Longtemps attendu par le corps journalistique, le projet de loi n° 026.25 relatif à la réorganisation du Conseil National de la Presse (CNP) a été adopté lundi par la Commission de l’Enseignement et des Affaires culturelles et sociales à la Chambre des Conseillers. Il trace la voie vers une nouvelle approche de gestion de la profession journalistique et de l’édition, assurée pendant deux ans par une Commission temporaire dont le mandat est arrivé à son terme en octobre dernier. Ce texte vise à préserver le caractère professionnel et indépendant du CNP, tout en assurant la continuité de ses compétences essentielles. Son élaboration répond, en principe, à la nécessité d’introduire des réformes structurelles et procédurales pour combler les lacunes juridiques mises en lumière par la pratique, notamment en ce qui concerne le renouvellement des structures du Conseil.
Le ministre de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, y voit «une étape cruciale dans le processus de modernisation et de développement du paysage médiatique national, ainsi qu’un pilier essentiel pour le renforcement de l’État de droit et la consécration des principes de bonne gouvernance et de transparence». Selon le ministre, le texte répond aux revendications des professionnels visant à réformer le Conseil et à garantir l’exercice de ses missions dans un cadre légal.
Il est destiné à corriger certaines lacunes juridiques, notamment par la création d’une commission de supervision chargée de gérer, de manière indépendante et autonome, le processus électoral et les mandats des journalistes et des éditeurs, en plus de l’instauration d’un nouveau système de vote à la demande des professionnels.
Cependant, le projet ne fait manifestement pas l’unanimité au sein du corps journalistique. Son adoption, jugée «rapide», voire «précipitée», par la Commission de la deuxième Chambre, à la suite d’un vote serré de six voix pour et cinq contre, sans l'introduction d’amendements, a suscité un tollé parmi les professionnels. Ces derniers reprochent au ministre de tutelle de ne pas avoir élaboré un texte consensuel, d’autant plus qu’il a été adopté sans laisser aux syndicats le temps nécessaire pour un débat approfondi sur les dispositions contestées.
Déséquilibre entre les représentants des journalistes et des éditeurs
Pis encore, les 139 amendements présentés par les syndicats lors des discussions en Commission n’ont pas été retenus dans la version votée, appelée à poursuivre son parcours législatif. Cette situation a poussé les formations syndicales à hausser le ton et à annoncer un programme de protestation afin de faire entendre leur voix. Parmi les amendements rejetés figure la question de la composition du Conseil National de la Presse.
Fixé à 19 membres répartis en trois catégories, le projet prévoit sept représentants des journalistes professionnels élus par leur collège électoral, neuf représentants des éditeurs désignés par leur organisation professionnelle, ainsi que trois membres représentant les institutions et instances concernées. Là également, les journalistes critiquent l’écart de représentativité entre éditeurs et journalistes au sein du Conseil. Une situation qui, selon le journaliste Mohamed Karim Boukhssas, porte atteinte au cœur même de l’autorégulation, fondée sur le principe d’équilibre et de non-prédominance d’une catégorie sur une autre, afin d’éviter toute domination ou connivence professionnelle.
Concernant l’élargissement de la liste des institutions membres du Conseil, le ministre a souligné que la formule adoptée est plus efficiente, car elle se limite aux entités ayant un lien direct avec les compétences du CNP.
En réponse à la proposition du groupe UGTM d’ajouter deux membres issus des «journalistes sages» à la catégorie des représentants des journalistes professionnels, choisis parmi des personnalités reconnues pour leur expérience et leur respect de la déontologie, le ministre a estimé que cette catégorie, telle que prévue dans le projet, incarne déjà une combinaison suffisante d’expertise et d’expérience lui permettant de jouer un rôle d’équilibre et d’encadrement au sein du Conseil.
L’indépendance du Conseil menacée ?
Les syndicats reprochent néanmoins au texte d’accorder aux propriétaires de médias, détenteurs de capitaux, le droit de siéger au sein d’un Conseil chargé du respect de la déontologie professionnelle, ce qui constitue, selon eux, une menace grave pour l’indépendance du futur Conseil.
Concernant le nombre total des membres, il a été proposé de le porter à 21 ou 23, proposition rejetée par le ministre, qui estime que la configuration actuelle assure un équilibre entre transparence, représentativité et efficacité. Le débat porte également sur le mode de désignation de certains membres, le texte adoptant un système de nomination, ouvrant ainsi la voie à l’intervention de la Chefferie du gouvernement au sein d’une institution censée être indépendante et relever exclusivement de l’autorégulation.
«Cette orientation marque une rupture manifeste avec les expériences comparées d’autorégulation de la presse à travers le monde», écrit Mohamed Karim Boukhssas. Les amendements relatifs aux procédures de médiation et d’arbitrage ont également été rejetés. Le ministre a maintenu la version actuelle du texte, qu’il juge plus précise, soulignant que la procédure d’arbitrage demeure facultative et soumise à l’accord des parties, conformément aux dispositions de la loi n° 95.17 relative à l’arbitrage et à la médiation conventionnelle.
Face à la position jugée inflexible du ministre, les syndicats ont maintenu leurs revendications. Certains ont même quitté la réunion au moment du vote, exprimant leur refus d’un texte qualifié d’«unilatéral». Nour Eddine Slik, président du groupe de l’Union Marocaine du Travail, a demandé au président de la Chambre de soumettre le projet de loi à la Cour Constitutionnelle et de le renvoyer à la Commission parlementaire pour une nouvelle lecture, conformément à l’article 217 du règlement intérieur. Une demande qui n’a pas été retenue, ouvrant la voie à l’adoption d’un texte de loi qui ne répond pas aux attentes des professionnels et ne prend en compte ni l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ni celui du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH).
Le ministre de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, y voit «une étape cruciale dans le processus de modernisation et de développement du paysage médiatique national, ainsi qu’un pilier essentiel pour le renforcement de l’État de droit et la consécration des principes de bonne gouvernance et de transparence». Selon le ministre, le texte répond aux revendications des professionnels visant à réformer le Conseil et à garantir l’exercice de ses missions dans un cadre légal.
Il est destiné à corriger certaines lacunes juridiques, notamment par la création d’une commission de supervision chargée de gérer, de manière indépendante et autonome, le processus électoral et les mandats des journalistes et des éditeurs, en plus de l’instauration d’un nouveau système de vote à la demande des professionnels.
Cependant, le projet ne fait manifestement pas l’unanimité au sein du corps journalistique. Son adoption, jugée «rapide», voire «précipitée», par la Commission de la deuxième Chambre, à la suite d’un vote serré de six voix pour et cinq contre, sans l'introduction d’amendements, a suscité un tollé parmi les professionnels. Ces derniers reprochent au ministre de tutelle de ne pas avoir élaboré un texte consensuel, d’autant plus qu’il a été adopté sans laisser aux syndicats le temps nécessaire pour un débat approfondi sur les dispositions contestées.
Déséquilibre entre les représentants des journalistes et des éditeurs
Pis encore, les 139 amendements présentés par les syndicats lors des discussions en Commission n’ont pas été retenus dans la version votée, appelée à poursuivre son parcours législatif. Cette situation a poussé les formations syndicales à hausser le ton et à annoncer un programme de protestation afin de faire entendre leur voix. Parmi les amendements rejetés figure la question de la composition du Conseil National de la Presse.
Fixé à 19 membres répartis en trois catégories, le projet prévoit sept représentants des journalistes professionnels élus par leur collège électoral, neuf représentants des éditeurs désignés par leur organisation professionnelle, ainsi que trois membres représentant les institutions et instances concernées. Là également, les journalistes critiquent l’écart de représentativité entre éditeurs et journalistes au sein du Conseil. Une situation qui, selon le journaliste Mohamed Karim Boukhssas, porte atteinte au cœur même de l’autorégulation, fondée sur le principe d’équilibre et de non-prédominance d’une catégorie sur une autre, afin d’éviter toute domination ou connivence professionnelle.
Concernant l’élargissement de la liste des institutions membres du Conseil, le ministre a souligné que la formule adoptée est plus efficiente, car elle se limite aux entités ayant un lien direct avec les compétences du CNP.
En réponse à la proposition du groupe UGTM d’ajouter deux membres issus des «journalistes sages» à la catégorie des représentants des journalistes professionnels, choisis parmi des personnalités reconnues pour leur expérience et leur respect de la déontologie, le ministre a estimé que cette catégorie, telle que prévue dans le projet, incarne déjà une combinaison suffisante d’expertise et d’expérience lui permettant de jouer un rôle d’équilibre et d’encadrement au sein du Conseil.
L’indépendance du Conseil menacée ?
Les syndicats reprochent néanmoins au texte d’accorder aux propriétaires de médias, détenteurs de capitaux, le droit de siéger au sein d’un Conseil chargé du respect de la déontologie professionnelle, ce qui constitue, selon eux, une menace grave pour l’indépendance du futur Conseil.
Concernant le nombre total des membres, il a été proposé de le porter à 21 ou 23, proposition rejetée par le ministre, qui estime que la configuration actuelle assure un équilibre entre transparence, représentativité et efficacité. Le débat porte également sur le mode de désignation de certains membres, le texte adoptant un système de nomination, ouvrant ainsi la voie à l’intervention de la Chefferie du gouvernement au sein d’une institution censée être indépendante et relever exclusivement de l’autorégulation.
«Cette orientation marque une rupture manifeste avec les expériences comparées d’autorégulation de la presse à travers le monde», écrit Mohamed Karim Boukhssas. Les amendements relatifs aux procédures de médiation et d’arbitrage ont également été rejetés. Le ministre a maintenu la version actuelle du texte, qu’il juge plus précise, soulignant que la procédure d’arbitrage demeure facultative et soumise à l’accord des parties, conformément aux dispositions de la loi n° 95.17 relative à l’arbitrage et à la médiation conventionnelle.
Face à la position jugée inflexible du ministre, les syndicats ont maintenu leurs revendications. Certains ont même quitté la réunion au moment du vote, exprimant leur refus d’un texte qualifié d’«unilatéral». Nour Eddine Slik, président du groupe de l’Union Marocaine du Travail, a demandé au président de la Chambre de soumettre le projet de loi à la Cour Constitutionnelle et de le renvoyer à la Commission parlementaire pour une nouvelle lecture, conformément à l’article 217 du règlement intérieur. Une demande qui n’a pas été retenue, ouvrant la voie à l’adoption d’un texte de loi qui ne répond pas aux attentes des professionnels et ne prend en compte ni l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), ni celui du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH).
Le CESE soulève un déséquilibre dans la représentativité des journalistes et éditeurs
Dans son avis concernant le projet de loi n°026-25 portant réorganisation du Conseil National de la Presse, le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a critiqué la suppression dans la composition de l'institution des représentants de la société civile ou du public, tout en soulignant une asymétrie dans les modalités de désignation des membres, avec un vote pour les journalistes et une désignation pour les éditeurs.
Le Conseil a de même noté un déséquilibre numérique entre les représentants des éditeurs (9) et ceux des journalistes (7). A cela, s’ajoute une attention excessive portée aux sanctions disciplinaires, alors même que les notions de faute professionnelle et de violation de la charte d'éthique ne sont pas explicitées et que la nécessaire mission de médiation entre professionnels n'est pas suffisamment mise en avant.
En outre, le Conseil relève que le projet de loi ne prend pas valablement en compte les transformations économiques et technologiques affectant le secteur de la presse écrite, fragilisé par la crise sanitaire et la concurrence des plateformes numériques et des réseaux sociaux.























