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Culture

Abdelkrim Ouazzani, Nord et déjà


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 7 Janvier 2024

Jusqu’au 16 janvier, la galerie Kent de Tanger rend compte d’un travail frais et lourd de passé de cet artiste tétouanais hors de toute classification académique. Une exposition dite « S.O.S. Mayday » qui interpelle, évoquant les déboires de la planète, invitant à l’espoir. Regards au sang propre.



Tel un alcoolique abstinent, cet artiste est une fable à conter aux générations présentes et à venir. Lui, sait que l’amour d’un certain art trouve ses fondations dans la douleur. Abdelkrim Ouazzani est une douce fissure dans l’âme éblouie de dons de soi, de paroles tues, d’élans à l’immédiateté procrastinatrice. Il ne songe pas mettre fin à ses multiples regroupements créatifs, donc continue à emplir le vide, à vider l’empli. Ouazzani prône l’irréel et caresse de mains de maître (il en a deux) une réalité qui bouleverse les neurones. Il parle peu, engueule l’incohérence, enlace la fluidité constructive. Aimant et aimé, il est cette décisive personne de l’Ecole de Tétouan, écrasée depuis des décennies par celle de Casablanca, drivée par Belkahia, Chabaâ, Melehi et consorts. Mais le mal ne s’exprime que lorsque la beauté se tait. Tétouan est une plateforme qui peut aujourd’hui crier haut et fort son bonheur d’avoir donner naissance à de grands artistes plasticiens. Mais on s’éloigne de Abdelkrim Ouazzani, élève, plus tard professeur et enfin directeur de cette belle institution artistique. Bref : fin et filiforme, cet homme est né pour nous produire ce qui le distingue des autres plasticiens, amis ou pas.
 
 

Symphonie à plusieurs tons

Vieux de plusieurs adolescences, Abdelkrim Ouazzani renvoie ses œuvres à l’enfant qu’il a été par intermittence, au jeune qu’il continue d’être. Son art parle à tout le monde, aux autres aussi. Avant la couleur qui gicle et la matière qui détonne, le travail trouble de cet artiste au regard et à la belle santé ne cesse de se soigner l’esprit. On sent qu’il injecte de la houle à une mer calme. Sa nouvelle collection de pièces est à caresser du regard avec rigueur. Belle certes, mais lourde de sens. Sans pour autant faire de citations ou de comparaisons qui ne font plaisir qu’à ceux qui les déploient, le « S.O.S Mayday » est une symphonie à plusieurs tons. On y croise la vie, la mort et l’espoir. Tout ce qu’inflige l’homme à son semblable fait écho dans ce travail hautement suggéré. Quand le supposé humain trouble la vie de l’animal en mer, sur terre ou en air, on y a également droit dans ces réalisations exécutées après moult réflexions. Et c’est là où nous touchons le tréfond de nous-mêmes : nous ne sommes rien. Abdelkrim Ouazzani est définitivement cet artiste qui se donne en donnant. Il est l’incroyable créatif ayant fait de cette exposition un rappel à l’ordre, une sorte de remise en question pour bien d’autres artistes ou qui croient l’être. Avant de se lancer/s’élancer dans ce qu’il réalise depuis des années, Ouazzani se concrétise comme dessinateur, ce qui manque à un amas de peintres marocains, anciens ou récents. Il y a quelque temps, pour les besoins d’une monographie réalisée par Aziza Laraki, propriétaire de Kent Gallery, l’artiste répond ainsi à une question de Moulim Laaroussi en homme touché par ce qui arrive à la planète, la nôtre : « J’ai peur pour la planète, mais je ne peux rien faire à pat crier à travers mon art. Depuis longtemps, et avant que ça ne devienne à la mode, je me suis intéressé aux problèmes de la planète. Notre comportement vis-à-vis à la terre, à la faune et à la flore est très négatif. Je vois que le danger est imminent (…) J’imagine que nous devons voyager vers une planète idéale. Notre planète deviendra étroite et inhospitalière. Nous devons migrer vers une planète plus propre, plus accueillante et plus joyeuse (…) La planète est là, il y a une charrette, un oiseau et une vache. C’est un regard d’enfant qui réduit tout à l’essentiel. L’art n’a pas de limite. Il ne s’embarrasse pas des lois de la pesanteur. » Retour à cette enfance qui ne cesse de faire frémir et réagir un artiste qui nous rappelle qui nous sommes, qui nous renvoie à des rêves au présent immédiat. Abdelkrim Ouazzani, cet homme que l’histoire retient, forte et sans concession.

 
Anis HAJJAM



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