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Interview avec François Reybet-Degat : « Le Maroc a fait un pas de géant en matière de protection des réfugiés »


Rédigé par Siham MDIJI Dimanche 9 Janvier 2022

Grâce à ses multiples initiatives visant la protection des réfugiés, le Maroc ne cesse de faire part de sa volonté de réussir l’intégration socio-économique de cette catégorie. Le point avec le représentant du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) au Maroc, François Reybet-Degat.



Interview avec François Reybet-Degat : « Le Maroc a fait un pas de géant en matière de protection des réfugiés »
- Durant ces dernières années, le Maroc a fourni des efforts colossaux en matière d’assistance et de protection aux réfugiés. Pouvez-vous nous dresser un état des lieux concernant leur situation dans le Royaume ?

- Depuis la révision de la constitution de 2011, le Maroc a eu des résultats très probants et a fait un pas de géant en matière du bien-être et de la protection des réfugiés, notamment grâce à la vision royale de SM le Roi Mohammed VI.

Cette vision, suivant une approche humaniste et inclusive, basée sur les droits pour les populations étrangères, migrantes et réfugiées, s’est déclinée immédiatement en Politique Nationale d’Immigration et d’Asile (PNIA) et en Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA) mises en place respectivement en 2013 et 2014.

Il s’agit d’une politique de référence parce qu’elle est inclusive et permet l’accès à la santé au niveau primaire, à l’éducation et à l’emploi pour tous les réfugiés qui détiennent un titre de séjour. C’est un cadre référant et inclusif qui a, à la fois, permis un champ très important des possibles et participé à l’intégration et à l’inclusion de cette catégorie vulnérable au sein de la société marocaine.


- Le Maroc est passé d’un pays de transit à un pays d’accueil. Pensez-vous que la PNIA et la SNIA répondent toujours aux besoins et aux réalités actuels des migrants et réfugiés ?

- Grâce à ces deux instruments juridiques, 600 enfants réfugiés sont nés depuis 2015 et ont eu immédiatement accès à une identité légale par l’établissement des certificats de naissance, et puis près de 90% de ceux en âge d’être scolarisés au niveau primaire fréquentent des écoles marocaines.

Cependant, il reste des étapes à franchir, particulièrement en ce qui concerne la mise en oeuvre du projet de loi 66-77 sur l’asile et l’accélération de son adoption vu qu’il est fondamental dans la mise sur pied d’un système national d’asile au Maroc. L’amélioration de la documentation pour les demandeurs d’asile et les réfugiés, perçue comme une porte ouverte à l’exercice des droits, reste un grand défi, du fait qu’uniquement 45% des réfugiés ont un titre de séjour à jour.


- La crise du Covid-19 a eu un impact sur toutes les populations vulnérables, dont les réfugiés. Comment cette communauté a vécu cette période ?

- Effectivement, la période du Covid-19 a eu un impact considérable sur toutes les populations et les institutions marocaines en général et sur le HCR en particulier. Durant la période du confinement stricte, qui a duré du 20 mars au 10 juin 2020, j’ai sollicité le Haut-Commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi, afin de mener une enquête concrète sur la situation économique, sociale et psychologique des réfugiés au Maroc. Après une réponse favorable à ma demande, l’enquête menée sur un échantillon de 600 familles a révélé que 9 réfugiés sur 10 avaient perdu leurs emplois, formel ou informel, pendant le confinement.

Un exemple parmi d’autres qui prouve que les réfugiés se sont retrouvés dans une situation encore plus précaire, notamment à cause de leur capacité d’autosuffisance qui s’est vu touchée de plein fouet par la pandémie. Il est vrai que nous avons cessé de recevoir les demandeurs d’asile physiquement dans nos bureaux de Rabat, mais nous avons fait en sorte de s’adapter à cette nouvelle situation en mettant en place une organisation permettant la continuité de nos services d’accompagnement dans le respect strict des mesures préventives.


- Comment les réfugiés peuvent-ils participer au développement de leur pays d’accueil ?

- Il existe un lien très solide entre la mobilité, qu’elle soit forcée ou régulière, et le développement. Il faut admettre que les réfugiés soient aussi une entité économique qui participe au développement de l’économie nationale vu qu’ils sont avant tout des consommateurs et des personnes qui détiennent un capital humain, de nouvelles ressources, idées et savoir-faire pouvant apporter de la valeur ajoutée à son pays d’accueil.

Ce qui est très intéressant aussi c’est ce souffle africain qui ressort dans l’agenda 2063 de l’Union africaine (UA) prévoyant de mettre fin aux barrières frontalières permettant une libre circulation des personnes et des biens au sein du continent africain et d’introduire un passeport africain.

Sans oublier le rôle joué par SM le Roi Mohammed VI à la mobilité depuis le retour du Maroc au sein de l’UA, en 2017, et l’ouverture, en décembre dernier, de l’Observatoire africain des migrations qui prouve l’engagement et la détermination du Royaume à assoir une meilleure gouvernance migratoire qui vise à améliorer le développement social et économique des pays.


- Concrètement, comment le HCR a procédé à l’aide des réfugiés, spécifiquement durant ce contexte pandémique ?

- Nous avons un ensemble de projets pour l’accompagnement des réfugiés dans l’accès à la santé, à l’éducation mais aussi à l’emploi où nous engageons à les aider à trouver un travail, à s’établir en tant qu’auto-entrepreneur ou à fonder des coopératives.

Pour pallier aux défis socio-économiques, nous avons un gros programme d’assistance financière à travers Bank Al-Maghrib pour les plus vulnérables, et puis grâce à nos partenaires marocains de la société civile, nous avons réussi à assurer l’accès des réfugiés aux services de santé et à l’éducation. Ce sont plus de 9.000 réfugiés au Maroc soutenus pour s’intégrer dans la société marocaine.


Recueillis par Siham MDIJI

Portrait


Au chevet des réfugiés

Titulaire d’un Master en science politique de l’Institut d’Études Politiques de Grenoble en France, François Reybet-Degat a été nommé représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Maroc après un long parcours en tant qu’expert en migration. Il a entamé une carrière au sein du HCR, de 1989 à 1992, en tant que Coordinateur de l’aide alimentaire au Soudan, avant d’être affecté en Slovénie en tant que Responsable de programme chargé de la réponse d’urgence aux réfugiés bosniaques.

Après plusieurs missions dans différents pays occupant plusieurs postes, notamment celui de Directeur adjoint du Bureau Régional pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA), M. Reybet-Degat a été nommé, depuis début janvier 2020, représentant du HCR au Maroc.
 








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