L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Économie bleue VS Surpêche : Coup de gouvernail pour éviter le naufrage


Rédigé par Soufiane CHAHID Mardi 14 Février 2023

Afin de promouvoir une économie bleue intégrée et durable, le gouvernement a décidé de mettre en place une commission interministérielle. A quand une stratégie pour le secteur ?



 
Une des principales richesses du Maroc est sa longue façade maritime et ses ressources halieutiques. Mais ces ressources ont besoin de protection et de gestion durable afin de ne pas les surexploiter et assurer leur conservation. Dans le but de déployer une stratégie cohérente dans ce domaine, le Chef du gouvernement a institué une Commission interministérielle pour le développement de l’économie bleue (CIDEB).
 
Selon la Banque Mondiale, l'économie bleue se définit comme «l’utilisation durable des ressources océaniques en faveur de la croissance économique, l’amélioration des revenus et des emplois, et la santé des écosystèmes océaniques». Dans ce domaine, le Maroc dispose d’un potentiel important puisque, comme le rappelle la circulaire du Chef du gouvernement, avec ses deux façades maritimes et sa zone économique maritime exclusive de 1.2 million de km², le pays recèle un patrimoine halieutique et des ressources renouvelables considérables.
 
En recherche de cohérence
 
Cette situation confère au Royaume un important capital maritime, générant une part non négligeable du PIB, soit environ 3%, notamment grâce aux emplois qui lui sont liés. Si le Maroc a entrepris depuis des années plusieurs actions pour valoriser et protéger cette richesse, il avait besoin d’un mécanisme intégré afin de coordonner toutes ces actions. Pour cela, cette commission interministérielle a été instituée afin de veiller à la cohérence des projets et programmes présentés par les départements concernés et de statuer sur les grandes décisions qui impactent l’économie bleue dans son ensemble.
 
La création de cette commission permettra d’ériger l'économie bleue parmi les priorités dans l’agenda du gouvernement”, peut-on lire dans la circulaire gouvernementale. La CIDEB sera placée sous la présidence du Chef du gouvernement, et sera soutenue par un comité technique placé sous la tutelle du ministère de l’Economie et des Finances. Comme l’explique le document, le comité technique aura pour rôle principal de fournir l’assistance technique à ladite commission.
 
Appui de la Banque Mondiale
 
Dans cette perspective, la Banque Mondiale a accordé au Maroc, en mai dernier, un prêt de 350 millions de dollars pour appuyer le lancement du programme Économie bleue. “S’inscrivant dans la continuité des précédentes activités de la Banque Mondiale dans le développement côtier au Maroc, ce prêt-programme pour les résultats en faveur de l’économie bleue a pour objectifs de développer des cadres institutionnels, améliorer la gestion intégrée des ressources naturelles et renforcer certains secteurs pour une économie bleue résiliente au changement climatique dans des zones ciblées”, explique le communiqué de presse de l’institution.
 
Ce programme s’appuie sur deux volets. Le premier s’articule autour d’une commission interministérielle et de mécanismes de coordination régionale, et soutient l’établissement de cadres institutionnels visant à renforcer la coordination verticale et horizontale. Alors que le second volet porte sur l’investissement dans des domaines clés de l’économie bleue, notamment le tourisme durable et le sous-secteur de l’aquaculture, la formation professionnelle dédiée à la gestion de l’économie bleue, la protection et la gestion des services écosystémiques, et l’amélioration de la résilience climatique dans des zones ciblées.
 
Manque de concertation
 
Si la vision gouvernementale va dans le bon sens, les acteurs du secteur réclament toutefois une plus grande concertation dans les processus décisionnels. “Nous avons besoin d’une plus grande visibilité quant aux quotas de pêche décidés chaque année”, souhaite un acteur du secteur. “Nous sommes pleinement engagés dans la conservation des ressources maritimes, surtout concernant les poissons pélagiques, qui constituent 80% de la pêcherie que nous exportons”, nous explique Hassan Sentissi, président de la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche (FENIP).
 
Jusqu’à aujourd’hui, aucune stratégie n’a été dévoilée par le gouvernement dans le cadre de l'économie bleue. La définition d’objectifs à long terme de cette stratégie était une des recommandations du rapport du Comité Economique, Social et Environnemental (CESE) intitulé “L’économie bleue : pilier d'un nouveau modèle de développement du Maroc”. Et c’est pour développer et valider cette stratégie que la CIBED a été mis en place.

 
Soufiane CHAHID

 
 

Trois questions à Abderrahim Ksiri

“La situation actuelle des écosystèmes n’est pas satisfaisante”

Abderrahim Ksiri, président de l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre du Maroc (AESVT Maroc), a répondu à nos questions.
 

Quel est l’impact de l’activité humaine sur la durabilité des ressources ? 
Les instruments et les moyens utilisés en pêche limitent le stock des poissons et le potentiel des différentes ressources halieutiques. En même temps, la taille des espèces pêchées n’a pas cessé d’être plus petite et dépend plus de l’informel. Au Maroc, durant la période du repos biologique, les pêcheurs réduisent de manière significative leur activité. On a maintenant des périodes de repos biologiques de plus en plus longues mais aussi des quantités de plus en plus limitées. Néanmoins, la politique d’exploitation en continu des richesses maritimes sans la capacité d’avoir un système performant impacte les ressources et l’avenir du secteur.Pour preuve, dernièrement, les pêcheurs et les acteurs de l’industrie des sardines ont demandé à l’État de faire décréter une période de repos biologique pour cette espèce car ils ont remarqué une réduction des stocks durant la période où les sardines sont supposées être en quantité significative. Tout le monde sent la difficulté et c’est d’ailleurs le même scénario qui arrive aux algues.
 
L’activité humaine est-elle la seule responsable de la réduction des ressources ?
Les activités humaines ont un impact très complexe, que ce soit sur le réchauffement climatique ou la désoxygénation des océans. Il faut revoir complètement le modèle de gestion de la pêche et se mettre à niveau des normes européennes. Avec cela, on pourra préserver les richesses maritimes mais aussi donner la possibilité aux pêcheurs d’avoir plus d’emplois


Quels sont les défis à relever pour le secteur maritime ?
La situation actuelle des écosystèmes n’est pas satisfaisante. Il faut absolument revoir le modèle et s’inscrire dans les normes internationales, c’est en effet la seule manière de préserver les ressources et de sauver l’emploi et l’industrie. De plus, il faut aussi ne plus compter uniquement sur la reproduction de manière naturelle. Il faut renforcer les activités d’aquaculture. Cette dernière doit être développée, car les objectifs du Maroc en cette matière sont encore trop bas et la quantité produite est inférieure à la norme internationale. Il faut être plus concurrentiel et revoir le modèle d’exploitation.
 
Recueillis par Kawtar EL KHALIL

 
 

L’info...Graphie


Blue Belt : Le Maroc comme locomotive africaine

L’initiative Blue Belt est lancée par le Maroc lors de la COP22, en 2016, dans le cadre de l’agenda relatif à l’action internationale pour le climat. Cette initiative constitue «une plateforme collaborative» entre les communautés africaines et suit les lignes directrices de l’action internationale en termes de lutte contre le changement climatique et la promotion des écosystèmes marins.
Elle œuvre pour «un océan résilient et un système de production des produits alimentaires de la mer durable, fondé sur la science» et ses actions se concentrent particulièrement sur les zones côtières africaines. Pour atteindre son objectif, l’initiative mobilise une stratégie qui sera en mesure de maintenir des observations côtières et océaniques de haute qualité et à long terme à travers, notamment, la collaboration avec les flottes de pêche et les communautés d’aquaculteurs en vue d’améliorer la couverture des observations.
Par ailleurs, pour arriver à la résilience climatique et économique, Blue Belt envisage d’autonomiser l’industrie en matière de durabilité de la pêche par le biais de l’accroissement des aptitudes et des compétences dans le domaine des technologies émergentes de la main d’œuvre et le développement d’une approche de pêche intelligente.
Enfin, le dernier volet stratégique de l’initiative repose sur la promotion et le soutien des pratiques aquacoles durables ainsi que la contribution à la réduction du changement climatique. Les parties prenantes vont s’investir en grande partie au développement des techniques de la macro-algoculture en eaux libres, à la mise au point des techniques de reproduction contrôlée des algues marines et au soutien du développement de la culture de micro algues marines à terre.
 
La pêche en chiffres
 
La pêche maritime au Maroc génère une production annuelle d'environ 1,5 million de tonnes, plaçant ainsi le Royaume au premier rang des producteurs africains et au 25ème à l’échelle mondiale. Cette production est assurée à hauteur de 92% par 2.500 bateaux de pêche côtière et 17.000 barques artisanales, 6% par la flotte hauturière constituée de 465 navires, et 2% par d’autres activités. La production est destinée à hauteur de 60% à l’approvisionnement de l’industrie de traitement des produits de la mer, et 40% à l’approvisionnement du marché local de la consommation en produits frais.
 
Vision stratégique
 
Le CESE recommande d’adopter une stratégie nationale de l’économie bleue durable et inclusive, adaptée aux vocations régionales et déployée autour des secteurs économiques traditionnels, tout en développant de nouveaux secteurs porteurs de forts potentiels de croissance. Les projets relatifs à la mise en œuvre de cette stratégie devraient être à la fois élaborés en concertation avec les citoyens et les acteurs concernés, tout en ayant pour premier objectif de favoriser l’accès aux services et aux ressources maritimes à toutes les catégories sociales.


 

NMD : Nouvelle approche de la mer

Le rapport sur le Nouveau Modèle de Développement (NMD) a accordé une place importante au développement de l’économie bleue. Pour la commission sur le NMD, toutes les opportunités du Maroc, au vu de sa vocation de nation maritime dotée d’un capital immatériel conséquent, doivent être mobilisées. Ces actions devront porter autant sur les secteurs économiques traditionnels tels que la pêche, le tourisme et les activités portuaires, que sur de nouveaux secteurs à fort potentiel (aquaculture, algoculture, bioproduits marins, construction navale ou encore énergies marines renouvelables…).
 
Le rapport recommande la mise en place d’un plan de développement, et l’instauration de mesures incitatives pour faciliter l’accès aux intrants aquacoles et accompagner les investisseurs par un appui technique et financier approprié en liaison avec des objectifs précis d’investissement, de transfert et de développement de savoir-faire. La mobilisation pleine et entière du potentiel de l’économie bleue requiert l’accélération de la mise en œuvre des schémas de développement des neuf régions littorales du Maroc.
 








🔴 Top News