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Villages sinistrés : Une journée avec les rescapés dans les camps d’hébergement


Rédigé par Anass MACHLOUKH Jeudi 14 Septembre 2023

Après l’horreur du séisme, les rescapés se réfugient dans les camps d’hébergement installés dans les villages sinistrés dans des conditions difficiles. Reportage depuis Ouirgane et Asni, deux villages dans la région d’Al-Haouz.



À quelques encablures de Moulay Brahim, en traversant une route mieux praticable que celle qui mène vers Ijoukak, on arrive au village de Ouirgane, dont les paysages pittoresques ont été gâchés par les ravages du tremblement qui a transformé cette petite commune en champs de ruines où plusieurs parties sont dévastées. Maisons écroulées, bâtisses fissurées… les scènes ressemblent à celles qu’on peut observer dans d’autres villages sinistrés. Un village où les rescapés qui ont eu la chance d’échapper au tremblement meurtrier vivent dans des conditions difficiles.
 
Choc post-traumatique

Après leur sauvetage, des familles entières vivent désormais agglutinées sous des tentes étroites qui ne sont pas suffisantes pour accueillir tout le monde. Certains rescapés qui ont dû poser les affaires qu’ils ont pu sauver par terre, attendent leur tour pour trouver refuge. “J’habite près d’ici. Ma maison s’est effondrée. Il n'en reste plus grand-chose. Je suis venu chercher un abri ici, mais, malheureusement, je n’ai pas encore trouvé de place dans ce campement pour me réfugier”, confie Fatima, mère de deux enfants, en montrant du doigt ses affaires à même le sol. Son seul espoir : trouver une tente pour se mettre à l’abri de la chaleur et du vent. “J’attends désespérément mon tour”, lâche-t-elle, la mine chagrinée. Ce petit campement a été installé grâce aux bénévoles, dont un réalisateur originaire de ce village qui a fait don de ses tentes et son matériel aux rescapés. “C’est un bienfaiteur, que Dieu le gratifie de sa bénédiction, qui nous a donné les tentes à titre provisoire le temps que les camions des autorités arrivent”, nous expliquent les habitants.

Bien que plusieurs tentes soient installées, elles ne suffisent pas pour accueillir tout le monde. Les hommes sont parfois obligés de passer la nuit dehors pour céder leur place à leurs femmes et leur progéniture, comme l’explique Mohammed qui, le cœur serré et l’air hagard, s’est confié à notre micro. “Nous manquons encore de tentes”, insiste-t-il. D’autres témoins à ses côtés prennent part à la conversation et revendiquent tous des toilettes dont ils sont dépourvus dans le campement.

Ces conditions difficiles suscitent parfois le désarroi de quelques-uns, dont certains se livrent à la colère. « Ici, les autorités, c’est nous », lâche Larbi, avec une irritation manifeste. Ce jeune homme de 26 ans est en colère contre le président de la Commune qui, selon lui, reste invisible. Lui, qui s’est retrouvé avec sa famille sans abri, s’évertue, à l’aide de ses amis, à installer lui-même des tentes au moment où des camions des autorités locales commencent à affluer petit à petit pour combler le manque.
 
La crainte de la pluie

Même s’ils peuvent se cacher sous des tentes, les villageois craignent dans les conditions présentes la pluie qui ne manquera pas de venir. Un scénario redouté aussi par les sapeurs-pompiers qui nous disent clairement que c'est la pire chose qui puisse survenir maintenant. Pour ces villageois endeuillés, trouver un abri sûr est une priorité bien plus urgente que l’aide alimentaire qui vient heureusement en abondance grâce aux bénévoles qui arrivent régulièrement. Si les volontaires s’évertuent à apporter les vivres aux populations locales, d’autres se montrent plus créatifs. C’est le cas de Philippe, un Français qui habite à Marrakech depuis quinze ans. Lui et son ami ont installé un trampoline au centre d’un autre campement à proximité d'Ouirgane, au grand bonheur des enfants qui s’amusent à s’y jeter avec jubilation. “Je connais bien la région puisque j'avais l’habitude d’y venir souvent. J’ai le plaisir d’accorder mon temps et mon énergie à nos frères et sœurs ici”, affirme ce bénévole qui compte ensuite aller à Ouarzazate pour apporter de l’aide alimentaire aux familles impactées.
 
Les gilets jaunes de l’OCP

Aux côtés des bénévoles, les équipes de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) sont déployées et sillonnent les zones sinistrées pour assister les autorités locales dans plusieurs villages, dont Ouirgane. “Nous avons des équipes spécialisées dans tous les domaines, l’aide alimentaire, la logistique, les secours, le transport des blessés…etc.”, nous explique un responsable de l’OCP, habillé en gilet jaune à l’instar de ses camarades. Équipées en ambulances et pourvues de grandes quantités de médicaments et de produits alimentaires, ces équipes prêtent secours également aux familles dans les campements en leur donnant un coup de main pour l’installation des tentes.

Par ailleurs, malgré les conditions difficiles des habitants des campements que nous avons visités, ils ont droit à un suivi médical régulier.

À Ouirgane, une unité médicale mobile a été mise en place pour prendre en charge les habitants locaux. “On essaie d'accueillir le maximum possible de patients par jour. Une mission, certes, difficile, mais nous nous y adonnons à corps perdu”, explique un médecin sur place qui souligne qu’une grande partie de patients qui se rendent à cette unité souffrent de fractures et de plaies. Le reste des cas concerne des crises de diabète ou d'hypertension. Le stock de médicaments est suffisant grâce à l’approvisionnement régulier.
 
Hôpital de campagne : les FAR à la rescousse

À quinze kilomètres de Ouirgane, sur la route qui mène vers Moulay Brahim, les Forces Armées Royales ont installé un hôpital militaire de campagne. Un hôpital qui est opérationnel depuis lundi et qui a été mis en place dans un temps record, comme l’explique le Colonel Youssef Qamouss (voir déclaration ci-dessous). Dès les premières heures de son entrée en service, cet hôpital, qui se trouve au-dessus du siège de l’autorité locale, visiblement impacté par le séisme, fait face à un flux croissant de patients. Grâce à un équipement de qualité et aux ressources humaines visiblement assez suffisantes, la prise en charge se déroule dans de bonnes conditions.

À côté de l’hôpital, des dizaines de familles sont regroupées à l’intérieur d’une vingtaine de tentes installées par les autorités locales.  Là, règne une sorte de communion entre les bénéficiaires, bien que leur quotidien soit difficile. On échange des repas, on prépare collectivement le déjeuner, les enfants s’amusent ensemble. Toutefois, l’épreuve est tellement difficile qu’on peut apercevoir l’ampleur de la détresse sur les visages. Sous les tentes, les gens espèrent pouvoir retrouver une vie normale le plus rapidement possible au moment où les préparatifs pour la reconstruction et le relogement des populations sinistrées ont d’ores et déjà commencé. 

Trois questions au Colonel Youssef Qamouss

Colonel Youssef Qamouss, Médecin et Chef de l’Hôpital de campagne des Forces Armées Royales, a donné une déclaration à « L’Opinion » avec une description détaillée du fonctionnement de l’hôpital.
Colonel Youssef Qamouss, Médecin et Chef de l’Hôpital de campagne des Forces Armées Royales, a donné une déclaration à « L’Opinion » avec une description détaillée du fonctionnement de l’hôpital.
Comment fonctionne la prise en charge des patients ?
 
L'hôpital a été déployé en un temps record, dans un délai qui ne dépasse pas quarante-huit heures. Il a commencé à offrir ses soins à partir de la matinée du lundi. Il y a différents types de soins qui sont dispensés, dont des prestations médicales et chirurgicales. L’hôpital dispose de plusieurs spécialités médicales, dont la pédiatrie, la médecine interne, la médecine générale. Il y a également des spécialités chirurgicales comme l'orthopédie, la chirurgie maxillo-faciale, la neurochirurgie, l’ORL et l’ophtalmologie. 
 
Quels sont les cas les plus fréquents ?
 
Nous avons reçu, jusqu’à présent, 600 patients. En général, nous avons reçu des patients qui présentent plusieurs fractures. Des fractures à différents niveaux. Il y a des cas avec des fractures dans les membres, d’autres avec des fractures au niveau de la face. Nous avons aussi pris en charge des cas de blessures profondes.
 
Rencontrez-vous souvent des cas d’extrême urgence qui nécessitent une intervention rapide ?
 
Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas eu beaucoup de cas extrêmement graves. Les cas graves se comptent aux bouts des doigts. Concernant les cas qui nécessitent une intervention rapide, ils sont, dès leur arrivée, transférés dans le bloc opératoire qui est bien équipé. En parallèle, nous avons un laboratoire d’analyses médicales et une unité d’imagerie-radiologie standard ainsi qu’une pharmacie. 
 
Propos recueillis par A. M.










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