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Assises Nationales du Développement Humain : Quel modèle pour améliorer l’apprentissage chez les enfants ?


Rédigé par Rime Taybouta Mercredi 21 Septembre 2022

Promouvoir un modèle éducatif capable d’améliorer le niveau d’acquisition des connaissances de base chez les enfants, afin de faciliter leur intégration dans la vie pratique, tel était l’objectif des Assises Nationales du Développement Humain, à l’issue desquelles une batterie de recommandations a été présentée.



Ph : Nidal
Ph : Nidal
Pendant près de douze heures, des experts nationaux et internationaux ont échangé leurs expériences en matière d’éducation afin de proposer un modèle capable de relever les défis et remédier aux lacunes dont souffre le système éducatif national. Des manquements qui aggravent le phénomène de la déperdition scolaire et qui mettent en péril l’avenir des générations futures, d’où la nécessité d’une réforme tous azimuts.

C’est dans cette optique que s’est tenue la 2ème édition des Assises Nationales du Développement Humain, laquelle, selon le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, vise à trouver «des solutions efficaces permettant d’améliorer le niveau d’acquisition par les enfants des connaissances de base, de faciliter leur intégration dans la vie pratique et de contribuer efficacement au développement du Royaume». Une telle approche permettrait, selon Laftit, de faire face directement et de manière anticipative aux principales entraves au développement humain.

Des chiffres alarmants

Les données nationales interpellent sur le caractère urgent de la problématique. Selon les statistiques présentées lors des assises, 331.000 enfants ont quitté le système scolaire au titre de l’année scolaire 2020-2021. De plus, les fermetures d’écoles affectent de manière disproportionnée les élèves les plus défavorisés, justement ceux qui ne disposent pas des outils numériques qui leur permettraient de bénéficier de l’enseignement à distance.

Selon le ministre de l’Intérieur, cet état des lieux a impacté grandement l’indice du développement humain du Royaume qui n’a pas dépassé 50%. L’impact se fait également ressentir sur le marché du travail, selon Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, qui a indiqué lors de ces assises «qu’on démarre avec environ 4 millions d’élèves au primaire, dont seulement 1,9 million parviennent à atteindre l’enseignement supérieur. Seuls 900.000 arrivent à décrocher leur diplôme d’Université, dont 18% seulement parviennent à intégrer le marché de l’activité». Cette situation appelle à redoubler d’efforts pour instaurer un modèle éducatif national efficace, ont tranché les panélistes dans leur ensemble.

Quelles solutions ?

Pour Chakib Benmoussa, ministre de l’Education, la généralisation de l’enseignement préscolaire et le renforcement des capacités essentielles, dont la lecture, l’écriture, la programmation et le calcul, sont inéluctables. «La feuille de route 2022- 2026 que nous avons mise en place va dans ce sens», a-t-il ajouté. Les universitaires, chercheurs et experts présents lors des assises ont également présenté leurs visions pour étoffer cette feuille de route, établie selon les orientations du Nouveau Modèle de Développement (NMD).

Dr Rukmini Banerji, auteure de renommée et directrice générale de Pratham Education Foundation, en Inde, était parmi les panélistes qui ont apporté leur pierre à l’édifice. Elle a présenté son modèle testé en Inde et dont l’objectif est de dépasser les lacunes en matière de lecture et de calcul chez des enfants qui ont déjà quelques années d’études à leur actif.

Pour Rukmini, «aucun élève ne doit être abandonné précocement », surtout que, statistiquement, seule une minorité d’enfants arrive à atteindre les objectifs pédagogiques fixés par le système éducatif. Ceci est dû principalement, selon la même intervenante, à la nature desdits objectifs qui sont souvent «surambitieux ». Ainsi, on se retrouve avec des élèves ayant l’âge d’un certain niveau scolaire (3ème année primaire par exemple), mais qui n’ont pas les prérequis pour y étudier. «Dans ces cas de figure, les enseignants sont, dans la majorité des cas, contraints à se fier au programme et à travailler avec les élèves les plus brillants. Ceci augmente le risque de décrochage scolaire», alerte Dr Rukmini Banerji, qui préconise que les classes doivent être organisées par niveau et non pas par âge.

Pour Dr David Evans, Senior Fellow au Center for Global Development, aux Etats-Unis, il y a deux conditions critiques pour la réussite de la réforme de l’Education. Premièrement, il s’agit d’orienter tous les acteurs du système éducatif vers un but unique, à savoir l’acquisition de la lecture et de l’écriture. Deuxièmement, assurer la mise en oeuvre effective des politiques visant à améliorer l’apprentissage.

Pour réussir ce défi, Evans insiste sur l’importance d’un leadership politique fort et continu. Il faut donc placer l’apprentissage au centre de l’agenda gouvernemental, assurer sa priorisation continue dans le temps et finalement «isoler l’éducation de la politique politicienne». Ce dernier point est essentiel selon plusieurs participants que nous avons interrogés lors des assises, surtout au Maroc, où durant plusieurs années il n’y avait pas d’homogénéité entre les différentes réformes mises en place par les différents gouvernements.

L’expert recommande également la mise en place d’incitations fiscales pour les municipalités afin d’atteindre les objectifs d’apprentissage. Bien sûr, ces mesures devraient être accompagnées par un processus de suivi et d’évaluation qui permettrait d’adapter la démarche entreprise selon les résultats obtenus. Evans s’est également penché sur la question de la motivation du personnel à travers des décorations honorifiques, des primes, etc.

Dr Hanada Taha Thomure, Professeure, Chaire de la langue arabe à l’Université Zayed, aux Emirats arabes unis, estime également que l’enjeu de la réforme réside dans la mise en valeur de l’enseignant. «Il faut commencer par faire le Marketing du métier de l’enseignant de sorte à attirer les meilleurs», a-t-elle souligné. Il s’agit de mieux repositionner le statut de l’enseignant au sein de la société.

Il est à noter que la présente rentrée scolaire a connu l’introduction d’une série de nouveautés, notamment le lancement d’un nouveau programme de soutien scolaire. Il s’agit du Teaching At the Right Level (TARL). Un programme innovant, selon le ministre de l’Education, qui permettra de corriger les lacunes en lecture et en calcul, ce dont souffre un grand nombre d’élèves, et ce, à travers des activités ludiques dont l’impact sur l’apprentissage a été prouvé scientifiquement dans de nombreux pays.

 

3 questions à Mohammed Dardouri


« Nous avons fait un benchmarking, là nous travaillons sur un modèle maroco-marocain»
 
Nous l’avons croisé lors des Assises, le wali et coordonnateur national de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), Mohammed Dardouri, répond à nos questions.

- Durant les dernières années, plusieurs réformes ont été entreprises en vue d’améliorer le système éducatif au Maroc, pourtant, plusieurs lacunes persistent. Quel est l’impact de ces insuffisances sur les indices de développement humain du Royaume ?

- Depuis plusieurs années, le Maroc a généralisé l’accès à l’éducation. Globalement, les indicateurs des enfants en matière d’éducation sont positifs. Par contre, les adultes non scolarisés sont la raison principale qui a permis de baisser l’indicateur du développement humain.

Concernant l’indice du développement humain, plusieurs paramètres sont en considération dans sa détermination : l’éducation, l’espérance de vie, l’accès à la santé. Ceci souligne l’importance de la mise en convergence des efforts de toutes les parties prenantes afin de réussir à relever le défi de l’amélioration des performances scolaires des élèves marocains, mais aussi d’améliorer les autres indicateurs pris en compte.


- Les assises de l’INDH ont invité une experte indienne de renommée pour présenter son modèle éducatif. Pensez-vous qu’on devrait s’inspirer des différents modèles étrangers, ou opter pour une formule 100% marocaine ?

- Il est nécessaire de mettre en place une approche maroco-marocaine, mais cela n’empêche pas de voir ce qui se passe autour de nous. L’idée est de s’imprégner des expériences des autres pays, en essayant de les adapter à notre culture et à note manière de faire. Nous avons fait un benchmarking international et aujourd’hui nous travaillons sur des modèles adaptés au contexte marocain, dont les perspectives sont prometteuses.


- Comment l’INDH peut-elle aider dans le chantier de réforme de l’Education ?

- Cette deuxième édition des Assises nationales prévoit des panels techniques qui permettront d’explorer des approches pertinentes pour améliorer la qualité des apprentissages. Le lightning talk est aussi l’occasion de souligner l’importance des nouvelles technologies pour faciliter les apprentissages et tenir compte des défis futurs.



Recueillis par R. T.








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