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Guerre Ukraine-Russie: Quelle(s) perspective(s) ?


Rédigé par Mohammed LANSARI le Lundi 10 Avril 2023



Guerre Ukraine-Russie: Quelle(s) perspective(s) ?
Déjà treize mois de guerre entre la Russie et l'Ukraine. Avec son lot de bombardements toujours plus intenses et de morts insupportables, sans distinction ni d'âges ni de sexes.
A ce jour, aucune lueur d'espoir de possibilité de paix, ni même de répit dans cette guerre, dont l'intensité ne cesse d'aller crescendo.

De même, ni les États-Unis, encore moins l'Union Européenne, de par leurs déclarations ouvertement hostiles à la Russie, et surtout l'accroissement de leurs aides à Kiev, ne semblent enclins à pousser l'Ukraine vers la voie des négociations ou des compromis avec la Russie. Bien au contraire.

Quant à l'ONU, dès qu'il s'agit d'un de ses membres permanents, elle devient inefficace et inutile. Elle l'a prouvé à maintes reprises, et en particulier quand la coalition a attaqué la Libye, ou lors de l'envahissement de l'Irak.

Par conséquent, la guerre semble perdurer pour quelques années encore, selon un schéma malheureusement classique.

L'année 2023 ne connaîtra pas beaucoup de modifications sur le terrain de la bataille, notamment dans les territoires déjà annexés par la Russie, le corridor reliant la Crimée du Donbass.

Les grands accrochages se feront autour de Bakhmout, et Zaporijia.
 
Guerre et stratégies
 
La stratégie, pour chacun des deux belligérants, consistera à alterner attaques et défenses. 
2023 sera l’occasion pour l'armée ukrainienne de tester et de se familiariser avec les nouveaux matériels livrés par la coalition anti-russe, en particulier les chars allemands, les fameux "Léopard 2", améliorés, ou encore, les lance-roquettes à longue portée, récemment livrées par les Etats-Unis, après les "Patriot", les "Nassams", les M142, les Himars (High Artillery Rocket System). 

Plusieurs analystes militaires pensent que les Himars ont joué un rôle central dans le "succès" de l'Ukraine à repousser les forces russes dans le sud, notamment à Kherson en novembre dernier.

D'autres pays ont livré également à l'Ukraine des systèmes de défense antiaérienne. Le Royaume-Uni a livré le "Starstreak", conçu pour abattre à courte distance les avions volant à basse altitude.

Toutes ces livraisons de matériels militaires sophistiqués vont contribuer à intensifier les accrochages entre les forces russes et ukrainiennes, durant l'année 2024.
L'occasion également pour les principaux fabricants et pourvoyeurs de matériels de guerre à l'Ukraine, de faire le point de l'avancée technologique de leurs matériels face à l'armement russe.

L'année 2024 sera une année terrible, en termes d'accrochages, d'offensives et de destructions. Mais elle sera également prélude à un début de négociations.
Volodymyr  Zelensky, en bon stratège qu'il est, ne s'y est pas trompé. En se tournant vers la Chine, et en sollicitant un entretien direct avec les chinois, le président ukrainien semble avoir fait une lecture très lucide de la guerre qui l'oppose à la Russie, et tiré la conclusion que la solution du conflit viendrait uniquement d'une initiative diplomatique, éventuellement chinoise, et non d'une hypothétique issue militaire.
 
La Chine… médiateur ?
 
En effet, le 24 février dernier, la Chine a dévoilé sa "position sur le règlement politique de la crise ukrainienne " en douze points.

Ce document n'est en réalité pas un «plan de paix» à proprement parler. Il est d'ailleurs intitulé : «Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne», qui constitue plutôt un catalogue de bonnes intentions et une façon pour la Chine de se positionner en tant que futur médiateur dans le conflit.

Dans le premier point, la Chine appelle à désamorcer la guerre et au respect du «droit universellement reconnu, y compris les buts et principes de la Charte des Nations unies». À savoir : «la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de tous les pays». Ce postulat vaut donc aussi pour la Russie. 

Dans le deuxième point, la Chine demande à abandonner la mentalité de la guerre froide, car elle estime que «la sécurité d'un pays ne doit pas être recherchée aux dépens des autres» et que «la sécurité d'une région ne doit pas être obtenue en renforçant ou en élargissant des blocs militaires». Cette position vise clairement l'OTAN qui préparait l'intégration de la Finlande, frontalière de la Russie, (membre de l’OTAN depuis début avril), de la Suède, ou l'Ukraine, à plus ou moins long terme.

Dans ces troisième et quatrième points du "plan de paix", la Chine prend la posture du médiateur, en appelant à un «cessez-le-feu global» et à la reprise du «dialogue et de la négociation» pour «ouvrir la porte à un règlement politique dès que possible». Mais ces deux points ressemblent à un vœu pieux, tant les exigences de chacun sont, pour l'heure, totalement incompatibles. D'un côté, Moscou réclame que l'Ukraine accepte les «nouvelles réalités territoriales» et donc des frontières russes incluant les quatre oblasts ukrainiens. De l'autre, Kiev exige le rétablissement de «l'intégrité territoriale», donc le retour aux frontières d'avant l'invasion russe du 24 février 2022 et même d'avant 2014. Deux positions irréconciliables tant que l'un des belligérants ne se sera pas effondré ou que les deux camps acceptent l'idée qu'aucun d'eux ne peut gagner complètement la guerre.

Dans les cinquième et sixième points, la Chine estime que «les questions humanitaires ne doivent pas être politisées» et appelle à la mise en place de «couloirs humanitaires» pour l'évacuation des civils. Pékin demande également aux belligérants d'«éviter d'attaquer des civils ou des installations civiles». 

Dans le septième point, la Chine appelle clairement à ne pas se servir des installations nucléaires ukrainiennes comme d'un levier militaire. Les combats autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia sont particulièrement concernés par cette demande. L'infrastructure est la cible depuis le 24 février de féroces affrontements, qui laissent craindre un potentiel accident atomique.

«Les armes nucléaires ne doivent pas être utilisées et les guerres nucléaires ne doivent pas être menées», indique la Chine dans son huitième point. Et d'ajouter : «La menace ou l'utilisation d'armes nucléaires doit être combattue». Le Kremlin n'a cessé, depuis le début de la guerre, d'évoquer l'emploi de «tout son arsenal disponible»...

Dans le neuvième point, la Chine appelle à sauver l'économie mondiale en facilitant les exportations de céréales, en faisant référence à l'initiative pour les céréales de la mer Noire signée par la Russie, la Turquie, l'Ukraine et l'ONU.

Le dixième point du document chinois vise directement l'Occident. Selon l'empire du Milieu, «les sanctions unilatérales et la pression maximale ne peuvent résoudre le problème». Il appelle donc à «cesser d'abuser» de ces mesures de rétorsion. Si la Chine prend position aussi fermement sur ce point, c'est que les sanctions contre la Russie l'affectent aussi. Et qu'elle pourrait à son tour en être frappée, si elle venait à s'impliquer plus profondément dans le conflit.

Dans le onzième point, la Chine prend aussi en compte son cas propre. «Toutes les parties doivent sincèrement maintenir le système économique mondial existant et s'opposer à l'utilisation de l'économie mondiale comme outil ou arme à des fins politiques». Cette proposition, qui concerne les domaines «de l'énergie, de la finance, du commerce alimentaire et des transports» est intimement liée à la précédente, car elle affecte également la Chine. 

Par ce douzième et dernier point, la Chine veut à nouveau montrer son rôle de nation majeure, en anticipant l'après-guerre. «La Chine est prête à fournir une assistance et à jouer un rôle constructif dans cette entreprise». La Chine entend bien apporter sa pierre à l'édifice, pour peser davantage sur l'échiquier mondial à l'issue du conflit. 
 
2024 : L’année de la course aux armements
 
Malgré toute la panoplie de matériels de guerre reçue par l'Ukraine, ou ceux qu’elle recevra, tant par  leur importance que dans leurs diversité, (chars, missiles sol-air, roquettes longue portée, obusiers, armes antichars, Drones...), l'Ukraine ne pourra jamais gagner la guerre contre une Russie qui n'est pas prête à accepter une quelconque défaite, et plus que jamais déterminée à user de tous ses moyens, y compris le recours à l'usage du nucléaire, si besoin en était- plutôt que de s'avouer vaincue face aux alliés de l'Ukraine. Poutine se targue de posséder 90% des armes nucléaires mondiales (5.977 ogives nucléaires). La Russie possède également le missile le plus puissant du monde -le R-36- d’une portée comprise entre 11.200 et 16.000 Km, conçu pour détruire les sites de missiles américains protégés.
Par conséquent si le président américain et les alliés de l'Ukraine persistent à croire que seule l'option militaire peut venir à bout de la guerre, ils se trompent lourdement.
L'idée d'une rencontre entre les dirigeants ukrainiens et russes se fait jour, mais qui n'aura lieu qu'en 2025, au plus tôt, sous l'égide des chinois. Poutine y assistera en position de force, face à un Zelensky affaibli et surtout pressé par une population fatiguée et meurtrie par la guerre.

A la table des négociations, Poutine restera ferme et intraitable sur les raisons qui l'ont poussé à envahir l'Ukraine. A savoir:
  • La Crimée n'est pas négociable.
  • L'Ukraine doit rester en dehors de toute alliance hostile à la Russie, en particulier l'OTAN, au moins pendant un temps plus ou moins long, 20 ans ou plus.
  • L'adhésion de l'Ukraine doit faire l'objet également d’une négociation avec l’UE, sur une période transitoire, plus ou moins longue.
En contrepartie, Poutine donnera l’illusion de faire des concessions sur les autres territoires conquis durant la guerre.

A la fin de la guerre, le monde n’en sera pas forcément meilleur. Mais il ne sera ni bipolaire, ni tripolaire, mais multipolaire.
 
Mohammed LANSARI