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Sahara - Négociations : Un jeu à somme nulle ou positive ? [INTÉGRAL]


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 18 Novembre 2025

Alors que l’Algérie tente d’éluder à tout prix le dialogue sur le Sahara, le Maroc reste droit dans ses bottes tout en gardant la main tendue. La diplomatie marocaine forge sa doctrine à la veille des négociations. Explications.



Depuis l’adoption de la Résolution 2797, l’Envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies, Staffan de Mistura, s’efforce de déblayer le chemin vers la table de négociations. Ramener les parties au conflit à se réunir n’est pas une tâche facile pour l’émissaire qui se heurte à l’obstination du Polisario et l’Algérie, toujours incapables d’avaler le verdict du Conseil de Sécurité. Que ce soit à Alger ou à Tindouf, on s’obstine à faire fi de la réalité pour éluder les négociations sur la base de la formule prescrite par l’ONU.
 
Tous les moyens sont bons pour rester dans le déni de réalité comme le montre la lettre envoyée, le 14 novembre, par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, à Brahim Ghali, où il a répété les vieilles lunes du discours algérien sur l’autodétermination. Bref ! Alger répugne à négocier selon les termes fixés par le Conseil de Sécurité qui érige le plan d'autonomie en référence de toute solution envisageable.
 

La fuite en avant de l’Algérie arrive à son terme !
 
Raison pour laquelle la diplomatie algérienne tente tant bien que mal de faire croire que l'autonomie n’est pas l’unique option négociable. Les Algériens ressassent ce narratif depuis leur fiasco au Conseil de Sécurité où ils n’avaient même pas eu le culot de s'opposer au texte proposé par les Etats-Unis, après avoir été désavoués par leur allié russe. Alger a dû déserter le vote par impuissance après avoir manigancé dans les coulisses pour faire changer son cours. Tout ça a fait pschitt. Alger a pris la mesure de sa taille et de son poids dans le concert des nations.
 
Alors que l’heure décisive approche, Alger use de tous les subterfuges pour ne pas négocier sur la base de l’autonomie qui, rappelons-le, est l’unique cadre de discussion. Certes, la Résolution encourage les parties à faire des suggestions, mais dans la limite de l'initiative marocaine.
 
L’Algérie se prévale de cela pour déterrer l’autodétermination passée sous trappe il y a belle lurette. L'objectif est de créer la confusion. Ce dont se chargent les thuriféraires du régime qui passent leur temps à ressasser le narratif algérien sur les chaînes d’information continue.
 

Les lignes rouges
 
Au milieu de ces élucubrations, le Maroc reste droit dans ses bottes. L’ambassadeur du Maroc aux Nations Unies, Omar Hilale, a placé l’église au centre du village. Dans une interview accordée à BBC News, il a rétabli certaines vérités, au moment où on s’efforce de donner au texte des interprétations biaisées.
 
“L’autonomie sous souveraineté marocaine est désormais la norme des Nations Unies après avoir été adoptée par le Conseil de Sécurité, ce n’est plus seulement une proposition marocaine”, a–t-il martelé, rappelant que le Royaume s’est engagé, avec bienveillance, dans la voie du dialogue sur une telle proposition audacieuse.
 
Selon le diplomate, le plan d’autonomie est un geste de bonne volonté à l'égard de son voisin de l’Est. Ce dont témoigne la main sans cesse tendue au président algérien par SM le Roi. La première réaction du Souverain après l’adoption de la Résolution 2797 a été de rassurer les Algériens avec lesquels le Royaume veut relancer le rêve maghrébin.
 
En fait, un fossé abyssal sépare les états d’esprit. D’un côté, le Royaume qui appelle à une solution sans vainqueur ni vaincu bien qu’il soit en position de force et, de l’autre, un régime qui veut à tout prix faire perdurer le conflit pour rester au pouvoir. Une mauvaise foi devenue sa marque de fabrique.
 
Le Maroc veille à ce que l’Algérie garde la face même si, en réalité, elle a perdu une bataille où elle s’est investie corps et âme depuis 50 ans. A l’antenne de la BBC, Omar Hilale a résumé lucidement cet état d’esprit. “Si nous voulions imposer le plan d’autonomie par la force, nous l'aurions appliqué sur le terrain sans consulter personne (…) Nous avons proposé l’autonomie parce que nous cherchons le bon voisinage avec l’Algérie pour clore ce conflit qui a paralysé l’intégration maghrébine pendant un demi-siècle et pour que les populations de Tindouf reviennent à leurs familles et leur pays”, a-t-il résumé.
 

Bienveillance maximale avant l’heure décisive
 
Cette attitude montre à quel point le Maroc regarde par-delà les calculs étroits. “Rabat a choisi la diplomatie plutôt que la force, non par faiblesse, mais par lucidité”, explique Yasmina Asrarguis, Chercheure associée à l’Université Princeton, à cet égard.
 
Désormais, la grammaire et le lexique du conflit changent après la Résolution du Conseil de Sécurité. Le verdict onusien est un véto opposé au projet séparatiste. Le Conseil de Sécurité se rend à l’évidence en proclamant l’autonomie, une solution plébiscitée par la communauté internationale. C’est également une victoire pour les Nations Unies qui, en tranchant ce conflit, ont gagné en crédibilité après avoir longtemps été taxées d’immobilisme.
 
Maintenant, la balle est chez le Polisario et son parrain algérien. Omar Hilale a été catégorique. Au moment où le front renoue avec ses menaces belliqueuses, toute escalade militaire sera vigoureusement réprimée dans le cadre de la légitime défense, a-t-il mis en garde sur la BBC. Peu importe en réalité ce que dit le Polisario, le Maroc n’en privilégie pas moins le dialogue, sachant que l'Algérie reste le principal interlocuteur du moment que le front séparatiste lui doit sa survie.
 
En somme, l’Algérie a beau éluder le débat et se cacher derrière les montages rhétoriques, les négociations restent inéluctables puisque le régime n’a plus de cartes à jouer après avoir perdu son procès à l’ONU. L’Administration américaine, véritable garant du processus politique, fixe le cap. Le Conseiller de Donald Trump pour l’Afrique et le Moyen-Orient, Massad Boulos, n’a eu de cesse de rappeler que l’autonomie sous souveraineté marocaine est l’unique fondement d’une solution durable.
 
“Le Maroc reste ouvert à négocier sauf sur sa souveraineté qui n’est plus sujet à discussion”, insiste Mohammed Badine El Yattioui, géopolitologue et spécialiste du conflit. Seule l'autonomie sera sur la table. Ce que redoute Alger qui voit les négociations comme un jeu à somme nulle.
 
De son côté, Staffan de Mistura fait la course contre la montre pour lancer les négociations, sachant que le Conseil de Sécurité exige un accord définitif avant l'échéance du mandat de la MINURSO. L’émissaire onusien est sous pression puisqu’il faut rendre compte de l’évolution du processus en six mois. On ignore encore le schéma du débat, on parle d'une discussion quadripartite, à l’instar des tables rondes qui avaient eu lieu à Genève en 2018 et 2019. Cette fois-ci, on devrait changer d’endroit. Les Etats-Unis proposent d’héberger les négociations.
 
 

Trois questions à Aymeric Chauprade : “L’Histoire regorge de mouvements violents ou terroristes qui se sont transformés en organes de négociation”

Aymeric Chauprade, géopolitologue et ancien eurodéputé, a répondu à nos questions.
Aymeric Chauprade, géopolitologue et ancien eurodéputé, a répondu à nos questions.
  • Quel sera le sort du Polisario ? On se rappelle de celui du PKK turc qui a fini par déposer les armes et revenir à la raison après des années de combat séparatiste. Ce scénario est-il possible à court terme ?
 
 
 
Il est difficile de dire ce que le Polisario va devenir. Il peut choisir une voie réaliste consistant à abandonner directement son objectif illusoire de construction d’un petit Etat faussement souverain car dans les mains d’Alger, au profit d’une sorte d’organe de négociation des intérêts des populations sahraouies des camps qui ne sont pas encore intégrées dans la province autonome du Sahara marocain. Mais je pense que son sort sera décidé à Alger. Soit Alger va continuer à l’utiliser comme un outil de «perturbation» géopolitique, soit il va le «débrancher» purement et simplement au profit d’un «deal» avec Rabat permettant à l’Algérie d’obtenir, par exemple, des facilités d’accès sur l’océan Atlantique. Vous parlez du PKK, ce qui est vrai c’est que les exemples abondent dans l’Histoire mondiale de mouvements politiques d’abord adeptes de la violence et du terrorisme et qui se sont transformés en organes de négociation.
 
  • Le Maroc a tendu la main à l'Algérie. La Résolution peut-elle ouvrir la voie à la réconciliation maroco-algérienne sous patronage américain ?
 
J’ai écouté avec attention le discours de Sa Majesté Mohammed VI. J’ai trouvé que c’était un très beau discours, sans aucun triomphalisme ni aucune arrogance. Beaucoup de hauteur et de simplicité. Le Roi tend la main à l’Algérie, et il s’adresse au président Tebboune comme à un frère. C’est élégant et intelligent, car si l’on veut être constructif, il faut aider l’adversaire à ne pas perdre la face, plutôt que le piétiner dans son échec. L’Algérie a perdu le combat politique. Le Maroc lui tend la main. Ce serait intelligent de la part des Algériens de négocier un accord gagnant-gagnant pour les deux pays et de tourner la page du conflit du Sahara. Mais «est-ce possible» compte-tenu de la nature même du régime algérien, de la psychologie et de l’idéologie de ses dirigeants et de la fragilité interne aussi du régime algérien ?
 
 
  • Que signifie, selon vous, le plan d’autonomie comme base de négociation ?
 
 
Cela veut dire que la souveraineté marocaine sur le Sahara n’est pas un objet de discussion ; c’est un préalable qui doit être accepté par tous avant de commencer à discuter de la forme que peut prendre l’autonomie des populations sahraouies dans le cadre de la marocanité.
 

Résolution 2797 : Ce que dit le Conseil de Sécurité

Contrairement aux textes précédents des Nations Unies qui employaient un langage alambiqué, la Résolution 2797 marque une rupture profonde. L’autonomie est érigée en référence. Désormais, c’est la base de négociation.
 
Le texte prend note du soutien exprimé par de nombreux États-Membres en faveur du plan d’autonomie proposé par le Maroc et présenté le 11 avril 2007 au Secrétaire Général comme la base d’un règlement juste, durable et mutuellement acceptable du différend. Le Conseil de Sécurité juge sans équivoque “qu’une véritable autonomie sous souveraineté marocaine pourrait être une solution des plus réalistes”, et se félicite de l’engagement pris par les membres du Conseil de favoriser les progrès.
 
Le Conseil “appuie pleinement les efforts que font le Secrétaire Général et son Envoyé personnel pour faciliter et conduire les négociations en se fondant sur le plan d’autonomie proposé par le Maroc pour parvenir à un règlement juste, durable et mutuellement acceptable du différend, conformément à la Charte des Nations Unies, et attend avec intérêt de recevoir les propositions constructives que lui feront les parties au regard du plan d’autonomie”.
 
Pour la première fois, les parties au conflit sont clairement nommées et appelées à négocier sur une base clairement définie. Selon la Résolution, il est demandé aux parties de « participer aux discussions sans conditions préalables et sur la base du plan d’autonomie proposé par le Maroc afin de parvenir à une solution politique définitive et mutuellement acceptable ». Le Conseil « considère qu’une autonomie véritable pourrait représenter une solution des plus réalistes et encourage les parties à faire part de leurs idées à l’appui d’une solution définitive mutuellement acceptable ».
 
 








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