant votre séjour avec ces mineurs qui travaillent dur pour subvenir aux besoins de leurs familles sans tomber dans la charité ?
- En 2017, cette année-là fut marquée par une expérience inoubliable. Après avoir exposé les photos, et constaté que je ne disposais pas des ressources nécessaires à l'époque pour inviter ces mineurs à Casablanca et prendre en charge leurs frais, j'ai alors tenté de récupérer des fonds en vendant quelques photos afin de financer des tirages de grande qualité.
Ensuite, nous nous sommes rendus à la mine d'Ahouli, un lieu propice aux collages, avec l'aide de mes deux amis. Notre séjour sur place a eu lieu un vendredi et un samedi, et nous avons créé de magnifiques collages en collaboration avec les travailleurs de la mine et leurs enfants.
Ce qui m'a le plus marqué, au cours de cette expérience, c'est que l'un des mineurs m'a confié que c'était la première fois qu'il venait à la mine pour se faire plaisir plutôt que pour accomplir une corvée. C'était très émouvant. Cette remarque sincère résumait l'essence de notre expérience : transformer un lieu de travail en un espace de créativité et de joie, tout en honorant ceux qui le rendent possible.
- Comment avez-vous établi des liens avec eux et gagné leur confiance pour capturer leurs moments de vie de manière si intime ?
- La photographie repose essentiellement sur la confiance. Lorsqu'une personne vous fait confiance, elle vous ouvre son âme, ce qui permet au photographe de capturer des images authentiques. Cela signifie que, parfois, je parcourais de longues distances, effectuant parfois des trajets de 800 kilomètres entre Casablanca et Jérada, ou des allers-retours de deux jours à Midelt, Ahouli ou Béni Tajjite, sans même sortir mon appareil photo.
Mon objectif était de développer des liens d'amitié profonds qui représentaient bien plus que de simples relations professionnelles. J'ai fait preuve d'honnêteté, parfois en étant présent lors de scènes de décès, et parfois en acceptant des invitations à passer des nuits et à partager des repas avec eux.
Ces gestes démontraient un fort niveau de confiance et d'amitié. Pour moi, il était naturel de tisser ces liens, car en tant que fils d'ouvrier, je comprenais parfaitement leur langage et cela facilitait grandement l'établissement de la confiance. Ce lien a créé ainsi un terrain fertile pour des photographies qui racontent des histoires riches et sincères.
- Pouvez-vous nous parler des conditions de travail et des défis auxquels sont confrontés ces mineurs au quotidien ?
- Les ouvriers avec lesquels j'ai travaillé évoluaient dans l'ombre, dans un monde clandestin, sans accès aux papiers officiels, et devaient faire face à des journées de labeur éreintantes. Il est essentiel de noter que leurs conditions de travail ont connu des améliorations modestes suite aux manifestations de 2018.
Ils opèrent désormais sous la forme de coopératives. Mon travail s'est concentré sur l'année 2017, me permettant de documenter les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles ils évoluaient à l'époque. À travers mes photographies, j'ai cherché à capturer l'essence de leur dignité et de leur fierté, transmettant ainsi ces sentiments au public et aux amateurs d'art photographique. Mon objectif était de rendre hommage à ces travailleurs, de témoigner de leur résilience et de mettre en lumière la beauté et la force qui émanait d'eux, même dans des circonstances aussi difficiles.
- En 2017, cette année-là fut marquée par une expérience inoubliable. Après avoir exposé les photos, et constaté que je ne disposais pas des ressources nécessaires à l'époque pour inviter ces mineurs à Casablanca et prendre en charge leurs frais, j'ai alors tenté de récupérer des fonds en vendant quelques photos afin de financer des tirages de grande qualité.
Ensuite, nous nous sommes rendus à la mine d'Ahouli, un lieu propice aux collages, avec l'aide de mes deux amis. Notre séjour sur place a eu lieu un vendredi et un samedi, et nous avons créé de magnifiques collages en collaboration avec les travailleurs de la mine et leurs enfants.
Ce qui m'a le plus marqué, au cours de cette expérience, c'est que l'un des mineurs m'a confié que c'était la première fois qu'il venait à la mine pour se faire plaisir plutôt que pour accomplir une corvée. C'était très émouvant. Cette remarque sincère résumait l'essence de notre expérience : transformer un lieu de travail en un espace de créativité et de joie, tout en honorant ceux qui le rendent possible.
- Comment avez-vous établi des liens avec eux et gagné leur confiance pour capturer leurs moments de vie de manière si intime ?
- La photographie repose essentiellement sur la confiance. Lorsqu'une personne vous fait confiance, elle vous ouvre son âme, ce qui permet au photographe de capturer des images authentiques. Cela signifie que, parfois, je parcourais de longues distances, effectuant parfois des trajets de 800 kilomètres entre Casablanca et Jérada, ou des allers-retours de deux jours à Midelt, Ahouli ou Béni Tajjite, sans même sortir mon appareil photo.
Mon objectif était de développer des liens d'amitié profonds qui représentaient bien plus que de simples relations professionnelles. J'ai fait preuve d'honnêteté, parfois en étant présent lors de scènes de décès, et parfois en acceptant des invitations à passer des nuits et à partager des repas avec eux.
Ces gestes démontraient un fort niveau de confiance et d'amitié. Pour moi, il était naturel de tisser ces liens, car en tant que fils d'ouvrier, je comprenais parfaitement leur langage et cela facilitait grandement l'établissement de la confiance. Ce lien a créé ainsi un terrain fertile pour des photographies qui racontent des histoires riches et sincères.
- Pouvez-vous nous parler des conditions de travail et des défis auxquels sont confrontés ces mineurs au quotidien ?
- Les ouvriers avec lesquels j'ai travaillé évoluaient dans l'ombre, dans un monde clandestin, sans accès aux papiers officiels, et devaient faire face à des journées de labeur éreintantes. Il est essentiel de noter que leurs conditions de travail ont connu des améliorations modestes suite aux manifestations de 2018.
Ils opèrent désormais sous la forme de coopératives. Mon travail s'est concentré sur l'année 2017, me permettant de documenter les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles ils évoluaient à l'époque. À travers mes photographies, j'ai cherché à capturer l'essence de leur dignité et de leur fierté, transmettant ainsi ces sentiments au public et aux amateurs d'art photographique. Mon objectif était de rendre hommage à ces travailleurs, de témoigner de leur résilience et de mettre en lumière la beauté et la force qui émanait d'eux, même dans des circonstances aussi difficiles.
- Comment avez-vous géré les défis émotionnels de travailler sur un projet aussi profondément personnel et impliquant ?
- En 2014, j'ai entamé ce projet, et au fil des années, il demeure étroitement lié à mon père et à mon héritage ouvrier, rappelant ainsi constamment mes racines personnelles. Il possède une signification profondément personnelle pour moi. Cependant, chaque exposition est accompagnée de défis émotionnels. Bien que je trouve une grande satisfaction à le poursuivre, je ressens une certaine réticence lorsque les gens abordent la question de la vente de mes photos, en particulier des portraits, car ce projet revêt une grande intimité pour moi.
- Quel message ou quelle histoire souhaitez-vous transmettre à travers votre travail photographique sur Jérada et ses mineurs ?
- À travers ce projet, je m'efforce de narrer l'Histoire, la fierté, la dignité et l'amour profond pour leur patrie. Les mineurs, malgré leurs conditions modestes, portent une fierté incommensurable. Ils incarnent des historiens, des gardiens dévoués de l'âme de Jérada. Certains d'entre eux ont eu l'opportunité de travailler en France, mais leur cœur les a toujours poussés à revenir à leurs racines, à chérir leur village d'origine et à poursuivre leur amour indéfectible pour cette terre.
- En 2014, j'ai entamé ce projet, et au fil des années, il demeure étroitement lié à mon père et à mon héritage ouvrier, rappelant ainsi constamment mes racines personnelles. Il possède une signification profondément personnelle pour moi. Cependant, chaque exposition est accompagnée de défis émotionnels. Bien que je trouve une grande satisfaction à le poursuivre, je ressens une certaine réticence lorsque les gens abordent la question de la vente de mes photos, en particulier des portraits, car ce projet revêt une grande intimité pour moi.
- Quel message ou quelle histoire souhaitez-vous transmettre à travers votre travail photographique sur Jérada et ses mineurs ?
- À travers ce projet, je m'efforce de narrer l'Histoire, la fierté, la dignité et l'amour profond pour leur patrie. Les mineurs, malgré leurs conditions modestes, portent une fierté incommensurable. Ils incarnent des historiens, des gardiens dévoués de l'âme de Jérada. Certains d'entre eux ont eu l'opportunité de travailler en France, mais leur cœur les a toujours poussés à revenir à leurs racines, à chérir leur village d'origine et à poursuivre leur amour indéfectible pour cette terre.
À travers l'oeil du photographe : Témoignages visuels
La photographie est bien plus qu'une simple capture d'images figées dans le temps, elle incarne le pouvoir de l'observation et de la narration. Le photographe a donc mis en œuvre cette conviction profonde en considérant son travail comme un témoignage des moments qu’il traverse et des histoires qu’il souhaite raconter à travers l'objectif de son appareil photo. Son projet sur les mines, réalisé de 2014 à 2017, est un exemple concret de cette démarche.
Même aujourd'hui, en 2023, ces photographies continuent d'alimenter des conversations et des réflexions, ce qui démontre la force de la photographie en tant que témoin vivant de l'Histoire. Chaque fois que l'on regarde ces images, elles deviennent un véritable témoignage visuel de l'époque, une concrétisation de pensées et de sentiments uniques.
Dans un pays comme le Maroc, où l'Histoire visuelle est relativement récente, remontant aux débuts de la photographie coloniale au début du 20ème siècle, la photographie contemporaine est devenue un moyen puissant de documenter notre époque. Avec les avancées constantes de la technologie photographique, nous avons désormais la possibilité de créer davantage de livres, de récits et de photobooks pour témoigner de la diversité des histoires qui composent notre Maroc. La photographie continue de marquer l'Histoire, de capturer l'essence de notre époque, et de laisser une empreinte durable pour les générations futures.
Même aujourd'hui, en 2023, ces photographies continuent d'alimenter des conversations et des réflexions, ce qui démontre la force de la photographie en tant que témoin vivant de l'Histoire. Chaque fois que l'on regarde ces images, elles deviennent un véritable témoignage visuel de l'époque, une concrétisation de pensées et de sentiments uniques.
Dans un pays comme le Maroc, où l'Histoire visuelle est relativement récente, remontant aux débuts de la photographie coloniale au début du 20ème siècle, la photographie contemporaine est devenue un moyen puissant de documenter notre époque. Avec les avancées constantes de la technologie photographique, nous avons désormais la possibilité de créer davantage de livres, de récits et de photobooks pour témoigner de la diversité des histoires qui composent notre Maroc. La photographie continue de marquer l'Histoire, de capturer l'essence de notre époque, et de laisser une empreinte durable pour les générations futures.