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Actu Maroc

Oxfam déplore le maintien du Maroc en liste grise de l’UE


Lundi 9 Novembre 2020

L’Union Européenne a décidé de maintenir le Royaume sur sa liste de pays n’ayant pas mis en action les réformes légales adoptées en termes de conformité fiscale. Une décision qui n’est pas sans incidence sur la renommée du Maroc.



Le Conseil des ministres de l’Economie et des Finances des pays membres de l’Union Européenne (ECOFIN) a décidé de maintenir le Maroc sur sa très redoutée liste grise. Cette dernière regroupe les pays dont les engagements en termes de conformité fiscale sont jugés suffisants par l’UE, mais leur application fait toujours l’objet d’un suivi attentif. Une décision jugée hâtive par plusieurs experts du fait que les nouvelles mesures relatives au statut de Casablanca Finance City (CFC) sont toujours en cours d’évaluation par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE). 

Dans ce sillage, Oxfam au Maroc a déploré le maintien du pays dans la liste grise. La confédération a réitéré sa position de saisir cette opportunité pour une évaluation d’impact des incitations et mettre fin aux exemptions et incitations fiscales non productives et inefficaces. 

Des efforts et des réformes s’imposent 

Dans un communiqué, Asmae Bouslamti, responsable du programme Gouvernance à Oxfam au Maroc, a déclaré que la confédération plaide «depuis plusieurs années pour une réforme de la politique fiscale plus profonde qui apportera plus de justice fiscale et des corrections aux inégalités», ajoutant que la réactivation économique et sociale du Royaume ne doit pas être au prix de la concurrence déloyale envers les autres pays, ainsi que sur des structures fiscales, qui réduisent les recettes publiques sans créer de la valeur pour l’ensemble du pays. «Il y a des choix politiques à faire, notamment dans ce contexte de crise Covid-19, c’est le moment de prioriser la génération de valeur réelle, la coopération et l’avenir de l’ensemble», insiste-t-elle. 

Plusieurs études montrent que les pertes en recettes subies par le Maroc liées à l’évasion fiscale des multinationales s’élèvent autour des 24,5 milliards de dirhams par an. Cela représente 2,34% du PIB, ce qui correspond à près de 40 fois les financements nécessaires pour construire un centre hospitalier. Une somme considérable quand on sait que cette estimation ne prend pas en compte les incitations fiscales des zones franches, offrant des avantages colossaux aux entreprises dont le coût global pour l`année 2019 s’élève à 987 MDH. 

Pour Oxfam, la lutte contre les inégalités passe aussi par les progrès vers une imposition des grandes fortunes et entreprises qui réponde à un modèle plus juste et équitable, qui reflète davantage l’imposition là où il y a une création de valeur réelle. Cela demande des efforts et des réformes au niveau international tout aussi bien qu’au niveau national. La transparence, l’échange d’informations entre administrations fiscales, la coopération effective dans un contexte de mondialisation des échanges et l’adoption des cadres internationaux sont les clés pour aborder une lutte efficace contre l’évasion fiscale. Mais les critères adoptés par l’UE pour définir un paradis fiscal ne traitent pas l’intégralité des problèmes fiscaux auxquels le Maroc se trouve confronté. Ils ne règlent pas non plus tous les problèmes fondamentaux qui permettent actuellement de laisser une partie considérable des recettes en évasion fiscale et incitations improductives.

3 questions à Younes Chebihi

Oxfam déplore le maintien du Maroc en liste grise de l’UE
«Le Maroc peut constituer un maillon fort dans les nouvelles chaînes de valeurs mondiales de l’ère post-Covid où chacun sortirait gagnant»

Membre de l’Alliance des Economistes Istiqlaliens (AEI), enseignant à l’université de Bordeaux et membre du Laboratoire français de recherche en économie et finance internationale (LAREFI), Younes Chebihi nous livre ses réflexions sur le maintien du Maroc en liste grise.

- Qu’est-ce qui justifie le maintien du Maroc dans la liste grise de l’UE ?
- Le Royaume figure toujours dans la liste grise des juridictions non coopératives à des fins fiscales de l’UE. Il s’agit d’un instrument qui lui permet, officiellement, de lutter contre l’évasion fiscale. En revanche, dans les faits, l’objectif est d’atténuer les externalités liées aux divergences fiscales, qui engendrent, par un manque de compétitivité, des flux négatifs des capitaux européens. Ainsi, cette liste permet à l’UE de faire pression sur les pays refusant de coopérer sur le plan fiscal au risque de voir geler les fonds européens qu’ils auraient pu recevoir.

- Pensez-vous que le Maroc a pris les mesures nécessaires pour sortir de cette liste ?
- Le Maroc, qui fait partie de cette liste depuis sa création en 2017, a entamé une série de réformes pour pallier cette situation, à l’instar des mesures de la LF de 2020 qui proposaient une remise à plat des régimes fiscaux incitatifs à l’export et au déploiement de Casa Finance City (CFC). L’adoption du décret-loi portant la réorganisation de CFC présageait une sortie de la liste grise dès cette semaine, puisqu’une refonte du régime fiscal de l’organisation demeurait l’ultime condition pour une sortie définitive. Ce contretemps pourrait être expliqué par la nécessité de ratification du texte par le parlement qui ne siège qu’après le lancement de la session automnale. Ou tout simplement à cause d’une surcharge de travail au sein des commissions du Conseil européen en raison de la crise sanitaire actuelle liée à la Covid-19, et qui aurait repoussé le verdict concernant le Maroc au début de l’année prochaine.

- Selon vous, la décision de Bruxelles est-elle justifiée ?
- Les relations économiques euro-marocaines n’ont pas besoin de telles pratiques, qui constituent une intrusion injustifiée dans la souveraineté économique des États. En effet, le Maroc, allié stratégique de l’Union Européenne, peut constituer un maillon fort dans les nouvelles chaînes de valeurs mondiales de l’ère post-Covid où chacun sortirait gagnant.








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