Le 26 juillet 2021, la loi-cadre n°69-19 portant réforme fiscale était publiée au Bulletin Officiel, fixant les composantes, principes, objectifs et mécanismes d’une refonte du système fiscal national, introduisait également une innovation majeure : la mise en place d’une taxe carbone. Celle-ci devait permettre de mobiliser les ressources nécessaires au financement des politiques publiques de protection de l’environnement. Un choix dicté par l’urgence. Le Maroc subit déjà de plein fouet les effets du dérèglement climatique avec l’irrégularité des précipitations, les sécheresses à répétition, la hausse des températures moyennes, les vagues de chaleur, les inondations et la montée du niveau de la mer. Mais au-delà de l’enjeu environnemental, la transition vers une économie décarbonée est devenue une question de compétitivité. L’Europe, premier partenaire commercial du Royaume, prévoit en effet d’instaurer une taxe carbone aux frontières. Initialement annoncée pour 2023, son entrée en vigueur a été repoussée à plusieurs reprises pour la fixer enfin à janvier 2026 sous la forme du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Face à cette échéance, les exportateurs marocains accélèrent leurs préparatifs pour s’adapter à ce dispositif qui aura des répercussions profondes sur leurs activités. Bien anticipé, il pourrait transformer la contrainte en opportunité, renforcer la compétitivité des exportations marocaines et, à terme, générer des retombées économiques positives sur la balance commerciale. «Avec l’évolution des normes mondiales, qu’il s’agisse de la typologie verte européenne qui conditionne désormais les financements, ou de la directive sur la durabilité qui impose un reporting carbone rigoureux, nous avons a fait le choix d’anticiper», nous déclare Hassan Sentissi El Idrissi, président de la Confédération Marocaine des Exportateurs (ASMEX).
Le Maroc à l’avant-garde
En effet, les préparatifs ont commencé bien avant la promulgation des textes législatifs. En 2023, une phase transitoire a été amorcée afin d’encourager les industriels à déclarer leurs émissions. Le gouvernement, dans le texte de loi précité, a adapté le système fiscal aux enjeux climatiques grâce à l’instauration d’une fiscalité verte. Mentionnée à l’article 7 de la loi-cadre, la taxe carbone a pour vocation d’intégrer les coûts environnementaux des émissions dans les décisions économiques. En incitant entreprises et ménages à adopter des pratiques plus durables, elle vise à réduire les émissions de CO2, à promouvoir l’usage des énergies renouvelables et des technologies propres, et à mobiliser des ressources pour financer des projets de transition. «Le principe est de proposer une mise en œuvre progressive sur une période de dix ans et de ne rien acter tant qu’il n’existe pas de solutions alternatives viables. Nous ne voulons pas que la taxe carbone devienne une nouvelle taxe, mais plutôt qu’elle conditionne le choix de l’énergie la plus propre. Cependant, elle doit exister», déclarait Faouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, en janvier dernier, devant les membres de la CGEM.
Parallèlement, et dans la continuité du déploiement progressif du cadre réglementaire du Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM), la Commission Européenne a lancé trois consultations publiques sur son site officiel. Ces initiatives invitent les parties prenantes à se prononcer, notamment sur la question des certificats CBAM. L’objectif est de définir des règles précises encadrant la manière dont ces certificats doivent être ajustés par les déclarants agréés dans le cadre du mécanisme, en cohérence avec le degré d’allocation gratuite des quotas du système européen d’échange de quotas d’émission (EU ETS).
Répercussions maîtrisées, mais attention au PLF !
L’Exécutif a, pour sa part, décidé d’accompagner cette transition par plusieurs mesures structurantes, notamment la fixation d’un prix carbone, la désignation de l’IMANOR comme entité publique chargée de valider les bilans carbone des entreprises, ainsi que la formation des inspecteurs chargés du contrôle de la taxe. Toutefois, les yeux sont désormais rivés sur le Projet de Loi de Finances pour 2026, qui définira, dans ses volets fiscal et douanier, certaines mesures d’accompagnement qui détermineront le sort des exportateurs. L’idée serait par exemple de limiter le périmètre de la taxe pour une phase pilote, tout en la mettant à la place de taxes existantes comme la TIC, sans pour autant augmenter la taxation des entreprises.
Cela dit et côté accompagnement, l’ASMEX, à travers sa commission dédiée, n’a cessé d’agir au niveau régional pour sensibiliser sur l’urgence d’une mise à niveau du tissu industriel exportateur et de sa performance durable. Il s’agit en l’occurrence de la «Caravane nationale de la Décarbonation», qui, selon Sentissi, «mobilise financements, formations, partenariats technologiques et certifications pour accompagner concrètement les entreprises marocaines dans leur transition énergétique». Il ajoute que ces caravanes ont permis d’identifier les énergies adaptées, encourager l’innovation, renforcer la compétitivité des exportations grâce à des pratiques durables et promouvoir une démarche responsable qui fasse du Maroc un pionnier régional en matière de décarbonation.
Et si d’aucuns pointent du doigt les impacts potentiels d’un tel dispositif, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie, a tenu à rassurer qu’un nombre très limité de secteurs sont directement concernés par la taxe carbone européenne, notamment l’électricité, le ciment et les engrais. Le défi principal pour le Maroc reste la verdisation des secteurs des transports, de la production d’électricité et du résidentiel, trois secteurs clés pour la décarbonation du mix énergétique national. Selon les projections, les émissions totales de gaz à effet de serre (GES) liées à l’énergie du Royaume pourraient atteindre 163 MtCO2eq en 2050 si aucune action n’est entreprise. Le secteur des transports, à lui seul, représenterait 55% de ces émissions. Grâce à des mesures telles qu’une électrification accrue des usages finaux, il serait possible de réduire ces émissions à 31 MtCO2eq, voire 15 MtCO2eq d’ici 2050.
Le Maroc à l’avant-garde
En effet, les préparatifs ont commencé bien avant la promulgation des textes législatifs. En 2023, une phase transitoire a été amorcée afin d’encourager les industriels à déclarer leurs émissions. Le gouvernement, dans le texte de loi précité, a adapté le système fiscal aux enjeux climatiques grâce à l’instauration d’une fiscalité verte. Mentionnée à l’article 7 de la loi-cadre, la taxe carbone a pour vocation d’intégrer les coûts environnementaux des émissions dans les décisions économiques. En incitant entreprises et ménages à adopter des pratiques plus durables, elle vise à réduire les émissions de CO2, à promouvoir l’usage des énergies renouvelables et des technologies propres, et à mobiliser des ressources pour financer des projets de transition. «Le principe est de proposer une mise en œuvre progressive sur une période de dix ans et de ne rien acter tant qu’il n’existe pas de solutions alternatives viables. Nous ne voulons pas que la taxe carbone devienne une nouvelle taxe, mais plutôt qu’elle conditionne le choix de l’énergie la plus propre. Cependant, elle doit exister», déclarait Faouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, en janvier dernier, devant les membres de la CGEM.
Parallèlement, et dans la continuité du déploiement progressif du cadre réglementaire du Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM), la Commission Européenne a lancé trois consultations publiques sur son site officiel. Ces initiatives invitent les parties prenantes à se prononcer, notamment sur la question des certificats CBAM. L’objectif est de définir des règles précises encadrant la manière dont ces certificats doivent être ajustés par les déclarants agréés dans le cadre du mécanisme, en cohérence avec le degré d’allocation gratuite des quotas du système européen d’échange de quotas d’émission (EU ETS).
Répercussions maîtrisées, mais attention au PLF !
L’Exécutif a, pour sa part, décidé d’accompagner cette transition par plusieurs mesures structurantes, notamment la fixation d’un prix carbone, la désignation de l’IMANOR comme entité publique chargée de valider les bilans carbone des entreprises, ainsi que la formation des inspecteurs chargés du contrôle de la taxe. Toutefois, les yeux sont désormais rivés sur le Projet de Loi de Finances pour 2026, qui définira, dans ses volets fiscal et douanier, certaines mesures d’accompagnement qui détermineront le sort des exportateurs. L’idée serait par exemple de limiter le périmètre de la taxe pour une phase pilote, tout en la mettant à la place de taxes existantes comme la TIC, sans pour autant augmenter la taxation des entreprises.
Cela dit et côté accompagnement, l’ASMEX, à travers sa commission dédiée, n’a cessé d’agir au niveau régional pour sensibiliser sur l’urgence d’une mise à niveau du tissu industriel exportateur et de sa performance durable. Il s’agit en l’occurrence de la «Caravane nationale de la Décarbonation», qui, selon Sentissi, «mobilise financements, formations, partenariats technologiques et certifications pour accompagner concrètement les entreprises marocaines dans leur transition énergétique». Il ajoute que ces caravanes ont permis d’identifier les énergies adaptées, encourager l’innovation, renforcer la compétitivité des exportations grâce à des pratiques durables et promouvoir une démarche responsable qui fasse du Maroc un pionnier régional en matière de décarbonation.
Et si d’aucuns pointent du doigt les impacts potentiels d’un tel dispositif, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie, a tenu à rassurer qu’un nombre très limité de secteurs sont directement concernés par la taxe carbone européenne, notamment l’électricité, le ciment et les engrais. Le défi principal pour le Maroc reste la verdisation des secteurs des transports, de la production d’électricité et du résidentiel, trois secteurs clés pour la décarbonation du mix énergétique national. Selon les projections, les émissions totales de gaz à effet de serre (GES) liées à l’énergie du Royaume pourraient atteindre 163 MtCO2eq en 2050 si aucune action n’est entreprise. Le secteur des transports, à lui seul, représenterait 55% de ces émissions. Grâce à des mesures telles qu’une électrification accrue des usages finaux, il serait possible de réduire ces émissions à 31 MtCO2eq, voire 15 MtCO2eq d’ici 2050.
3 questions à Hassan Sentissi El Idrissi, Président de l’ASMEX : « Décarboner, c’est réduire sa dépendance énergétique et renforcer sa souveraineté »
- Pourquoi la transition énergétique et durable est-elle présentée comme une chance historique pour le Maroc ?
Cette transition va bien au-delà d’une simple obligation internationale. Elle constitue une opportunité unique pour transformer notre modèle économique. Avec l’évolution des normes mondiales, qu’il s’agisse de la typologie verte européenne qui conditionne désormais les financements, ou de la directive sur la durabilité qui impose un reporting carbone rigoureux, le Maroc a fait le choix d’anticiper. Sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, l’ambition n’est pas seulement de suivre les règles, mais de devenir un acteur de référence dans l’économie bas carbone. Miser sur la durabilité aujourd’hui, c’est anticiper les défis de demain.
- Quels sont les impacts concrets de la décarbonation pour l’économie nationale et pour les entreprises ?
- Pensez-vous que la conformité des exportateurs marocains aux exigences de décarbonation de l’UE sera atteinte d’ici 2026 ?
Stratégie bas carbone : Les grandes ambitions du Royaume
Avec son engagement de réduire ses émissions de GES de 45,5% à l’horizon 2030, le Maroc est parmi les rares pays signataires de l’Accord de Paris à respecter, dans sa Contribution Déterminée au Niveau National (CDN), l’objectif de limiter à 1,5ºC l’augmentation des températures d’ici 2100. Sur le volet transition énergétique, le Maroc ambitionne d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la puissance globale installée à 52%, et de réduire la consommation d’énergie de 20%, à l’horizon 2030.
Pour ce faire, le Royaume, qui prépare sa Stratégie de développement bas carbone à l’horizon 2050, indique qu’il compte procéder à l’accélération du développement des énergies renouvelables pour une électricité décarbonée. A cela s’ajoute l’augmentation de l’électrification des usages dans l’industrie, le bâtiment et le transport. L’encouragement de l’économie circulaire et la réduction et la valorisation des déchets, sont également prévus dans la feuille de route nationale.
Pour ce faire, le Royaume, qui prépare sa Stratégie de développement bas carbone à l’horizon 2050, indique qu’il compte procéder à l’accélération du développement des énergies renouvelables pour une électricité décarbonée. A cela s’ajoute l’augmentation de l’électrification des usages dans l’industrie, le bâtiment et le transport. L’encouragement de l’économie circulaire et la réduction et la valorisation des déchets, sont également prévus dans la feuille de route nationale.
Choc de compétitivité : Cinq leviers de l’économie nationale
Le Nouveau Modèle de Développement préconise cinq actions pour que le Maroc devienne le pays le plus compétitif de la région en investissant dans la qualité des facteurs de production et en réalisant les réformes structurelles nécessaires pour optimiser leurs coûts. Il souligne dans ce sens l’impératif de réduire les coûts de l’énergie par la réforme du secteur et le recours aux énergies renouvelables et à bas carbone : i) La mise en place d’une nouvelle architecture institutionnelle autour d’un régulateur fort, indépendant et transparent pour l’ensemble du secteur, couvrant également le gaz naturel ; ii) La séparation du rôle des acteurs (producteurs, transporteurs, distributeurs) et la libéralisation responsable du secteur, notamment à travers l’ouverture effective de la production d’énergie verte à la concurrence ; iii) La restructuration des entreprises publiques du secteur, notamment l’ONEE, pour lui permettre d’assurer sa fonction stratégique de modernisation du réseau de transport d’électricité et d’accompagnement de la réforme du secteur ; iv) L’encouragement de la production décentralisée pour donner un accès à une électricité compétitive dans les territoires ; et v) La mise en place d’un cadre propice pour le développement de la mobilité électrique.
Cette réforme structurante doit s’accompagner d’un effort à court terme pour améliorer la compétitivité de l’industrie nationale, en impactant la baisse des coûts de production déjà engagée sur les industries énergivores et en leur donnant accès à des solutions pour les approvisionner en gaz naturel afin de produire de l’énergie calorifique à bas coût. La mise en œuvre de ces actions permettra de construire un positionnement international distinctif pour le Maroc en tant que partenaire écoresponsable compétitif et neutre en carbone.
Cette réforme structurante doit s’accompagner d’un effort à court terme pour améliorer la compétitivité de l’industrie nationale, en impactant la baisse des coûts de production déjà engagée sur les industries énergivores et en leur donnant accès à des solutions pour les approvisionner en gaz naturel afin de produire de l’énergie calorifique à bas coût. La mise en œuvre de ces actions permettra de construire un positionnement international distinctif pour le Maroc en tant que partenaire écoresponsable compétitif et neutre en carbone.