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Radioamateur : Un hobby passionnant et méconnu qui résiste à l’avènement du digital


Rédigé par Oussama ABAOUSS Lundi 18 Avril 2022

Ce lundi, le monde célèbre les milliers de passionnés de radio et de transmission, autrement appelés « radioamateurs ». Zoom sur les adeptes marocains de ce hobby souvent méconnu.



Vous en avez sûrement observé quelques-uns dans les films de fin du monde. Le cliché voudrait qu’ils soient dans leurs caves (ou greniers), assis face à un émetteur-récepteur radio qu’ils arrivent à faire fonctionner pour contacter d’autres survivants ou appeler d’éventuels secours, quand l’électricité, Internet et les réseaux en tout genre ont tous lâché. Même en forçant les traits, l’idée-reçue la plus commune sur les radioamateurs n’est pas forcément totalement erronée.

Dans l’imaginaire collectif et les films de catastrophe, comme dans la vraie vie, les radioamateurs ne sont jamais des personnages comme les autres. Souvent véritablement passionnés de radio comme de toute la myriade de sciences et technologies qui gravitent autour de leur hobby (électronique, transmission, physique…), ils sont toujours à disposition pour prendre le relai et se mettre au service de la collectivité, grâce à leur matériel et technicité, si jamais un événement majeur les forçait ainsi à se transformer en sentinelles citoyennes. Aujourd’hui, le monde entier célèbre ces « réservistes pas comme les autres ».

Des profils divers

À l’instar d’autres pays, le Maroc héberge sa propre communauté de radioamateurs. Leur nombre est estimé à plus de 800 passionnés dont le dénominateur commun est d’avoir une licence spéciale délivrée par l’ANRT, suite à une procédure dédiée.

« Pour devenir radioamateur, il faut d’abord passer un examen et le réussir avant d’obtenir une licence et un code d’identification. Après une phase de préparation grâce à un cours spécialisé, l’examen se déroule sous la forme d’un QCM qui s’articule autour de plusieurs disciplines théoriques», nous confie Hassan Lahbouje, connu sous le code d’identification « CN8SG » et membre de l’Association Royale des Radioamateurs du Maroc (ARRAM).

« Je suis un technicien spécialisé en électricité, mais les autres radioamateurs sont issus de milieux professionnels très différents. S’il fallait trouver des caractéristiques communes aux radioamateurs marocains, ce serait bien leur intérêt très marqué pour la Radio en général et pour les autres domaines connexes comme l’électricité ou la transmission par exemple », poursuit notre interlocuteur.

Éthique et performance

Avant de recevoir sa licence, un radioamateur se doit de s’engager à respecter un certain nombre de principes. « En gros, le radioamateur s’engage à respecter les lois, à ne pas nuire à la pratique, à rester courtois et à être un gentleman dans son utilisation de la radio », précise Hassan Lahbouje.

Pour cela, encore faut-il acquérir un équipement adéquat et constituer une station (nécessitant un investissement souvent conséquent) dans une démarche où chaque étape doit être en conformité avec les lois et procédures d’homologation prévues par l’ANRT.

Mais pourquoi donc perdre du temps et des moyens pour contacter des gens que le téléphone et Internet auraient pu rendre accessibles à moindre coût ? « Tout simplement la recherche d’une performance, d’une aventure, tel le sportif qui pratique la course à pied, alors qu’il a une voiture ! Le but est de se surpasser, dans la pratique de technologies nouvelles, d’essais de nouveaux matériels, de nouveaux composants et dans la quête de nouveaux contacts », souligne pour sa part une publication de vulgarisation diffusée par un radioamateur français (Code F6CPI).

Consigner les correspondances

« D’habitude, je choisis une fréquence puis je fais un appel trois fois pour m’assurer qu’elle est libre. Après cela, je lance un appel général aux autres radioamateurs. Une fois que quelqu’un me répond, nous commençons toujours par nous présenter, parler des spécificités du matériel utilisé, puis nous enchaînons avec d’autres sujets qui nous intéressent. Nous pouvons parler de tout, sauf de politique ou de commerce puisque notre démarche se doit de rester apolitique et sans but lucratif », explique Hassan Lahbouje.

Après la fin de la discussion, les radioamateurs s’envoient généralement des cartes par poste pour accuser réception officiellement de l’appel et consigner la trace de leur échange vis-à-vis de leurs confrères. Qu’ils soient du Maroc ou d’ailleurs, les radioamateurs, qui célèbrent aujourd’hui leur journée mondiale, sont une preuve que leur discipline se porte bien et continue à se réinventer. Pas surprenant que les stations homologuées de radioamateurs soient considérées au Maroc comme des activités d’utilité publique.


Oussama ABAOUSS

Repères

Premiers radioamateurs au Maroc
Les débuts de la radioamateur au Maroc ont eu lieu dès la période du protectorat à travers trois chercheurs français (Dr Veyre, M. Grangier et M. Bensimhon) qui ont établi les premiers contacts radio depuis le Royaume. La première association dans ce domaine a été créée dès 1935 et avait pour nom « Association des Émetteurs Marocains ». Elle comptait à l’époque une vingtaine de membres qui étaient tous des radioamateurs d’origine française. Cette activité avait cependant été interrompue durant la deuxième guerre mondiale.
 
Premier code marocain
Le premier Marocain à avoir reçu un code d’identification dédié a été Feu SM Hassan II qui avait eu la désignation « CN8MH »en 1957. Ce même code avait été utilisé en 1960 pour communiquer avec la communauté internationale durant les premières heures qui ont suivi le tremblement de terre d’Agadir. Au début des années soixante, le deuxième Marocain à obtenir son propre code d’identification a été Feu le Prince Moulay Abdellah qui était également le président honorifique de l’association des émetteurs marocains.

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Définition


Des « amateurs » disposant de qualifications techniques avérées
 
Contrairement à la téléphonie et Internet mobile, les radioamateurs n’utilisent pas toujours des réseaux basés sur des relais pour établir des contacts. C’est pour cette raison que leurs équipements se suffisent généralement à eux-mêmes pour fonctionner grâce à l’utilisation de diverses méthodes de propagations des ondes radio.

L’Union internationale des télécommunications (UIT), chargée de la réglementation et de la planification des télécommunications dans le monde, définit par ailleurs le radioamateur comme un « opérateur possédant certaines qualifications techniques et opérationnelles minimales pour assurer l’exploitation correcte d’une station d’amateur ou d’amateur par satellite ».

A noter que le terme « amateur » doit être compris dans son sens premier, à savoir « celui qui a un goût vif pour une chose ». Ce qualificatif n’est donc pas une appréciation péjorative de la qualité des opérateurs mais sous-entend plutôt que les communications se font à titre privé et ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une quelconque rémunération.
 

Scoutisme


La radio au service des objectifs de développement durable
 
Au Maroc comme dans d’autres pays, il existe des liens particuliers entre les radioamateurs et les scouts. Ces liens s’expliquent par les valeurs de quête de savoir et d’autonomie que les deux communautés semblent avoir en commun. Ces affinités se sont matérialisées au niveau international depuis plusieurs décennies à travers des partenariats entre les organismes de radioamateurs et les organisations de scoutisme.

Au Maroc, les scouts ont intégré des activités liées à la radio amateur depuis les premières années de l’indépendance. Actuellement, le lien entre les deux communautés passe notamment à travers M. Zidan Nabil, membre de l’Association Royale des Radio Amateurs Marocains qui est également Commissaire national du développement durable dans l’Organisation Atlas affiliée à la Ligue nationale de scoutisme.

« Notre travail avec les scouts marocains se fait principalement sur les objectifs de développement durable qui touchent à plusieurs aspects environnementaux et humains. Nous avons également une section dédiée au radioscoutisme dans laquelle nous essayons de faire découvrir notre discipline aux jeunes scouts, autant par rapport à l’activité radioamateur que pour son utilisation pour échanger et faire avancer les valeurs liées au développement durable », nous confie M. Zidan Nabil, ajoutant que « les radioscouts du Maroc ont toujours été présents durant les camps de vacances pour promouvoir cette activité scientifique, culturelle et socio-éducative dans diverses catégories d’Organisations et associations de scoutisme à l’échelon national et mondial ».
 

3 questions à Hassan Lahbouje, radioamateur marocain


« Aujourd’hui, les radioamateurs marocains sont connus dans la communauté internationale »
 
Membre de l’Association Royale des Radioamateurs du Maroc (ARRAM), Hassan Lahbouje, connu par ses paires sous le code CN8SG, nous parle de son parcours sur les ondes.


- Combien de pays avez-vous pu contacter par radio et quel est l’endroit le plus éloigné que vous avez pu joindre?

- Depuis que je suis devenu radioamateur, j’ai pu contacter plus de 350 pays à travers le monde. Je dispose d’ailleurs d’un certificat officiel qui n’est décerné qu’aux radioamateurs qui ont envoyé les accusés de réception reçus d’une centaine de pays différents. Pour l’endroit le plus éloigné, je dirai que ça dépend du type de fréquence utilisée.

Cela dit, toutes techniques confondues, je pense que le point le plus éloigné que j’ai pu atteindre a été la Nouvelle-Calédonie. Ce n’était pas un contact que j’avais moi-même initié, mais plutôt un appel auquel j’ai spontanément répondu.


- Ça a dû être surprenant pour le radioamateur calédonien de tomber ainsi sur un confrère marocain…


- Il est vrai que la distance est impressionnante entre les deux régions. Cela dit, il y a quelques décennies, contacter le Maroc était un grand événement pour les radioamateurs, car le Royaume était classé parmi les pays qu’il était très rare de pouvoir contacter. Aujourd’hui, les radioamateurs marocains sont connus dans la communauté internationale, puisqu’ils sont actifs depuis plusieurs années déjà.


- Un contact aléatoire par radio peut-il se transformer en amitié tangible dans la vie réelle ?

- Absolument. Du moment que les radioamateurs en contact semblent partager des intérêts communs et qu’ils échangent régulièrement. Il m’est déjà arrivé de recevoir au Maroc des radioamateurs étrangers justement parce qu’ils avaient fait preuve de beaucoup d’intérêt pour notre pays lors de nos échanges. Beaucoup d’entre eux sont depuis devenus des amis alors que le premier contact s’était initialement fait d’une manière aléatoire.

Recueillis par O. A.

 








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