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​Ballon ou tête ?


Rédigé par Mohamed Lotfi le Mercredi 17 Décembre 2025

J’ai une faiblesse, partager. Un défaut qui m’a toujours accompagné comme une petite flamme obstinée. Lors de ma dernière année au primaire, j’avais une drôle de façon d’incarner le partage.



Dans la salle de classe aux murs pâlis, le cours d’histoire avançait au rythme des voix timides et des pages tournées. L’instituteur interrogeait la classe sur certains chapitres de l’histoire du Maroc et souvent le silence répondait à sa place. Aucun camarade ne trouvait la bonne réponse et moi je la sentais battre dans ma tête comme un oiseau pressé de s’envoler. Alors je me penchais vers mon voisin et je la lui glissais à l’oreille. Aussitôt, le maître le félicitait et lui promettait d’ajouter une note dans son prochain devoir.
 
Un jour, à la fin de la classe, le maître m’invita à rester. La porte se referma doucement et le monde sembla rétrécir. Il me regarda droit dans les yeux et me demanda « Pourquoi tu donnes les bonnes réponses à d’autres ». J’avais onze ans, les mots me manquaient. En moi, la honte et la fierté se disputaient le même espace, comme deux enfants jaloux. Il fallait répondre pourtant. Le maître venait de poser une question, j’en avais la bonne réponse, mais cette fois je ne pouvais la souffler à personne d’autre qu’à lui. Le silence s’installa entre nous. Il attendait, il attendait et moi je me débattais avec cette réponse que je n’osais pas libérer. J’espérais qu’il pouvait la deviner. Apparemment, il faisait semblant de l’ignorer. La réponse était pourtant évidente.
 
Alors je pris un risque et je répondis à la question par une autre question. « Quelle note est meilleure que 10 sur 10 ? ». Le maître éclata de rire avant de me dire. « Même si tu as presque toujours 10 sur 10, dans tes examens, en donnant les bonnes réponses à d’autres, tu ne les aides pas, tu les empêche de faire un effort et par la même occasion, moi mon travail ». Le sermon n’arrêtait pas. Il fallait l’interrompre. « Maître, ma grand-mère m’a appris que lorsqu’on possède plus qu’il ne faut, il faut partager. Alors, je partage ».
 
En quittant l’école, sur le chemin du retour, le camarade à qui je soufflais les bonnes réponses me rejoignit. Très curieux, il me demanda ce que le maître voulait de moi. Il avait peur que le maître lui retire toutes les notes qui lui permettaient d’avoir une moyenne. Je m’arrêtai et je lui posai une série de questions sur les joueurs de football marocains. Il suffisait de me répondre à quelle équipe ils appartenaient. Que de bonnes réponses me donna t-il.
 
Alors je conclus. « Avec une mémoire aussi phénoménale, tu peux bien retenir les noms des rois du Maroc et à quelles dynasties ils appartiennent ». Ce à quoi le camarade réagit par une réplique digne d’une célèbre comédie, « Les rois ne jouent pas avec des ballons, mais avec des têtes, et moi je préfère les ballons ».
 
 







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