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International

Algérie: ​Mohamed Tadjadit condamné à 5 ans de prison... quand la poésie devient un crime d’État


Rédigé par Hichem ABOUD Mercredi 12 Novembre 2025

En Algérie, les mots font plus peur que les bombes. Le poète Mohamed Tadjadit, surnommé « le poète du Hirak », vient d’en faire une nouvelle fois l’amère expérience.



Ce jeune enfant de la Casbah, cette citadelle de mémoire et de résistance, a été condamné à cinq ans de prison pour “apologie du terrorisme”. Son véritable crime ? Avoir fait vibrer, à travers ses vers, la conscience d’un peuple qu’on voulait anesthésier.

À peine sorti de l’adolescence, Tadjadit avait déjà fait la connaissance du monde carcéral avec l’avènement du duo Tebboune-Chengriha, incarnation d’une voyoucratie militaro-civile qui confond la poésie avec la subversion. Comme hier le poète égyptien Ahmed Fouad Negm, emprisonné dix-sept années sous Anouar el-Sadate pour avoir rimé la vérité, Tadjadit incarne cette lignée d’artistes que les dictatures craignent plus que les révolutionnaires. Car leurs armes sont des mots — et les mots, eux, ne se désarment jamais.

Quand la parole devient une menace Depuis 2019, Mohamed Tadjadit a été arrêté, jugé, libéré puis de nouveau emprisonné à au moins six reprises. À chaque fois, le même scénario : une accusation taillée sur mesure pour criminaliser la pensée libre. L’« apologie du terrorisme » est devenue le cache-sexe d’un régime incapable d’assumer sa nature répressive. Sous couvert de “sécurité nationale”, le pouvoir algérien classe dans la catégorie des ennemis de l’État tous ceux qui osent parler, écrire ou chanter l’Algérie autrement que par ses slogans officiels.

Les poèmes de Tadjadit, scandés sur les places publiques ou partagés sur Facebook, dérangent. Ils réveillent un peuple qu’on veut endormir à coups de mensonges, de propagande et de promesses vides. Ils disent la douleur, la misère, l’injustice. Ils rappellent que la Casbah d’Alger, bastion de la lutte contre le colonialisme, n’a pas enfanté des esclaves mais des insoumis.
 
Un régime nu, une justice instrumentalisée

Le verdict est tombé le 11 novembre : cinq années d’emprisonnement pour “soutien à des organisations terroristes” et “propagation d’idées extrémistes”. Le parquet en voulait dix. La juge a prononcé cinq. Mais dans les faits, la sentence réelle est celle infligée à tout un peuple : le bâillon sur la bouche et la peur dans le ventre.

Les organisations internationales n’ont pas tardé à réagir. Amnesty International, PEN America et une vingtaine d’ONG ont dénoncé un verdict « sans fondement » et exigé sa libération immédiate. Elles rappellent que la persécution de Tadjadit repose uniquement sur son militantisme pacifique et sur sa poésie, ce qui constitue une violation flagrante des droits fondamentaux. Mais à Alger, ces appels résonnent dans le vide : le pouvoir n’écoute plus rien, sauf sa propre paranoïa.
 
De Bouteflika à Tebboune, la continuité du silence

Le Hirak, né en février 2019, avait porté l’espoir d’un renouveau démocratique. Deux mois plus tard, Bouteflika chutait sous la pression populaire. Le régime, croyant avoir éteint l’incendie, installait Tebboune à la présidence et Chengriha à la manœuvre. Puis vint le Covid-19, prétexte rêvé pour interdire les rassemblements et emprisonner les figures du mouvement. La pandémie est passée, mais la répression, elle, est restée. Depuis, l’Algérie nouvelle s’est muée en Algérie bâillonnée.
 
La peur des poètes

Mohamed Tadjadit n’est pas un terroriste : c’est un miroir. Et ce miroir renvoie au régime l’image qu’il s’efforce de cacher : celle d’un pouvoir fragile, sans légitimité ni vision, qui ne tient plus que par la peur et la censure. Dans l’Algérie d’aujourd’hui, écrire un poème, c’est brandir une arme ; déclamer un vers, c’est commettre un crime d’État. Les tyrans ont toujours redouté les poètes : parce qu’ils savent que les mots survivent aux prisons, et que les vers gravés dans les mémoires finissent toujours par fissurer les murs du silence.
 







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