Jusqu’à ce jour, l’indécision semble encore régner à Washington au sujet de l'ancrage consulaire au Sahara marocain. Le Consulat américain tant attendu à Dakhla est toujours lettre morte. Quoiqu’il en soit, entre les conclusions précipitées des uns et les justifications rassurantes des autres, ce sujet suscite une attention particulière et parfois des inquiétudes sur la volonté effective de l’Administration américaine d’aller jusqu’au bout des promesses tenues par l’équipe de Donald Trump dans la déclaration tripartite en vertu de laquelle les Etats-Unis ont acté leur reconnaissance officielle de la marocanité du Sahara.
Bien que le président Joe Biden ait maintenu la proclamation présidentielle de son prédécesseur, contre qui il fait campagne pour les présidentielles de 2024, le locataire de la Maison Blanche semble aller doucement, pour des raisons qui peuvent être pragmatiques, dans l'implémentation des promesses du 10 décembre. Le Consulat de Dakhla en est une.
Bien que le président Joe Biden ait maintenu la proclamation présidentielle de son prédécesseur, contre qui il fait campagne pour les présidentielles de 2024, le locataire de la Maison Blanche semble aller doucement, pour des raisons qui peuvent être pragmatiques, dans l'implémentation des promesses du 10 décembre. Le Consulat de Dakhla en est une.
Le Département d’Etat brise le silence
Cela fait plusieurs mois que l’Administration américaine est taciturne à ce sujet. Après un long silence assourdissant qui a commencé à éveiller les doutes sur les intentions de Washington, la diplomatie américaine a enfin évoqué ce sujet lors de la traditionnelle conférence de presse du porte-parole du Département d’Etat, Matthew Miller. Lequel a été accompagné de quelques hauts diplomates qui ont répondu, à leur tour, aux questions des journalistes.
Interrogé sur le sort de ce consulat tant attendu, Douglas Pitkin, Directeur du Bureau du Budget et de la Planification au sein du Département d’Etat, a fait savoir qu’aucune date n’a encore été fixée pour le moment, rappelant que “la planification est encore en cours pour assurer une présence appropriée, compte tenu des conditions de sécurité”.
Cela dit, l’ouverture du Consulat n’est pas encore prévue à court terme. Jusqu’à présent, le budget de 2025 du Département d’Etat ne prévoit pas de financement pour une représentation consulaire au Sahara que les Etats-Unis reconnaissent désormais comme territoire marocain.
Consulat : Le processus “à l’américaine”
Cependant, le Département d’Etat ne ferme pas la porte. On est loin d’exhumer ce projet, comme pourraient le laisser croire les esprits pessimistes. En effet, aux Etats-Unis, l’ouverture d’un poste consulaire à l’étranger peut prendre du temps d’autant que la procédure est longue. Toute implantation nécessite l’aval du Bureau des missions extérieures au sein du Département d’Etat (Department of State, Office Of Foreign Missions), selon une source diplomatique qui a répondu succinctement à notre sollicitation. Il incombe audit bureau, autrement appelé OFM, d’examiner le lieu de l’implantation (le district consulaire) et surtout statuer sur la pertinence d’une telle décision. L’OFM décide d’approuver ou de rejeter la demande en fonction d’un examen approfondi de l’intérêt du Consulat et du besoin auquel il est censé répondre. En gros, il faut une raison d’être valable selon les intérêts des Etats-Unis.
Puis, la décision finale de l’OFM est notifiée à l’ambassade américaine au pays concerné par une note diplomatique. Dans le cas de Dakhla, on ne dispose d’aucune information sur l’évolution de la procédure, selon notre source.
Le poids pesant du Congrès
Pour autant, la volonté politique demeure décisive. Si un pays a un intérêt à ouvrir un Consulat quelque part, il fera le nécessaire pour y parvenir le plus rapidement possible.
Mais à Washington, l’Administration américaine doit composer avec le Congrès dont l’aval est une condition sine qua non pour obtenir le financement du Consulat. Le lobby pro-Polisario a tenté pas mal de fois de compliquer la tâche au président Biden.
La Maison Blanche est confrontée à une vive opposition de quelques membres du Sénat. Sous la houlette du républicain James Inhofe et du démocrate Jack Reed, des sénateurs proches du lobby pro-Polisario ont refusé de financer la construction du Consulat en 2022 sous prétexte que les fonds alloués au Sahara doivent être utilisés pour trouver une solution au conflit. Une position partagée par l'actuel président démocrate de la Commission des Finances au Sénat, Ron Weed. Maintenant qu’Inhofe est parti en retraite, on s’attend à moins de nuisance au Capitole.
Pour rappel, l’ex-Secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, a annoncé, dès le 24 décembre 2020, le début des préparatifs d’ouverture du Consulat et la mise en place d’une antenne virtuelle. Puis, l’ex-ambassadeur américain, David Fischer, a présidé, le 10 janvier 2021, soit deux semaines après la signature de la déclaration tripartite, le lancement officiel du processus d’ouverture du prochain Consulat.
Trois questions à Yasmina Asrarguis : “L’ouverture d’un Consulat des États-Unis dans la ville reste entravée par le Sénat américain”
Yasmina Asrarguis, spécialiste en géopolitique israélo-arabe et des accords d’Abraham à la Fondation Jean Jaurès, a répondu à nos questions.
- Que pensez-vous de la détermination de l’Administration américaine à honorer son engagement d'ouvrir un Consulat à Dakhla ?
- N’oublions pas qu’aux États-Unis les promesses et déclarations présidentielles ne peuvent aboutir sans le Congrès américain. L’exemple le plus flagrant de notre Histoire récente étant la « ligne rouge » du Président Obama à l’encontre de Bachar Al-Assad. Le Président démocrate avait échoué à convaincre le Congrès de la nécessité de mener des frappes en Syrie en 2013. Malgré les nombreuses visites de diplomates, d’officiels et de lobbyistes américains à Dakhla, le processus d’ouverture d’un Consulat des États-Unis dans la ville reste entravé par le Sénat américain. En effet, la position idéologique des démocrates sur le sujet contraste avec l’Administration précédente, et le sénateur Ron Wyden en charge de la Commission des Finances préfère attribuer des fonds à la résolution du conflit avec le Polisario plutôt qu’à l’inauguration d’un Consulat.
- Quelle lecture peut-on faire du poids du Sénat américain dans cette affaire ?
- Ce que nous dit cette affaire n’est pas tant qu’il existe des oppositions aux promesses de l’ère Trump, mais plutôt que le travail de lobbying - qui doit constamment être fait au sein du Congrès pour atteindre certains objectifs - n’a simplement pas été fait ou très superficiellement. Nous pouvons émettre l’hypothèse que cela n’était pas une priorité pour l’Administration Biden puisqu’en début de mandat ces derniers ont concentré les efforts sur la guerre en Ukraine, délaissant l’Afrique et le Moyen-Orient pour un temps.
- Le retard de l’ouverture du Consulat à Dakhla n’a aucune relation avec la constance du soutien américain de la marocanité du Sahara ?
- Aux États-Unis, seul le droit compte. La reconnaissance de la marocanité du Sahara sous l’Administration Trump était irréversible et ne pouvait être remise en cause par l'Administration Biden. Concernant le soutien aux positions du Maroc à l’ONU, les votes et discours de l’Ambassadrice Linda Thomas-Greenfield vont dans le sens de Rabat et ne dérogent pas de cette ligne. En octobre 2023, celle-ci déclarait au Conseil de Sécurité : « Les États-Unis continuent de considérer le plan d'autonomie du Maroc comme sérieux, crédible, réaliste ». Les déclarations hors Conseil de Sécurité n’ont guère d’importance et inutile d’y voir une fausse timidité, car en matière de plan d’autonomie marocain, le cœur de l’action se joue à l’ONU par le vote ou l’abstention aux Résolutions relatives à la MINURSO.