Depuis le mouvement du 20 février 2011, le Maroc n’avait pas connu pareille effervescence. Les jeunes, tous nés sous le règne de Mohammed VI, réclament que le système s’arrête, se réinvente, reparte sur d’autres bases. Dans leur regard, le gouvernement et le Parlement ne sont plus que les symboles d’un immobilisme usé : trop de promesses, trop peu de résultats. Éducation en ruine, hôpitaux exsangues, corruption endémique, conflits d’intérêts érigés en méthode de gestion. La rue réclamait une tête : celle du chef du gouvernement.
La question brûlait toutes les lèvres : le Roi allait-il dissoudre le gouvernement ? Allait-il, d’un mot, d’un décret royal, remettre les compteurs à zéro ? Non. Le Roi n’a pas cédé. Parce qu’un Roi, ça s’empêche.
Face à la colère de la rue, Mohammed VI a opté pour la retenue. Ni provocation ni concession, mais une stratégie de patience : écouter, temporiser, maintenir le fragile équilibre entre légitimité historique et légitimité populaire. Gouverner sans gouverner, parler sans trop en dire, agir sans fracas : c’est là tout l’art d’un Roi qui mesure chacun de ses gestes. Car il sait qu’une dissolution du Parlement, en ce moment de tension, ne profiterait peut-être pas au Maroc, mais pourrait au contraire nourrir des agendas étrangers aux intérêts nationaux.
User de son pouvoir ne serait-il pas, parfois, abuser de son pouvoir ? Le gouvernement actuel a peut-être échoué dans sa mission, mais il est né des urnes, de la voix populaire. Dissoudre le Parlement reviendrait à contredire l’esprit même de la Constitution de 2011, celle-là même qui a renforcé la responsabilité des institutions élues.
Il reste un an avant les prochaines élections. Les précipiter maintenant, à qui cela profiterait-il ? Aux mêmes partis, aux mêmes visages, aux mêmes pratiques.
Si les jeunes veulent un vrai changement, le message est entre les lignes, mais il est clair : qu’ils s’engagent, non pas contre le système, mais dans le système. Qu’ils forment un parti, qu’ils choisissent des représentants, qu’ils portent leur colère dans l’arène législative. Car la rue, aussi légitime soit-elle, n’est pas le Parlement.
Ce n’est pas dans la rue qu’on vote des budgets, qu’on réforme l’école, qu’on construit des hôpitaux ou qu’on taxe les grandes fortunes. La rue crie, le Parlement agit, ou devrait agir.
Dans l’hémicycle, le Roi parlait devant des députés et des ministres vêtus de blanc, une blancheur éclatante qui contraste avec la grisaille de leur bilan. Mais après tout, ce Parlement, c’est celui que nous avons élu. Ces élus, à qui la jeunesse reproche tant, sont le miroir d’un peuple qui s’abstient, qui délègue, qui renonce. La seule manière de les changer, c’est de prendre leur place.
Le Maroc compte aujourd’hui trente-quatre partis politiques. Pourquoi pas un trente-cinquième, celui d’une génération née connectée, instruite, impatiente, qui veut transformer le légitime en législatif ?
De la rue au Parlement, le chemin est long, mais c’est là que les slogans deviennent des lois, que les rêves deviennent des réformes. Des lois sur les conflits d’intérêts, sur la corruption, sur la justice fiscale. Et surtout, sur les priorités nationales : la santé, l’éducation, la justice sociale.
Dans son discours, le Roi n’a pas cité la jeunesse. Pourtant, entre les lignes, c’est à elle qu’il s’adressait : « Engagez-vous. Si vous voulez changer de gouvernement, faites-le par les urnes». Un message feutré, mesuré, mais d’une efficacité redoutable.
Sur Discord, certains jeunes ont salué la sagesse du discours royal. D’autres, déçus, y ont vu une fin de non-recevoir à leurs doléances légitimes. Mais la politique, elle, n’est jamais une ligne droite : c’est une affaire de patience, d’effort et de compromis.
Pour un Roi, c’est une question d’équilibre. Un Roi, parfois, ça s’empêche, c’est son rôle. Les jeunes de la génération Z, eux, ont appris à ne plus s’empêcher, et c’est leur rôle aussi.
La balle est maintenant dans votre camp les jeunes!
Mohamed Lotfi*
11 octobre 2025
* Depuis longtemps établi au Canada où il oeuvre dans le champ associatif et médiatique, Mohamed Lotfi a commencé sa carrière journalistique au sein de L'Opinion.
La question brûlait toutes les lèvres : le Roi allait-il dissoudre le gouvernement ? Allait-il, d’un mot, d’un décret royal, remettre les compteurs à zéro ? Non. Le Roi n’a pas cédé. Parce qu’un Roi, ça s’empêche.
Face à la colère de la rue, Mohammed VI a opté pour la retenue. Ni provocation ni concession, mais une stratégie de patience : écouter, temporiser, maintenir le fragile équilibre entre légitimité historique et légitimité populaire. Gouverner sans gouverner, parler sans trop en dire, agir sans fracas : c’est là tout l’art d’un Roi qui mesure chacun de ses gestes. Car il sait qu’une dissolution du Parlement, en ce moment de tension, ne profiterait peut-être pas au Maroc, mais pourrait au contraire nourrir des agendas étrangers aux intérêts nationaux.
User de son pouvoir ne serait-il pas, parfois, abuser de son pouvoir ? Le gouvernement actuel a peut-être échoué dans sa mission, mais il est né des urnes, de la voix populaire. Dissoudre le Parlement reviendrait à contredire l’esprit même de la Constitution de 2011, celle-là même qui a renforcé la responsabilité des institutions élues.
Il reste un an avant les prochaines élections. Les précipiter maintenant, à qui cela profiterait-il ? Aux mêmes partis, aux mêmes visages, aux mêmes pratiques.
Si les jeunes veulent un vrai changement, le message est entre les lignes, mais il est clair : qu’ils s’engagent, non pas contre le système, mais dans le système. Qu’ils forment un parti, qu’ils choisissent des représentants, qu’ils portent leur colère dans l’arène législative. Car la rue, aussi légitime soit-elle, n’est pas le Parlement.
Ce n’est pas dans la rue qu’on vote des budgets, qu’on réforme l’école, qu’on construit des hôpitaux ou qu’on taxe les grandes fortunes. La rue crie, le Parlement agit, ou devrait agir.
Dans l’hémicycle, le Roi parlait devant des députés et des ministres vêtus de blanc, une blancheur éclatante qui contraste avec la grisaille de leur bilan. Mais après tout, ce Parlement, c’est celui que nous avons élu. Ces élus, à qui la jeunesse reproche tant, sont le miroir d’un peuple qui s’abstient, qui délègue, qui renonce. La seule manière de les changer, c’est de prendre leur place.
Le Maroc compte aujourd’hui trente-quatre partis politiques. Pourquoi pas un trente-cinquième, celui d’une génération née connectée, instruite, impatiente, qui veut transformer le légitime en législatif ?
De la rue au Parlement, le chemin est long, mais c’est là que les slogans deviennent des lois, que les rêves deviennent des réformes. Des lois sur les conflits d’intérêts, sur la corruption, sur la justice fiscale. Et surtout, sur les priorités nationales : la santé, l’éducation, la justice sociale.
Dans son discours, le Roi n’a pas cité la jeunesse. Pourtant, entre les lignes, c’est à elle qu’il s’adressait : « Engagez-vous. Si vous voulez changer de gouvernement, faites-le par les urnes». Un message feutré, mesuré, mais d’une efficacité redoutable.
Sur Discord, certains jeunes ont salué la sagesse du discours royal. D’autres, déçus, y ont vu une fin de non-recevoir à leurs doléances légitimes. Mais la politique, elle, n’est jamais une ligne droite : c’est une affaire de patience, d’effort et de compromis.
Pour un Roi, c’est une question d’équilibre. Un Roi, parfois, ça s’empêche, c’est son rôle. Les jeunes de la génération Z, eux, ont appris à ne plus s’empêcher, et c’est leur rôle aussi.
La balle est maintenant dans votre camp les jeunes!
Mohamed Lotfi*
11 octobre 2025
* Depuis longtemps établi au Canada où il oeuvre dans le champ associatif et médiatique, Mohamed Lotfi a commencé sa carrière journalistique au sein de L'Opinion.