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Culture

Aliou Diack, le havre qui cache la forêt


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 19 Mars 2023

Le Sénégalais est aujourd’hui connu et reconnu au-delà des frontières de son pays. La forêt l’habite comme elle jonche ses œuvres. Il expose depuis le 16 mars à la Galerie 38 de Casablanca après une résidence effectuée au Maroc en 2020 et gérée par le même espace. L’arbre, l’animal et l’humain qui font et défont…



« Greatness », technique mixte sur toile, diptyque, 200 x 300 cm, 2020.
« Greatness », technique mixte sur toile, diptyque, 200 x 300 cm, 2020.
Comment ne pas festoyer face à tant de gifles administrées avec l’élégance caressante d’un mystérieux vécu ? La forêt, lorsqu’on y pénètre, on n’en ressort plus. A défaut d’y habiter, elle nous habite. Avec élégance ou violence, on en parle, on la crie, on la chuchote, on la conte comme pour l’incorporer dans un parcours en suspens, un univers fait de branches et rarement de racines. Lorsque l’arbre offre son ombre, c’est pour mieux étudier la possibilité d’un vécu sans ses enlacements aériens. La forêt apaise dès qu’on abdique face à son majestueux pouvoir, fait d’une poésie redoutable où l’hospitalité et le piège se donnent la main, s’embrassent avec fougue, se mordent les pendants qui leur rappellent qu’ils peuvent vaquer à autre chose qu’à une éventuelle entente. Pourtant, la forêt est en l’humain qui la fréquente sans essayer de la comprendre, est mère qui ne renie jamais ses rejetons, ceux qui lui rendent visite par la pensée essentiellement. Ici, la forêt est inspiration, contemplation, vie et vérité. Aliou Diack y laisse quelque feuillage.   
Entente avec fracas
L’artiste s’explore allégrement avant de dévoiler son véritable penchement. Celui pour l’art qu’il embrasse en quittant son Sidi Bougou natal, un village à vocation massivement agricole. En 1997, lorsqu’il gagne à dix printemps la capitale Dakar chez sa grand-maman pour y poursuivre son cursus scolaire, il n’est pas des plus heureux enfants qui découvrent la ville, lui qui sent encore la terre qu’il cultive très tôt. « Aliou Diack préfère le mystère touffu et encore sauvage de la forêt environnante qu’il doit traverser quotidiennement pour rejoindre son école primaire. C’est que déjà, celui qui ne se sait pas encore artiste et qui en ignore même la possibilité d’études académiques voire de carrières professionnelles, se laisse subjugué par l’inconnu riche de découvertes et de promesses aventureuses caché au détour de chaque arbre et de chaque feuillage, aussi farouches que sauvages gardiens protecteurs d’une multitude de vies : animales, entomiques et même animiques. Un univers merveilleux, fantasmagorique et même magique dont il ne se lasse jamais des secrets murmurés par les branchages qui prennent vie sans que l’on ne soit jamais certains que cela soit par la force tellurique des alizées ou celle organique des pas ou des ailes d’une créature qu’il reste encore à imaginer (…) En 2020, il entame la présente collaboration avec La Galerie 38 qui l’invite en résidence pour créer les œuvres que nous dévoilons par l’exposition qui se tient enfin aujourd’hui. Et pour cause ! La crise pandémique du COVID et sa déferlante aussi subite qu’inattendue prend le monde entier de cours… Aliou Diack est à ce moment-là en pleine production de ses nouvelles œuvres dans l’Atelier mis à sa disposition par la Galerie à Dar Bouazza… Le monde entier s’arrête en proie à diverses variations autour des confinements et autres couvre-feux, le séjour de recherche de l’artiste se retrouve de fait prolongé durablement… Et bien sûr, celui-ci le met pleinement à profit pour expérimenter de nouvelles formes, techniques, matières et aussi d’autres palettes moins organiques où apparaissent parfois des bleus océaniques aussi suggestifs que puissants… », raconte Syham Veigant dans le catalogue de l’exposition. Diack crée avec forte conviction où l’impossibilité d’une sérénité créative est omniprésente. Lorsqu’il attaque une toile vierge, c’est pour en découdre. Il s’y attèle corps et âme, comme pour la fouler, lui signifier que c’est lui le maître. Le jet premier s’intensifie en douceur au fur de l’exécution et à mesure de l’évolution de l’œuvre en permanent devenir. L’artiste figure un espace où la végétation et ses habitants s’entendent avec fracas, l’animal mortel en prise avec des plantations qui ne rendent l’âme que par la cruauté exterminatrice humaine. Et là, c’est l’art de tout dire en apnée qui prend langue avec une réalité pas si bavarde. Aliou Diack vocifère à voix basse, pince en dorlotant. Son univers est celui de l’imbroglio, de l’entente souhaitée, de la beauté à réinventer. Que forêt-il après ?

 
Anis HAJJAM







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