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En cet après-midi aoutien, la lumière est déjà dure et les trottoirs, chauds à souhait. L’été bat son plein et les visiteurs étrangers, appareil photo en bandoulière, croisent les habitués. La ville bruisse de langues diverses. D'aucuns lèvent les yeux vers les façades Art déco tandis que bien d’autres cherchent une terrasse à l’ombre.
À l’angle d’une ruelle perpendiculaire, le Marché Central est toujours là. Sa façade blanche, usée mais digne, évoque une certaine idée de la Casablanca d’autrefois. L’entrée discrète ouvre sur un enchaînement d’étals : fruits, légumes, poissons, épices. L’odeur du sel, du savon noir et des fleurs d’oranger continue de flotter dans l’air. Mais les signes du vieillissement ne trompent plus : carrelages fendillés, fils électriques apparents, éclairage insuffisant, allées abîmées.
Après des années d’attente, le chantier a été officiellement lancé en juin 2025. Un budget de 41 millions de dirhams a été alloué pour moderniser le bâtiment sans en trahir l’âme. Le projet, piloté par la commune et Casa Aménagement, prévoit une réhabilitation complète sur douze mois : modernisation des réseaux, accessibilité renforcée, signalétique unifiée, création d’un étage supérieur et d'une terrasse qui se veut un lieu de restauration et espace de vie.
Le tout se veut respectueux de l’esprit du lieu : ni centre commercial standardisé, ni musée figé. L’idée est de redonner au marché sa place centrale dans la vie urbaine, c'est-à-dire en tant que lieu de travail, de passage et de rencontre.
Hassan, retraité du quartier depuis quarante ans, accueille la transformation avec espoir. « Ce marché fait partie de la mémoire de la ville. Si les travaux le réveillent sans le dénaturer, c’est une bonne chose. »
Fatima, vendeuse de fruits depuis 17 ans, se montre plus réservée : « On voit bouger les choses. Mais on espère être inclus dans le processus, pas mis de côté. Le marché, ce n’est pas que des murs, c’est une partie de nous-mêmes et de notre histoire. Il a assisté à nos mariages et à la naissance de nos enfants aussi».
Ainsi, dans les allées, les touristes continuent de passer, parfois surpris de découvrir que le Marché Central est bien plus qu'un décor de carte postale : il est bel et bien vivant, voire plein de vie. Si le projet tient ses promesses, l’automne et l’hiver 2025-2026 pourraient marquer le début d’une nouvelle dynamique. L’enjeu est clair : ne pas faire table rase, mais écrire une suite fidèle à l’histoire.
Houda BELABD