Après avoir testé avec succès son fameux drone Spy-X au Maroc, le constructeur israélien BlueBird Aero Systems s’apprête à y installer bientôt son unité de production après le transfert de technologie. Une équipe marocaine a été d’ores et déjà été initiée au processus de production, selon un communiqué de l’entreprise israélienne.
Le Maroc est en passe de devenir une terre de production des drones. Après avoir abrité une filiale du constructeur truc Baykar (Atlas Défense), le Maroc héberge sur son sol la technologie israélienne que les Forces Armées Royales connaissent bien. Le début de la production locale de Spy-X a un double enjeu. C’est un coup de pouce à l’industrie locale, mais surtout un vivier pour augmenter la capacité d’approvisionnement des FAR qui sont en pleine conversion vers ces armes du futur, au point qu’on parle de plus en plus de dronisation.
Le Maroc est en passe de devenir une terre de production des drones. Après avoir abrité une filiale du constructeur truc Baykar (Atlas Défense), le Maroc héberge sur son sol la technologie israélienne que les Forces Armées Royales connaissent bien. Le début de la production locale de Spy-X a un double enjeu. C’est un coup de pouce à l’industrie locale, mais surtout un vivier pour augmenter la capacité d’approvisionnement des FAR qui sont en pleine conversion vers ces armes du futur, au point qu’on parle de plus en plus de dronisation.
Dronisation tous azimuts
Dès 2020, le Maroc s’est lancé dans une quête effrénée des drones de combat et renforcé significativement son stock. Les contrats se sont enchaînés au rythme de croisière. Faute de pouvoir acquérir les drones américains MQ-9 Reaper et MQ-1 Predator à court terme, les FAR ont principalement misé sur les technologies turque, israélienne et chinoise pour répondre à leurs besoins immédiats.
Le Maroc s’est doté des joyaux de l'industrie turque TB-2 et Akinci, qui seront bientôt maintenus et conditionnés localement et, les drones chinois Wing Long. Les FAR ont ensuite renforcé leur flotte avec de nouveaux contrats, dont les Spy-x, les Hermes 900 et les Heron. On parle aussi d’un éventuel contrat d’achat des drones kamikaze Harop et Harpy en grande quantité.
Selon un décompte de Military Africa, les FAR seraient en possession de 233 drones militaires en service. Le chiffre reste approximatif mais donne une idée assez claire sur l’appétence de l’Armée Royale pour les aéronefs sans pilote qui aiguisent de nos jours une compétition mondiale.
Maintenant, il y a une volonté de passer à un niveau supérieur pour s’adapter à l’évolution rapide des technologies. On convoite les drones furtifs, Kizilelma, une sorte de chasseur sans pilote, ce que l’industrie turque a conçu de meilleur jusqu’à présent. Son potentiel prometteur lors des tests a aiguisé l’appétit de l’Etat-major à Rabat. Ce qui témoigne d’une volonté au sein des FAR de monter en gamme.
“La conversion aux drones est un choix structurel, c’est le résultat d’une prise de conscience au plus haut niveau de l’Etat-major qui remonte à la fin des années 2000 où les drones faisaient irruption dans les opérations militaires”, lâche un haut gradé récemment parti à la retraite. Selon lui, le Maroc a compris la rupture qu’allait provoquer l’irruption des drones dans le champs de bataille dès le conflit du Haut Karabakh où l’armée azérie a écrasé les Arméniens justement grâce à un usage massif des drones contre la défense anti-aérienne et les colonnes de chars et de blindés. Là, c’était le déclic, rappelle notre interlocuteur, pour qui la guerre en Ukraine a renforcé cette certitude.
L’aubaine du Sahara !
Ensuite, les FAR ont eu la chance de se familiariser avec l’usage de drones dans le combat réel au Sahara. La reprise des hostilités à basse intensité dans la zone tampon après la libération d’El-Guerguerat en 2020 a donné l’occasion aux brigades stationnées au mur de la défense d’utiliser massivement ces combattants volants pour neutraliser les incursions du Polisario.
Le succès a été au rendez-vous que ce soit au niveau du Renseignement ou des missions d’assaut. La zone tampon étant sous observation permanente, l'écrasante majorité des incursions ont été repoussées par des tirs de drones. Plusieurs leaders du front séparatiste, dont le prétendu chef de la gendarmerie, Addah Al-Bendir, en 2021 et, le chef de la soi-disant 6ème région militaire, Abba Ali Hammoudi, en 2023, ont été liquidés, pour ne citer que ces deux exemples. Le déploiement des drones fut progressif. Les FAR se sont perfectionnées initialement dans le Renseignement, avant l’entrée en scène des drones kamikaze et de combat dans la liquidation des intrus.
Bien que les FAR aient accumulé une expérience considérable dans la guerre des drones, un long chemin reste à parcourir pour s’approprier les nouvelles tactiques du combat robotisé dans un conflit de haute intensité. Défense anti-drone, combat dans un environnement saturé, intégration de l’IA, couverture du front en temps réel… les défis restent nombreux.
L’épreuve de la guerre robotisée !
Jusqu’à présent, on peine encore à prendre conscience de la révolution qui éclate sous nos yeux. On comprend mal à quel point le drone est en train de changer radicalement le cours des batailles. Le drone va chambouler la guerre du XXIème siècle comme le char et le blindé ont changé celle du 20ème.
La motorisation a précipité les armées vers la guerre de mouvement dont la Blitzkrieg est le zénith. Le drone nous ramène désormais vers la guerre de position comme on s’en aperçoit en Ukraine où la Russie, malgré la masse énorme des troupes engagées et de ses brigades de chars et de blindés, s’est enlisée dans une guerre de tranchées où elle se contente de grignoter des morceaux de terre au prix d’énormes pertes humaines.
En gros, le front russo-ukrainien offre un laboratoire de la guerre du 21ème siècle. L'irruption phénoménale des drones et leur usage massif a considérablement ralenti la guerre de mouvement telle que nous la connaissons depuis la Seconde Guerre mondiale. Les drones constituent aujourd’hui le cœur du dispositif de défense ukrainien, les Russes aussi y recourent massivement au point que le front bouge très lentement vu le taux très élevé de la létalité des incursions. “Les mouvements de troupe sont devenus très susceptibles face aux drones”, insiste le colonel Peer de Jong, consultant défense et fondateur de l'Institut Themiis.
À l’aune de ce qui ce se passe en Ukraine, les armées se préparent à changer de paradigme. L’entrée en scène de l’Intelligence artificielle et la robotisation tous azimuts des opérations poussent vers des schémas de combat de plus en plus automatisés où les drones deviennent un acteur autonome capable d’assister les troupes sur le champ de bataille sans trop d'engagement humain. Les Etats-Unis, par exemple, envisagent de basculer vers la robotisation à l’horizon 2030, l’Armée de Chine, quant à elle, met tout le paquet dans les drones de nouvelle génération. Le dernier défilé de Pékin a montré le degré de sophistication des Chinois qui simulent désormais des guerres totalement robotisées ou le soldat et le robot vont de pair.
Dans un monde en pleine transformation, les FAR ont prouvé leur capacité à appréhender l’environnement international et à garder une veille quasi-exemplaire de l’évolution des technologies. Reste maintenant à passer à la vitesse supérieure sur le plan tactique pour se préparer le plus possible aux nouvelles formes de menaces qu’elles soient symétriques ou asymétriques.
Anass MACHLOUKH
Trois questions à Peer de Jong : “On a changé de monde, on se dirige de plus en plus vers la guerre des robots”
Ancien aide de camp des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac, cofondateur de l'Institut Themiis, le Colonel Peer De Jong, répond à nos questions.
- A quel point l’usage des drones transforment la guerre en Ukraine ?
On assiste à mon avis à un double conflit en Ukraine. Il y a un volet longue distance avec des missiles et des drones lancés pour atteindre des objectifs stratégiques à des centaines de kilomètres. De l’autre côté, il y a un volet courte portée. C’est la guerre sur le terrain avec le choc frontal qui a connu une évolution majeure que personne n'imaginait possible en si peu de temps avec l’irruption massive des drones variés qui changent la nature du combat. Les drones sont si précis et causent tellement de pertes qu’ils contraignent les belligérants à changer radicalement de tactiques. L’art de la guerre a tout à fait changé. Nous ne sommes plus dans les schémas classiques. A court distance, on ne peut plus manœuvrer comme avant parce que les mouvements de troupe sont devenus très susceptibles face aux drones. La guerre des drones ralentit le rythme des batailles de mouvement. En Ukraine, la guerre des drones tourne davantage à l’avantage des Russes qui ont le luxe de la quantité sur le plan humain et industriel.
- On remarque que les drones légers sont très utilisés. Quel avantage procurent-ils sur le front ?
Les drones, notamment les modèles légers, sont très avantageux sur le terrain. Leurs bienfaits sont nombreux. Les militaires s’y attachent beaucoup parce qu’ils sont désormais fondamentaux sur le plan tactique même si les grands industriels peinent à se convertir totalement parce qu’ils ne sont pas très rentables pour eux, ils préfèrent rester dans les grands modèles hyper sophistiqués. Ils sont peu chers, légers et faciles à produire en chaîne et à déployer en masse sur le front. La saturation permet de ralentir l’ennemi.
- Comment imaginez-vous l’évolution des drones dans les années à venir ?
Les militaires répartissent les drones en deux catégories. D’un côté, tout type d'appareils, ô combien nombreux et variés, qui sont déployables sur le terrain que ce soit pour l'assaut ou le Renseignement et l’observation. Là, il y a une avalanche de modèles. De l’autre, il y a les drones d’attaques embarqués dans un avion porteur pour des missions de pénétration stratégique pour des cibles à longue distance. On parle d’un avion avec plusieurs drones furtifs à bord capables de pénétrer dans un environnement hostile pour fournir des informations au pilote afin qu’il puisse les lancer depuis son cockpit. C’est une révolution qui permet de préserver les pilotes et les mettre davantage à l’abri du danger. On se dirige vers des modèles où le drone va assister le pilote. Dassault travaille sur le Rafale F5. Bref ! On a changé de monde.
Propos recueillis par
Anass MACHLOUKH
Anass MACHLOUKH
Ukraine : Des batailles dignes de Mad-Max !
A l’est de l’Ukraine, le front est devenu tellement transparent que les Russes attaquent par petits bataillons à bord de motos qui supplantent les chars d’assaut pour échapper aux drones. On assiste à ce nouveau type d’assaut dans la bataille de Pokrovsk qui fait rage actuellement. Fini donc l’époque des longues colonnes qui foncent frontalement avec appui aérien. Des scènes dignes du film Mad-Max nous sont parvenues du front. Des vidéos montrent des soldats en motos, munis de brouilleurs électroniques et avançant rapidement dans un climat nébuleux qui ressemble au paysage post-apocalyptique du fameux film américain.
Ces charges à moto sont devenues depuis des mois une tactique de prédilection de l’armée russe. A défaut de capacité de manœuvrer à grande échelle, les Russes ont pu conquérir des positions grâce à cette technique qui permet d’échapper aux drones ukrainiens et attaquer sans risquer de s’exposer trop dangereusement.
Une solution pour éviter les attaques coûteuses en vies humaines. Cela fait longtemps que l’armée de Moscou s’entraîne sur ce genre de tactiques pour contourner la défense ukrainienne. Jusque-là, ce choix s’est avéré gagnant. Les Russes sont sur le point de prendre Pokrovsk, un nœud logistique majeur après avoir avancé en profondeur, même si les conquêtes demeurent minimes par rapport aux objectifs initiaux.
En fait, l’usage massif des drones jusqu’à saturation rend le front transparent au point que tout mouvement de troupe de grande envergure sous une pluie de “mouches bourdonnantes” télécommandées devient une mission suicidaire. Les experts estiment que les attaques de drones sont responsables de 70% des pertes des deux côtés.
Ces charges à moto sont devenues depuis des mois une tactique de prédilection de l’armée russe. A défaut de capacité de manœuvrer à grande échelle, les Russes ont pu conquérir des positions grâce à cette technique qui permet d’échapper aux drones ukrainiens et attaquer sans risquer de s’exposer trop dangereusement.
Une solution pour éviter les attaques coûteuses en vies humaines. Cela fait longtemps que l’armée de Moscou s’entraîne sur ce genre de tactiques pour contourner la défense ukrainienne. Jusque-là, ce choix s’est avéré gagnant. Les Russes sont sur le point de prendre Pokrovsk, un nœud logistique majeur après avoir avancé en profondeur, même si les conquêtes demeurent minimes par rapport aux objectifs initiaux.
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