- La ZLECAf est souvent décrite comme une opportunité historique. Pourquoi un tel enthousiasme ?
- Il faut noter d’emblée que la ZLECAf marque un tournant dans l’Histoire de notre continent. Elle nous offre pour la première fois la possibilité de bâtir un marché intégré, avec plus de 1,3 milliard de consommateurs. C’est une ambition à laquelle le Maroc croit profondément et que Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, n’a cessé de porter dans Son engagement envers l’Afrique : la vision de produire davantage en Afrique, transformer davantage en Afrique, commercer davantage entre pays africains avant de dépendre de marchés lointains. Pour nous, entrepreneurs africains, c’est une chance historique de bâtir des chaînes de valeur continentales et de renforcer notre souveraineté économique.
- Vous insistez souvent sur le rôle du secteur privé. Les opérateurs privés sont-ils vraiment les piliers de cette initiative ?
- Oui, parce qu’au final, ce ne sont pas les accords eux-mêmes qui font circuler les marchandises, ce sont les entreprises. Les États ont posé le cadre juridique, et c’est indispensable. Mais maintenant, c’est à nous, sur le terrain, de le rendre opérationnel. Nous, chefs d’entreprise, connaissons les réalités, les délais aux frontières, les difficultés de paiement, les normes différentes qui bloquent parfois la circulation d’un produit. La ZLECAf deviendra réellement efficace quand les patronats africains auront une voix directe et continue dans sa gouvernance. Notre responsabilité, c’est de transformer le texte en solutions et les intentions en actions concrètes.
- Justement, l’ASMEX coorganise la rencontre de Marrakech avec le Secrétariat d’État chargé du Commerce Extérieur. Quels en sont les objectifs ?
Ils sont plusieurs. Il y’a d’abord la volonté de rassembler les acteurs économiques du continent autour d’une approche très concrète : comment faire en sorte que la ZLECAf devienne une réalité pour les entreprises africaines, pas seulement un cadre théorique. Ensuite, faire de Marrakech un lieu d’écoute, d’ambition et de co-construction. L’ASMEX s’implique fortement parce que nous croyons profondément à l’intégration africaine et parce que lMaroc joue depuis plus de vingt ans un rôle moteur dans la coopération économique Sud-Sud. Nous voulons enfin que cette rencontre soit un vrai moment de vérité, où les entrepreneurs africains viennent avec leurs solutions et imaginent ensemble l’Afrique de demain.
- Produire africain, commercer africain : comment traduire cette ambition dans les faits ?
- En arrêtant d’exporter nos matières premières brutes pour les importer de nouveau, une fois transformées, à un prix exorbitant. Prenons un exemple simple de l’économie africaine : le cacao. Il quitte la Côte d’Ivoire, il est transformé en Europe, puis revient en Afrique sous la forme de chocolat ou autre. La valeur ajoutée, elle, voyage… mais rarement dans le sens que nous voudrions.
La ZLECAf renverse les logiques anciennes. Dans cette nouvelle architecture productive, la Côte d’Ivoire transforme, le Maroc finalise et le Kenya distribue. C’est dire que chacun contribue à une chaîne de valeur réellement africaine, où les complémentarités deviennent des atouts.
La valeur reste africaine. C’est cela une intégration concrète : relier nos industries, nos savoir-faire et nos marchés.
La ZLECAf renverse les logiques anciennes. Dans cette nouvelle architecture productive, la Côte d’Ivoire transforme, le Maroc finalise et le Kenya distribue. C’est dire que chacun contribue à une chaîne de valeur réellement africaine, où les complémentarités deviennent des atouts.
La valeur reste africaine. C’est cela une intégration concrète : relier nos industries, nos savoir-faire et nos marchés.
- Le commerce mondial se transforme rapidement sur fond d’émergence de nouveaux pôles économiques puissants. Comment la ZLECAf s’inscrit-elle dans ce contexte international ?
- Le monde se régionalise. On le voit en Asie, en Amérique du Sud, en Europe. Les grands blocs économiques structurent désormais les échanges. L’Afrique ne peut rester en marge de cette dynamique. La ZLECAf est notre réponse à ce basculement global. Elle nous permet de peser davantage dans les négociations internationales, d’attirer plus d’investissements et de mieux défendre nos intérêts. Un continent intégré est un continent plus fort.
- L’Afrique peut-elle capter une partie des chaînes de valeur mondiales ?
Absolument. La relocalisation mondiale des chaînes d’approvisionnement est une chance à saisir pour l’Afrique et c’est la chance du siècle. Le monde cherche de nouvelles usines.
Nous avons la main-d’œuvre, les terres, l’énergie, les matières premières en plus d’un marché immense. Mais pour rivaliser avec l’Asie, nous devons être un marché unique, pas 54 petits marchés éclatés. La ZLECAf est notre arme de compétitivité massive. Elle permet à un investisseur de fabriquer une pièce au Maroc, de l’assembler au Ghana, et de vendre le produit fini en Afrique du Sud sans barrières logistiques, ni douanières. C’est inédit, et c’est cela qui fera basculer l’Afrique dans les chaînes de valeur mondiales.
Nous avons la main-d’œuvre, les terres, l’énergie, les matières premières en plus d’un marché immense. Mais pour rivaliser avec l’Asie, nous devons être un marché unique, pas 54 petits marchés éclatés. La ZLECAf est notre arme de compétitivité massive. Elle permet à un investisseur de fabriquer une pièce au Maroc, de l’assembler au Ghana, et de vendre le produit fini en Afrique du Sud sans barrières logistiques, ni douanières. C’est inédit, et c’est cela qui fera basculer l’Afrique dans les chaînes de valeur mondiales.
- La transition énergétique mondiale touche particulièrement l’Afrique. Comment la ZLECAf peut-elle accompagner ce mouvement ?
La transition énergétique est une opportunité majeure pour le continent. L’Afrique possède 60 % du potentiel solaire mondial, des ressources exceptionnelles en éolien, et un rôle clé à jouer dans l’hydrogène vert. La ZLECAf peut structurer des chaînes de valeur dans l’énergie propre, en connectant les pays producteurs, les pays transformateurs et les marchés régionaux. Le Maroc, avec ses investissements dans les énergies renouvelables, peut contribuer à cette dynamique.
- Vous avez déjà évoqué l’impératif de relier l’Afrique. Est-ce une étape fondamentale pour la réussite d’une zone de libre-échange ?
En effet, on ne peut pas construire une zone de libre-échange sans fluidité logistique.
Relier nos ports, nos routes, nos plateformes logistiques, c’est créer les artères de notre marché continental. Le Maroc a investi massivement dans cette direction.
Tanger Med est un exemple vivant de ce que l’Afrique peut accomplir lorsqu’elle s’en donne les moyens. Nous devons construire des corridors stratégiques entre l’Ouest, le Nord, le centre, l’Est et le Sud. Relier l’Afrique, c’est accélérer sa croissance.
- Comment encourager davantage l’investissement africain pour soutenir la ZLECAf ?
- Il faut créer les outils financiers qui manquent cruellement. Je milite clairement pour un Fonds Africain de Garantie des Exportateurs : un mécanisme qui couvrirait le risque commercial entre pays africains. Aujourd’hui, une PME marocaine hésite à vendre à un client en Afrique par crainte de difficultés de paiement et par absence de chaînes logistiques performantes.
Si nous supprimons ce risque, nous libérons des milliards de monnaie d’échanges.
Les fonds de pension africains, qui gèrent des centaines de milliards, doivent investir dans nos infrastructures, nos industries, nos corridors. Les ressources existent : elles doivent circuler entre nous, au service de notre intégration, d’autant qu’à terme, la perspective d’une monnaie africaine commune finira par prendre corps et renforcer davantage cette dynamique.
Si nous supprimons ce risque, nous libérons des milliards de monnaie d’échanges.
Les fonds de pension africains, qui gèrent des centaines de milliards, doivent investir dans nos infrastructures, nos industries, nos corridors. Les ressources existent : elles doivent circuler entre nous, au service de notre intégration, d’autant qu’à terme, la perspective d’une monnaie africaine commune finira par prendre corps et renforcer davantage cette dynamique.
- En tant que vétéran des échanges commerciaux intra-africains, quelles sont vos attentes par rapport à la rencontre de Marrakech ?
J’attends un vrai moment de dialogue, d’ambition collective et de co-construction. Marrakech doit devenir un espace où les entreprises africaines s’expriment sans filtre, où elles disent clairement leurs besoins, leurs attentes et leur vision.
J’aimerais que cette rencontre débouche sur des engagements concrets, simples et immédiatement applicables. Nous en sommes déjà à la deuxième édition. Il est temps maintenant d’accélérer et de structurer une véritable feuille de route patronale africaine. Marrakech sera une étape importante. Mais ce n’est qu’un début. En avançant ensemble, avec lucidité, confiance et ambition, nous pouvons faire de l’Afrique un espace économique intégré, fort, compétitif et pleinement tourné vers l’avenir.
- Quel message souhaitez-vous adresser aux entrepreneurs africains ?
Je leur dis : regardez les cartes. Les frontières qui nous séparent sont des cicatrices de l’Histoire, pas des réalités économiques. Votre marché naturel, ce sont 1,3 milliard de consommateurs à vos portes. Ne passez plus par un pays en dehors de l’Afrique pour faire affaires avec le pays voisin. Utilisez la ZLECAf. Faites du continent votre atelier, votre usine, votre vitrine. L’époque où nous attendions tout des autres est révolue. L’époque de l’Afrique commence maintenant - et elle commence avec nous : les entrepreneurs.
La vision africaine de Sa Majesté le Roi Mohammed VI saluée par un pionnier des échanges commerciaux intercontinentaux :
J’ai commencé le commerce intra-africain en une période où c’était une véritable gageure. Ni routes, ni dessertes aériennes ou maritimes et encore moins de canaux bancaires ou autres pour couvrir les transactions. Le tout sur fond de conflits militaires, territoriaux, ethniques ou sociétaux qui déchiraient une grande partie de la région. Aujourd’hui, l’intégration africaine n’est plus un slogan creux comme elle le fut pendant longtemps. C’est une vision, une trajectoire, un engagement profond. Et cette trajectoire plonge ses racines dans les premières années du règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste. À travers Ses multiples visites dans de nombreux pays africains, de l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique centrale, de l’Afrique australe à l’Afrique de l’Est, le Souverain a posé les bases d’une nouvelle ère : celle d’un partenariat africain fondé sur la confiance, le respect mutuel et l’ambition partagée. Ces déplacements, d’une intensité diplomatique inédite, ont ouvert un cycle historique où le Maroc a fait le choix de l’Afrique et où l’Afrique a répondu présente. Ils ont ancré l’idée que notre avenir se joue dans l’intégration, dans la création de chaînes de valeur communes, dans la circulation des compétences, des investissements et des énergies.























