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Santé : Le Maroc ouvre ses portes aux compétences étrangères


Rédigé par Nabil LAAROUSI Jeudi 22 Avril 2021

Pour faire face à l’énorme déficit du secteur de la santé en ressources humaines, à l’aube de la généralisation de la couverture médicale, le Royaume a décidé d’ouvrir ses portes aux compétences médicales étrangères.



Depuis l’annonce de l’ouverture du Maroc aux compétences étrangères par le ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, Mohamed Benchaâboun, lors de la cérémonie de lancement de la mise en œuvre du projet de généralisation de la protection sociale, présidée par SM le Roi, a suscité plusieurs interrogations au sein de différentes tranches sociales, dont la communauté médicale du Royaume.

Est-ce vraiment nécessaire de s’ouvrir au personnel médical étranger ? Notre système de santé peut-il attirer des compétences médicales de qualité ? Quel sera leur apport, notamment en termes de transfert de connaissances et de technologie ? Qu’en est-il des compétences nationales, exerçant au Maroc ou ailleurs ? Et la liste des interrogations n’est pas exhaustive.

Car, bien que la généralisation de la couverture médicale soit « un projet énorme et extraordinaire, une fois réussi, qui fera du Maroc l’un des pays les plus respectés au monde », nous affirme Allal Amraoui, chirugien et député istiqlalien, il n’échape à personne que ce projet porte en lui nombre de défis que le prochain gouvernement devra relever. 

Un constat d’ailleurs attesté par Benchaâboun, qui a déclaré lors de la cérémonie que la mise en œuvre de ce projet sociétal d’envergure « nécessite de relever un ensemble de défis qui concernent en particulier le faible taux d’encadrement médical, l’important déficit en ressources humaines et leur répartition géographique inégale ».

Le personnel médical au Maroc en chiffres

Le Maroc affiche, en effet, un manque substanciel en termes de ressources humaines dans le secteur de la santé. Un manque estimé à plus de 32.000 médecins et près de 65.000 infirmiers et techniciens.

En détail, le Royaume ne compte aujourd’hui que quelque 27.266 médecins, soit 7 médecins pour 10.000 habitants, loin du standard de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fixé à plus de 15 médecins pour 10.000 habitants, sans compter que plus de la moitié (53%) exercent dans le secteur privé.

Autre point noir, les compétences marocaines formées au Maroc quittent à grand flux le Royaume pour des destinations qui présentent des conditions de travail plus attrayantes. Nottons que plus « 800 médecins quittent le Maroc chaque année sur un peu plus de 2.000 diplômés, donc pratiquement le tiers », précise Amraoui. 

Rien qu’en France, nous comptons 8.000 médecins nés au Maroc et pour la plupart formés au Maroc. L’Allemagne, pour sa part, accueille en grand nombre les compétences médicales marocaines depuis quelques années. « Une hémorragie grave qu’il faut absolument arrêter », insiste Allal Amraoui, « en améliorant les conditions du personnel médical au Maroc ».

Pour ce qui est de l’inégalité de la répartition géographique, il convient de noter que plus de 56% des médecins exerçant dans le privé et 39% de l’effectif des médecins du secteur public opèrent dans les régions de Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra.

L’ouverture devient une nécessité, « surtout pour combler les régions lointaines »

Face à cet énorme déficit en ressources humaines, Benchaâboun a annoncé une série de mesures, qui s’articulent non seulement autour de l’ouverture de la pratique de la médecine aux compétences étrangères, mais qui visent aussi à encourager des établissements internationaux de santé à travailler et à investir au Maroc et à capitaliser sur des expériences réussies, et ce, afin de renforcer les capacités médicales nationales et de lutter contre le déficit en matière de cadres sanitaires, nécessaires au succès de cette réforme, justifie le ministre.

Interrogé par « L’Opinion » quant à l’avis des médecins marocains vis-à-vis de cette nouvelle résolution, Mohammadin Boubekri, Président de l’Ordre des médecins, affirme que « c’est une très bonne initiative que d’ouvrir la porte à des compétences étrangères », poursuivant qu’il serait surtout intéressant d’accueillir des médecins qui « peuvent exercer dans les régions reculées et combler le grand manque de compétences médicales qu’accusent des régions ».

Une deuxième catégorie est attendue, ajoute Boubekri, à savoir des compétences de haut niveau, qui « exerceront probablement dans les grandes villes, trouveront des rémunérations intéressantes dans le secteur privé  et contribueront grandement au transfert de connaissances et de technologies».

Une seule réserve a toutefois été exprimée par le Président de l’Ordre des médecins, à savoir celle de la réciprocité. « Si les compétences étrangères sont autorisées à exercer au Maroc, les médecins marocains devront être capables d’exercer dans les pays concernés ».

L’exception sénégalaise

La législation marocaine, notamment la loi 131.13, comporte deux articles au sujet de l’exercice médical des compétences étrangères au Maroc. Ces articles stipulent qu’un médecin étranger a le droit d’exercer au Maroc un mois par an. 

Cependant, cette loi accepte une exception. Les médecins sénégalais échappent à cette loi grâce à une convention d’établissement signée entre les deux pays le 27 mars 1964 et ratifiée le 11 décembre 1965.

L’Article Premier de cette convetion stipule qu « sans préjudice des conventions intervenues ou à intervenir entre les deux parties contractantes, les nationaux de chacune des parties pourront accéder aux emplois publics dans l'autre Etat dans les conditions déterminées par la législation de cet Etat ».

Aussi, la convention permet à « tout national de l'une des parties contractantes de bénéficier sur le territoire de l'autre partie du traitement des nationaux de cette partie pour tout ce qui concerne l'accès et l'exercice des professions libérales ».

Les ressortissants sénégalais n’ont donc pas besoin de demander une autorisation de travail. Ils peuvent directement solliciter une carte d’immatriculation portant la mention « Travail » à l’appui d’un contrat de travail, dans les trois mois suivant leur entrée sur le territoire marocain.

​3 questions à Allal Amraoui

« Il faut comprendre qu’on ne peut pas imaginer une couverture médicale généralisée sans une refonte globale de notre système de santé »

Allal Amraoui, chirurgien et député du Parti de l’Istiqlal à la Chambre des Représentants, nous explique les raisons de l’ouverture du Maroc aux compétences médicales étrangères.

L’ouverture du Royaume au personnel médical étranger est-elle nécessaire ?

En ce qui concerne les ressources humaines, tout le monde le sait, nous avons un déficit énorme. Pour vous mettre dans l’image, si nous voulons atteindre la norme établie par l’OMS, nous devons tripler le nombre du personnel médical actuel, chose qui est aujourd’hui irréalisable, d’où la possible ouverture du Royaume aux compétences étrangères. 

D’autre part, notre système de santé souffre d’une fuite continue de compétences formées au Maroc vers l’étranger, sans compter que dans quelques années, le nombre de médecins que nous produisons ne pourra même pas couvrir celui des médecins qui vont sortir à la retraite (36% des médecins du secteur public ont plus de 51 ans).

Comment attirer des compétences étrangères alors que les compétences nationales favorisent l’exercice à l’étranger ?

Il faut comprendre qu’on ne peut pas imaginer une couverture médicale généralisée sans une refonte globale de notre système de santé, et j’insiste sur ce point. D’ailleurs, cette refonte profonde du système de santé a été toujours le vœu de SM le Roi. Par ailleurs, quand on parle de refonte, il faut prendre en considération la gouvernance, l’infrastructure, l’offre de soin et aussi  la gestion des ressources humaines … pour rendre ce système plus attractif.

En outre, il est impératif d’attirer des ressources humaines bien formées et bien qualifiées. Sachant qu’aujourd’hui la pénurie en personnel médical existe partout et que le monde entier est à la recherche de ce genre de profil, il faut avoir un système de santé alléchant et attrayant, à même d’attirer non seulement les compétences étrangères mais également et surtout capable de convaincre les nationaux d’ici ou d’ailleurs d’intégrer notre système de santé.

Comment réussir ce défi ?

D’abord, la refonte de notre système de santé devra impérativement améliorer les conditions de travail du personnel médical. Ensuite, nous devons absolument revoir notre système de formation médicale et l’adapter à nos besoins réels. 
Par ailleurs, la clé de la réussite est la bonne gestion des ressources humaines pour répondre aux besoins en santé de la population et avoir une répartition plus équitable au niveau du territoire national. Il est urgent aussi de développer deux chantiers qui contribueront à mieux rentabiliser nos ressources, à savoir la mise en place d'un système d'information intégré dans le secteur de la santé et l'utilisation de la télémédecine, où nous témoignons d'un grand retard.
 








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