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Inflation et renforcement de la résilience : Regard croisé PCNS-FMI sur la région MENA


Rédigé par Wolondouka SIDIBE Jeudi 25 Mai 2023

En phase avec la trajectoire mondiale, la croissance de la région devrait se ralentir en 2023 et les tensions inflationnistes demeurent la principale préoccupation. La région MENA devrait enregistrer un ralentissement de sa croissance économique pour s’établir à 3,1%, lit-on dans ce document. Avec la guerre Ukraine-Russie, la situation économique dans la région risque d’être lourdement impactée. Grilles de lecture.



Mme Oumayma Bourhriba, économiste au Policy Center for the New South (PCNS) vient de restituer un rapport à l’issue d’une table-ronde d’experts, organisée dernièrement par ce think tank marocain et le Fonds Monétaire International (FMI). Placée sous le thème « Fighting Inflation and Building Resilience : the Outlook for MENA and Morocco », ce document est d’une importance capitale dans une conjoncture où les prévisions de croissance se suivent sans se ressembler.

D’ailleurs, la dernière en date est celle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), laquelle annonce que la croissance du Produit intérieur brut (PIB) marocain devrait s'établir à 3,1% en 2023. Alors qu’en ce qui concerne la production dans l'ensemble de la région du sud et de l'est de la Méditerranée, la Banque s'attend à une légère reprise de la croissance du produit intérieur brut (PIB) à 3,6% en 2023, contre 3,1% en 2022, au même moment les économies de la région s'adaptent à l'impact de la guerre en Ukraine.
 
Dans son analyse, l’experte souligne qu’au niveau international, la lutte contre l’inflation constitue la principale préoccupation des politiques économiques dans la majorité des pays. Pour elle, la détection des risques inflationnistes a pris du retard après la crise sanitaire parce que les autorités monétaires, particulièrement des grands blocs économiques, estimaient que c’était un phénomène transitoire. De plus, l’inflation dans sa dimension galopante était oubliée pendant au moins deux décennies. 

Elle relève, par ailleurs, qu’il est nécessaire d'identifier les réformes structurelles nécessaires pour stimuler la croissance économique et améliorer le niveau de vie de la population mondiale dont les enjeux portent sur l'identification des secteurs d'avenir et des politiques économiques à mettre en œuvre. D’où se pose la problématique de la résolution des enjeux globaux tels que la dette, l’avenir du commerce international dans un contexte où de nouveaux paradigmes économiques s’imposent. Il s’agit, entre autres, du « nearshoring » et le « friendly-shoring », qui influencent les circuits économiques mondiaux. 
 
Croissance moyenne

Pour ce qui est de la région MENA, et en dépit des difficultés et des vulnérabilités auxquelles elle était confrontée en 2020, le rapport note que celle-ci a réussi à reprendre une croissance économique positive à partir de 2021. Ainsi en 2022, la région a enregistré une croissance moyenne de l’ordre de 5,3%, surpassant celle de l'économie mondiale et celle des pays émergents. 

Malgré l'incidence négative de la hausse des prix sur le pouvoir d'achat des ménages et les coûts de production des entreprises, cette accélération a été essentiellement portée par une demande intérieure dynamique et une forte reprise de la production pétrolière chez les pays exportateurs de cette ressource. 

En phase avec la trajectoire mondiale, la croissance de la région devrait se ralentir en 2023 et les tensions inflationnistes demeurent la principale préoccupation. La région MENA devrait enregistrer un ralentissement de sa croissance économique pour s’établir à 3,1%, lit-on dans ce document. Avec la guerre Ukraine-Russie, la situation économique dans la région risque d’être lourdement impactée.

Pour faire face à cet environnement, fait remarquer Mme Oumayma Bourhriba, les pays de la région sont appelés à adopter une approche équilibrée, visant à concilier deux piliers : stabilité et transformation. Le pilier de la stabilité permet de restaurer la confiance et empêche les coûts inquiétants associés aux dérapages économiques actuels et aux difficultés de financement. 

En effet, il n’y a pas de prospérité sans stabilité, explique l’experte. Pour assurer la stabilité, la politique monétaire doit maintenir un équilibre entre la lutte contre l'inflation et la préservation de la stabilité financière et sociale. De plus, il est nécessaire de changer la logique des politiques des finances publiques, en établissant un ancrage à moyen terme, de renforcer les institutions et d’assurer une certaine cohérence et une coordination entre les politiques budgétaire et monétaire.
 
Disparité et resserrement

Dans ce cadre, le rapport avance que le pilier de la transformation permettrait de restaurer une croissance économique à moyen terme capable d'améliorer structurellement le marché de l'emploi et les conditions économiques et sociales. Ceci implique de mettre en place des politiques de transformation structurelle, y compris des politiques industrielles, qui permettent de s'adapter à des circuits économiques en constante mutation.

Pour les pays producteurs de pétrole, la dynamique devrait leur permettre d'atteindre un taux de croissance du secteur non pétrolier supérieur à 4,5%, soutient la rédactrice. Quant aux autres pays de la région, la situation économique est disparate. En effet, le resserrement des politiques monétaire et budgétaire dans les marchés émergents de la région, ayant pour but de préserver la stabilité macroéconomique, freine la demande intérieure. Par conséquent, la croissance économique devrait ralentir de 1,7 point de pourcentage pour s’établir à 3,4%.

Rappelons que cette table-ronde a été organisée dans la perspective des Assemblées annuelles d’octobre 2023 du FMI et de la Banque mondiale (BM), qui se tiendront à Marrakech et qui offrent une opportunité de débat international sur les questions du développement et de la solidarité internationale. Avec la participation de plus de 190 pays, ces réunions marquent le retour en Afrique et au Moyen-Orient après, respectivement, 50 ans et 20 ans.

Le Maroc, grâce à sa position géographique et son héritage historique et culturel, est bien placé pour abriter un tel débat sur les principes fondamentaux qui régissent le fonctionnement de l’économie mondiale et des questions complexes telles que la dette, la croissance, l'inclusion, le changement climatique, l'équité et la transformation… etc.
 
Wolondouka SIDIBE

Bon à savoir

Economiste au Policy Center for the New South (PCNS), Mme Oumayma Bourhriba a un domaine de recherche qui couvre les politiques macroéconomiques, les questions de commerce international et la croissance économique à long terme. Auparavant, elle a travaillé sur les services commerciaux au Maroc et en Afrique, et sur le développement économique dans la région MENA. Oumayma est titulaire d'une maîtrise en économie appliquée et est actuellement doctorante à l'Université Mohammed V de Rabat.

Quant au Policy Center, un think tank marocain a pour objectif de contribuer au partage des connaissances et à l’enrichissement de la réflexion liée aux principaux enjeux qui sous-tendent l’économie et les relations internationales, considérés comme essentiels au développement économique et social du Maroc, et plus largement du continent africain.

Le Policy Center se propose d’être un incubateur d’idées et une source proactive de réflexion prospective, avec diverses propositions d’actions et de mesures destinées aux politiques publiques au Maroc. Il est également engagé dans la promotion de la coopération internationale pour le développement des pays de l’Hémisphère Sud.