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Rétro-Verso : Fès, de la Maurétanie Tingitane à nos jours


Rédigé par Houda BELABD Mercredi 10 Janvier 2024

​Il y a quelques jours, Fès a célébré avec faste et panache sa quatorzième Journée annuelle. Une manifestation symbolique qui met en valeur le précieux patrimoine de la ville. Embarquement immédiat dans l'habitacle de la machine à remonter les siècles.



Septentrionale, antique, impériale, spirituelle, multimillénaire et multi-civilisationnelle. L'allusion est sans doute faite à Fès, la ville au passé grandiose et aurifère. Ptolémée le Grec en vanta les mérites, il y a quelque 1800 ans.
 
Sous Bocchus et Juba II, elle fut l'une des cités les plus influentes économiquement et commercialement de la Maurétanie Tingitane (qui s'étendait de Tingis à Sala Colonia). Dès l'époque impériale du Maroc, elle a été à maintes reprises la capitale du pays, et même sa ville spirituelle, et ce, depuis que Fatima Alfihriya y a construit la première université du monde.
 
En 1248, lorsque les Mérinides s'y installèrent, ils étaient les rois du négoce au regard des Karamanides qui dirigeaient la Turquie byzantine post-seldjoukide, à l'ère des batailles contre les Mamlouks (avant la création de l'Empire ottoman). Depuis, le Maroc est appelé « Fas » en turc, en hommage à sa ville aux mille attraits.
 
Fès, la ville pioche
 
Connue, depuis au moins le Xe siècle, l'étymologie de Fès, telle que relayée dans l'historiographie, attribue l'origine de ce nom à la découverte, lors du creusement des fondations de la ville en construction, d'une pioche, en arabe Fas. Mais la version, validée par les historiens, repose sur l'hypothèse que la pioche n'est qu'une allégorie de la fondation de la ville par Idriss Ier, qui aurait aidé à creuser ses fondations avec une pioche en or.
 
 
De la fondation à la gloire
 
La fondation de Fès remonte à la fin du VIIIe siècle, sous le règne du Sultan Moulay Idriss Ier. Son rayonnement historique en a fait l'un des grands axes de la civilisation islamique, en liaison avec Bagdad, Damas, Cordoue, Caire, Kairouan, Grenade, Palerme, Ispahan et Samarcande, avec lesquels elle avait tissé des liens d'échanges économiques, sociaux et culturels de premières heures et de premier plan.
 
 
Différents mérites lui ont été décernés. D’ailleurs, bon nombre d'historiens européens la surnommaient l'Athènes d'Afrique. Au Moyen-Orient, elle est jusqu'à nos jours baptisée la Reine du Maghreb et le Bagdad du Maghreb.
 
 
Pour mesurer son étendue historique, il faudrait se pencher sur sa situation géographique : Fès se situe au confluent de grandes voies commerciales, dans une région foncièrement riche en matières premières précieuses pour l'artisanat (pierre, bois, argile, etc.). Ceci lui a valu une riche production architecturale et patrimoniale qui s'inscrit dans la grande continuité de la tradition de l'art arabo-andalou. Son emplacement sur la route des caravanes de la Méditerranée à l'Afrique subsaharienne, via la grande cité marchande de Sijilmassa (disparue au XVIIe siècle) dans la région du Tafilalet, a bien conforté son intérêt économique, il y a bien des siècles.
 
 
D'ailleurs, au début du XIVe siècle qui marqua le zénith de l'art hispano-mauresque, la ville enregistre un essor sans précédent. Grâce notamment aux caravanes qui remontaient jusqu'au port de Badis dans le Rif, Fès était en liaison constante avec le Royaume de Grenade et l'ensemble du pourtour méditerranéen. En 1471, la ville passa aux mains de la dynastie des Beni Ouattas, qui ne gouvernait que le Royaume de Fès, dans le Nord. Après la prise de Grenade par les Rois catholiques d'Espagne en 1492, Boabdil, le dernier Sultan de la dynastie nasride, se réfugia à Fès avec toute sa garde. Il y mourut vers 1533, et fut fort probablement enterré dans le Mausolée de Msalla al Soltane.

Aujourd'hui, la ville ancienne, à savoir la Médina est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. Fès est également  adulée pour son enceinte royale, la mosquée Al Qaraouiyine, la médersa Bouînaniya et Dar El Magana
 
Sur le plan administratif, la ville comprend la commune de Fès, divisée en six arrondissements, et la municipalité de Méchouar Fès Jdid, qui abrite le palais royal. Fès est la deuxième plus grande ville du Maroc, avec une population de 1.150.130 habitants selon le dernier recensement.


 

Trois questions à Abdelfettah Lazrak, Architecte « L’architecture traditionnelle de la médina de Fès est connue pour sa cohérence de styles hétéroclites »

La sauvegarde de l’architecture traditionnelle de Fès est son principal cheval de bataille. Le passé antique de sa ville n’a aucun secret pour lui. Il s’agit de l’Architecte Abdelfettah Lazrak, fervent militant pour la protection du patrimoine fassi. Entretien express.
La sauvegarde de l’architecture traditionnelle de Fès est son principal cheval de bataille. Le passé antique de sa ville n’a aucun secret pour lui. Il s’agit de l’Architecte Abdelfettah Lazrak, fervent militant pour la protection du patrimoine fassi. Entretien express.
Pouvez-vous nous parler des spécificités de l'architecture traditionnelle fassie ?

Fès est connue pour sa médina fondée au IXe siècle, la partie ancienne de la ville est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.

La médina de Fès, l'une des grandes métropoles islamiques au monde comprend une grande variété de formes architecturales et de paysages urbains. Ces formes comportent un nombre considérable de monuments à caractère religieux, civil et militaire (médersa, fondouks, palais et demeures, mosquées, fontaines, Borj etc.) qui matérialisent une culture aux multiples influences. Cette architecture est caractérisée par des techniques de construction et de décoration développées sur plus de dix siècles.
 
Quelle est la place occupée par l'architecture fassie à l'échelle régionale voire internationale ?
 
L’architecture traditionnelle de la médina de Fès est connue pour sa cohérence de styles architecturaux hétéroclites. Cette parfaite symbiose entre l’aspect visuel, la structure, le choix des matériaux et le renvoi de ces éléments aux différentes périodes historiques de la ville en est la parfaite illustration. Des compositions dont seuls les architectes fassis possèdent le secret.
 
Il y a quelques jours, la ville de Fès a célébré sa Journée annuelle du patrimoine. Quelle est, selon vous, la portée et l'importance de cette célébration ?
 
A mon sens, la célébration de cette Journée annuelle a pour but, non seulement de renouer avec le passé de la médina de Fès, mais aussi de contribuer à établir une vision prospective aussi bien au niveau de sa compétitivité économique qu'au niveau de son attractivité touristique et culturelle.

Patrimoine : Fès renaît de ses vestiges

La capitale spirituelle du Royaume a commémoré le 4 janvier 2024 sa 14ème Journée annuelle. Ce fut l'occasion de renouer avec le passé glorieux et l'Histoire millénaire de cette ville impériale du Maroc.
 
Mise en œuvre en 2011 à l'initiative de plusieurs organismes, dont la wilaya, la commune et le Conseil préfectoral de Fès, ainsi que l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah et le Forum Marocain des Initiatives Environnementales, cette manifestation est toujours un moment privilégié pour débattre des enjeux de la ville, afin de la rendre plus compétitive, plus innovante et plus pérenne.
 
Fondée le 4 janvier 808 par les Idrissides, la capitale spirituelle du Maroc abrite des monuments emblématiques à l'architecture somptueuse : médersas, écoles coraniques, mausolées, mosquées, ainsi que de multiples ateliers d'artisanat ou encore des tanneries traditionnelles de renom, lesquels contribuent à son rayonnement international.
 
Véritable fer de lance de la conquête de l'Indépendance du Maroc, Fès, ville impériale empreinte d'Histoire, n'a de cesse de renforcer son essor et sa croissance.
 
Riche du célèbre jardin Jnan Sbil et de sa majestueuse noria, ainsi que d'autres sites historiques enchanteurs, la cité Idrisside, avec son tissu urbain patrimonial et séculaire, renoue avec son passé, grâce à un plan de réhabilitation des monuments anciens de la vieille médina et à d'autres projets urbanistiques dédiés à la sauvegarde du patrimoine civilisationnel fassi.
 
Ce rendez-vous annuel, qui se tient à l'initiative de plusieurs associations de la société civile actives dans les domaines de la préservation du patrimoine, de la préservation de l'environnement et de la diffusion des valeurs citoyennes, a pour vocation d'examiner et de débattre des dispositifs de mise en œuvre des engagements signés le 4 janvier 2011 pour la mise en œuvre de grands chantiers et de programmes de développement porteurs de progrès et de prospérité pour la société citadine.
 
C'est aussi l'occasion de se pencher sur les moyens de rendre à la ville sa qualité de métropole intelligente, progressiste et viable, à travers le renforcement des espaces verts dans les différentes zones de la ville et la lutte contre les formes qui dénaturent ou ternissent son paysage urbain, notamment les ruines et les espaces à l'abandon, ainsi que d'ouvrir un débat sur les horizons et les défis du développement de la ville.
 
Espace d'échanges, de débats et de questionnements sur l'état de la ville et sa pérennité, cet événement annuel est aussi le moment idoine de solliciter les élus locaux pour qu'ils lèvent les contraintes qui brident aujourd'hui encore le décollage économique de la ville et la mettent sur les bons rails du progrès.
 
Inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1981, Fès entend se réapproprier son glorieux passé et mettre en valeur son patrimoine ancestral, ses monuments historiques, ses tours et ses murailles.
 

Ouvrage : Si les murs de Fès pouvaient parler …

« Impressionnée par notre modèle de coexistence pacifique et par nos valeurs universelles, dont je suis témoin, en ma qualité de septuagénaire, j'ai pris l'initiative d'écrire un ouvrage sociologique, historique voire politique sur le mode de fonctionnement de la société de Fès durant la période de la moitié du 19ème siècle jusqu'aux années soixante-dix, avec les retentissements actuels ». Ces mots sont de Naïma Berrada Guennoun, auteur du best-seller « Si les murs de Fès pouvaient parler ». Un livre qui se vend comme des petits pains voire comme des briouates bien fassies. Un précis historique félicité et labellisé par la Commission Nationale pour l'Éducation, les Sciences et la Culture et par l'ICESCO (l'Organisation islamique pour l'Education, la Science et la Culture).
 
 « Ma méthodologie de travail est originale, puisque basée sur une documentation très variée, sur plusieurs témoignages oraux et des photos inédites », ajoute l'auteure avant de poursuivre que son livre est « destiné à toutes les générations et particulièrement aux jeunes ».

Si ce joyau socio-historique s'inscrit dans la ligne tracée par le Maroc sous la vision royale éclairée, c'est parce qu'il plaide la préservation du patrimoine culturel matériel, immatériel et écologique comme meilleur moyen de développement durable.
 
Notons que ce livre s'est érigé à deux reprises en tant que best-seller du Salon international du livre à Rabat en 2022 et 2023. De plus, il a été édité et réédité et traduit en arabe, sous l'égide de l'ICESCO. Il est, par ailleurs, présenté par l'éditeur Sotumedias dans plusieurs Salons du livre de divers pays arabes.
 

Faits marquants : Fès contre vents et marées

Au XIXe siècle, les deux parties de la ville ont été fusionnées. Jusqu'au début du Protectorat français en 1912, Fès était la capitale du Maroc, fonction qui fut ensuite transférée à Rabat. Les découvreurs Charles de Foucauld et Mardochée Aby Serour séjournèrent dans la ville antique pendant le ramadan 1883, n'ayant pu bénéficier de garants pour la poursuite de leur voyage vers le sud. De ce fait, ils logèrent chez M. Benchimol, dans le mellah, et une plaque sur la maison atteste encore de leur passage. Foucauld relate le commerce prospère de la ville avec les marchandises européennes en provenance de Tanger : « il y avait le cuir du Tafilalet, la laine, la cire et les peaux de chèvres des Aït Youssi et des Beni Ouaraïne, parfois même les plumes du Soudan ». Mais pour le négociant, le développement du potentiel commercial de la ville pourrait être amélioré pour faire face aux pillages des corsaires d'Outre-Mer.

Toujours au sujet de ces histoires de pillage et de piraterie, l'intellectuel Seddik Maâninou nous racontait, il y a quelques semaines, lors d'un événement consacré à l'Histoire de Salé, que « lorsque les pirates anglais avaient la piètre habitude de prendre d'assaut les marchés du cuir et de la soie de Fès, de tout piller sur leur passage et d'attaquer les marchands, les vaillants corsaires de Salé les attendaient de pied ferme pour restituer aux marchands de Fès ce qui leur revenait de droit ». Des histoires à dormir debout, certes, mais elles sont nécessaires pour rappeler la bravoure et la vaillance des Marocains d'antan pour la sauvegarde du patrimoine fassi.
Rétro-Verso : Fès, de la Maurétanie Tingitane à nos jours








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