Tel un phare dans la tempête du temps, il offre aux visiteurs comme aux habitués un havre de paix chargé d'Histoire et d'histoires.
Situé à l'angle de l'avenue Mohammed V et de la rue Imam Malik, dans le quartier Guéliz, le Café de la Poste se dresse fièrement depuis près d'un siècle. Son architecture Art déco, ses boiseries patinées et ses ventilateurs d'époque racontent à eux seuls une histoire riche en rebondissements, intimement liée à celle du Maroc moderne.
L'établissement voit le jour en 1925, à une époque où Marrakech, sous protectorat français, connaît un développement urbain sans précédent. Le maréchal Lyautey, Résident général, impulse la création d'une ville nouvelle, Guéliz, destinée à accueillir les Européens. C'est dans ce contexte que naît le Café de la Poste, initialement conçu comme un bureau de poste doté d'un café-restaurant.
Rapidement, le lieu devient un carrefour incontournable pour les résidents européens, les militaires en garnison et les voyageurs de passage. On y échange les dernières nouvelles, on y lit la presse fraîchement arrivée de métropole, on y devise des affaires du monde. Les murs du café sont les témoins silencieux de tractations commerciales, de romances naissantes et de complots politiques murmurés à mi-voix.
Au fil des décennies, le Café de la Poste voit défiler une clientèle hétéroclite et prestigieuse. Winston Churchill, de passage à Marrakech, y aurait savouré un café noir en contemplant la silhouette majestueuse de l'Atlas. Le général de Gaulle, lors d'une visite officielle, s'y serait attablé pour une partie d'échecs. Des écrivains célèbres comme Saint-Exupéry ou Kessel y auraient puisé l'inspiration pour leurs récits exotiques.
L'indépendance du Maroc en 1956 marque un tournant dans l'histoire du café. Loin de sombrer dans l'oubli, l'établissement s'adapte et devient un lieu de rencontre entre l'élite marocaine et les étrangers restés au pays. Son charme d'antan et son atmosphère intemporelle séduisent une nouvelle génération d'artistes et d'intellectuels.
Dans les années 1990, alors que Marrakech connaît un renouveau touristique, le Café de la Poste fait l'objet d'une restauration méticuleuse. Les propriétaires, soucieux de préserver l'âme du lieu, font appel à des artisans locaux pour redonner vie aux mosaïques, aux stucs et aux boiseries d'origine. Le résultat est saisissant : le café retrouve son lustre d'antan tout en s'adaptant aux exigences du confort moderne.
Aujourd'hui, en ce début de haute saison touristique, le Café de la Poste continue d'exercer son pouvoir d'attraction. Les touristes s'y pressent, appareil photo en bandoulière, pour s'imprégner de l'atmosphère d'un Maroc révolu. Les habitués, eux, s'y retrouvent pour savourer un thé à la menthe à l'ombre des arcades, perpétuant une tradition presque centenaire.
Mais au-delà de son attrait touristique, ce café demeure un lieu vivant, ancré dans le présent. Il accueille régulièrement des expositions d'artistes contemporains, des lectures de poésie, des concerts intimistes. Son menu, tout en restant fidèle aux classiques de la cuisine française et marocaine, s'enrichit de nouvelles saveurs au gré des saisons.
Ainsi, ce spot à la fois historique et touristique incarne à merveille cette capacité du Maroc à conjuguer tradition et modernité. Il est à la fois un témoin de l'histoire et un acteur du présent, un lieu où le passé colonial côtoie sans heurt l'effervescence de la Marrakech contemporaine. Dans le tourbillon de la haute saison touristique, il offre aux visiteurs comme aux Marrakchis un précieux moment de répit, une parenthèse hors du temps où l'on peut encore entendre, pour peu qu'on tende l'oreille, les échos des conversations d'antan.
Houda BELABD
Politique : Quand Hubert Lyautey y sirotait son thé…
Photo: tous droits réservés.
Au début des années 1920, le maréchal Hubert Lyautey, Résident général du Protectorat français au Maroc, a effectué plusieurs visites à Marrakech. Ces séjours ont coïncidé avec la période de construction et d'ouverture du Café de la Poste, un établissement qui allait devenir emblématique de la présence française dans la ville ocre.
Lors de l'une de ses visites, Lyautey s'est rendu sur le chantier de ce qui allait devenir le Café de la Poste. Il a inspecté les travaux, s'assurant que le bâtiment respectait sa vision d'une architecture coloniale harmonieuse, mêlant élégance française et motifs marocains. Le maréchal a toujours insisté sur l'importance de préserver le patrimoine local tout en introduisant la modernité, une philosophie qui s'est reflétée dans la conception du Café de la Poste.
Une fois l'établissement ouvert, Lyautey y a fait plusieurs apparitions. Il appréciait particulièrement la terrasse ombragée, d'où il pouvait observer l'animation de la ville nouvelle de Guéliz qu'il avait fait bâtir. C'est là qu'il a souvent reçu des dignitaires locaux et des officiers français, discutant des affaires du Protectorat autour d'un café ou d'un thé à la menthe.
Le bureau de poste attenant au café a joué un rôle crucial dans la stratégie de communication de Lyautey. C'est de là que partaient ses rapports détaillés à destination de Paris, décrivant les progrès de la "pacification" du Maroc et les défis à relever. Le maréchal était connu pour son souci du détail et sa prolixité épistolaire, et les employés de la poste se souviennent encore du volume impressionnant de courrier qu'il générait.
Lyautey a également utilisé le Café de la Poste comme vitrine de sa politique de rapprochement entre Français et Marocains. Il y a organisé des rencontres informelles entre officiers coloniaux et notables locaux, espérant ainsi favoriser le dialogue et la compréhension mutuelle. Ces initiatives n'ont pas toujours été couronnées de succès, mais elles témoignent de la volonté du maréchal de créer des espaces de sociabilité mixte.
L'intérêt de Lyautey pour le Café de la Poste allait au-delà de son aspect fonctionnel. Il y voyait un symbole de la "mission civilisatrice" française, un lieu où la modernité européenne côtoyait la tradition marocaine. Le maréchal aimait s'y attarder pour observer la clientèle mélangée, y voyant la concrétisation de son idéal d'une société coloniale harmonieuse.
Après le départ de Lyautey en 1925, le Café de la Poste a continué à jouer un rôle important dans la vie sociale et politique de Marrakech. Les successeurs du maréchal y ont maintenu la tradition des rencontres informelles, perpétuant ainsi l'héritage de Lyautey dans ce lieu chargé d'histoire.
Livre d’or : Des rencontres passionnantes y ont eu lieu…
Le Café de la Poste de Marrakech a occupé une place emblématique dans l'histoire culturelle de la ville ocre. Situé sur la place du 16 Novembre, cet établissement a été le théâtre de rencontres et d'échanges entre intellectuels, artistes et voyageurs tout au long du 20ème siècle.
Dans les années 1920, le célèbre peintre Jacques Majorelle a fréquenté assidûment ce lieu. Il y a trouvé l'inspiration pour ses œuvres, captivé par la lumière et les couleurs de Marrakech qu'il a pu observer depuis la terrasse du café.
Paul Bowles, l'écrivain américain qui a passé une grande partie de sa vie à Tanger, a découvert le Café de la Poste lors de son premier séjour à Marrakech en 1931. Il y est revenu à maintes reprises au cours des décennies suivantes. C'est là qu'il a écrit une partie de son roman "Un thé au Sahara", publié en 1949.
Dans les années 1950, Jean Genet a été un habitué du café. L'auteur controversé y a trouvé un havre de paix pour écrire et observer la vie marrakchie. Il a décrit le Café de la Poste dans son journal comme "un îlot de calme au cœur du tumulte de la médina".
Yves Saint Laurent et Pierre Bergé ont découvert le Café de la Poste lors de leur premier voyage à Marrakech en 1966. Ce lieu est devenu pour eux un point d'ancrage, où ils ont rencontré des artistes locaux et des personnalités internationales.
Le philosophe Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ont visité le Café de la Poste lors de leur séjour à Marrakech en 1967. Ils y ont engagé des discussions animées avec des intellectuels marocains sur les questions de décolonisation et d'existentialisme.
Dans les années 1970, le chanteur Cat Stevens, devenu plus tard Yusuf Islam, a fréquenté le café. Il y a trouvé l'inspiration pour certaines de ses chansons, imprégné de l'atmosphère unique de Marrakech.
Ainsi, ce café a joué un rôle de carrefour culturel, où se sont croisés des esprits créatifs de différentes époques et origines. Il a été le témoin silencieux de conversations qui ont façonné des œuvres littéraires, artistiques et musicales, laissant une empreinte indélébile dans l'histoire culturelle de Marrakech.
Conjoncture : La Cité conçue par Lyautey
Photo: tous droits réservés.
Dans les années 1920, Marrakech vibrait au rythme d'une métamorphose urbaine sans précédent. La ville millénaire, bercée par les appels des muezzins et le bruissement des souks, se voyait greffée d'un nouveau quartier, Guéliz, symbole d'une modernité importée. C'est dans ce creuset bouillonnant que le Café de la Poste a vu le jour, tel un pont jeté entre deux mondes.
L'époque est aux grands bouleversements. Le protectorat français, établi depuis à peine plus d'une décennie, a pu redessiner la carte de la cité ocre avec l'assurance des bâtisseurs d'empire. Sous l'impulsion du maréchal Lyautey, visionnaire controversé, Marrakech s’est étirée hors de ses remparts ancestraux. Les larges avenues rectilignes de Guéliz tranchaient avec le dédale organique de la médina, comme une calligraphie occidentale sur un manuscrit arabe.
Dans ce paysage en mutation, le Café de la Poste est né telle une sentinelle de la "mission civilisatrice" française. Ses murs fraîchement érigés exhalaient encore l'odeur du plâtre et des ambitions coloniales. Pourtant, dès ses premiers jours, l'établissement est devenu le théâtre d'une alchimie inattendue. Les frontières culturelles, si nettes sur les plans des urbanistes, se sont estompées autour de ses tables en marbre.
Le monde d'alors était en pleine ébullition. L'Europe pansait encore les plaies de la Grande Guerre, tandis que les empires coloniaux avaient atteint leur apogée, ignorant les grondements qui annonçaient leur chute prochaine. À Marrakech, cité millénaire soudain propulsée dans la modernité, le Café de la Poste s’est imposé comme un miroir de son temps : un lieu où se côtoyaient et se confrontaient, parfois dans l'harmonie, souvent dans la tension, les multiples visages d'une société en pleine mutation.