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Parlement 2025 : Une législature décisive pour les sans colliers [INTÉGRAL]


Rédigé par Omar ASSIF Samedi 6 Septembre 2025

Le projet 19.25 amorce une rupture dans la gestion des animaux errants. Entre santé publique et pratiques locales à repenser, le compromis reste fragile.



Dossier sensible de cette rentrée parlementaire 2025, le projet de loi 19.25 sur la gestion des animaux errants entre dans une nouvelle étape. Déposé par l’Exécutif le 18 juillet 2025, le texte a été transmis le 22 juillet à la Commission des secteurs productifs de la Chambre des Représentants. Il prévoit d’encadrer la capture, le traitement sanitaire et le devenir des chiens et chats errants, tout en instituant un dispositif national de prévention des risques pour la population. Depuis des années, l’absence de cadre clair et complet a laissé place à des pratiques disparates, parfois brutales, dans plusieurs communes. Des ONG internationales, comme Quatre Pattes ou PETA, ont régulièrement interpellé les autorités marocaines à ce sujet. Cette fois, les lignes semblent bouger : plusieurs sources concordantes indiquent que les autorités et des acteurs professionnels et de la société civile collaborent activement pour faire émerger un compromis. L’objectif : concilier santé publique, tranquillité sociale et respect du bien-être animal.
 
Cadre juridique et éthique

Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement direct d’une convention-cadre signée en février 2019 entre les ministères de l’Intérieur, de la Santé et de l’Agriculture, ainsi que l’ONSSA et l’Ordre national des vétérinaires. Ce texte, alors présenté comme une réponse éthique et coordonnée à la prolifération des chiens errants, prévoyait déjà des campagnes de capture, stérilisation, vaccination, puis relâcher (méthode souvent appelée TNVR), la vaccination contre la rage et la sensibilisation des citoyens. Mais faute de cadre juridique et de mécanismes légaux adaptés, sa mise en œuvre est restée partielle, inégale et souvent dépendante de l’initiative et de l’engagement des collectivités. Dans certaines communes, des conventions locales ont été conclues avec des associations, tandis que d’autres ont poursuivi des méthodes plus expéditives, provoquant des controverses récurrentes. Le projet de loi 19.25 se positionne justement pour combler ce vide juridique en instaurant un cadre national harmonisé et adapté.
 
Compassion et article 44

L’article 44 du projet de loi prévoit une interdiction du nourrissage en espace public, assortie d’une amende de 1.500 à 3.000 DH. Contacté par nos soins, Ahmed Tazi, président de l’Association de Défense des Animaux et de la Nature (ADAN), appelle à une réécriture, au nom d’un encadrement compatible avec les spécificités locales : «Cet article en particulier doit être réécrit, car, en l’état, il n’est pas en adéquation avec notre culture locale, et nos traditions de compassion envers les animaux… Notre approche marocaine envers les animaux provient de la notion de “Rifq”, il faut que cette notion perdure dans l’esprit de ce projet de loi, y compris cet article». Sur la méthode, il insiste aussi sur un maillon trop souvent négligé : «Relâcher surtout, je tiens à souligner cette partie : relâcher les animaux identifiés dans leur territoire d’origine où ils ont été initialement capturés». L’enjeu, dit-il, n’est pas d’interdire la solidarité mais de l’encadrer, en fixant des lieux, des règles et des responsabilités partagées avec les habitants, les syndics, les associations et les autorités locales.
 
Implication des acteurs

Reste la mise en œuvre. Pour Tazi, la ligne rouge est claire : «La compassion ne doit pas être punie. Il faut qu’elle soit encadrée». Il affirme que le pays en a la capacité avec l’aide des associations, des bénévoles et des gens sérieux, en misant sur la stérilisation, la vaccination et une collaboration étroite avec les acteurs sur le terrain. L’image du Maroc est aussi en jeu : «Nous voyons sur les réseaux sociaux combien les touristes apprécient de constater la présence de chats et de chiens, bien traités et en harmonie avec la communauté qui en prend soin». Et de conclure sur les conditions du succès : «Moyennant quelques adaptations, cette loi peut devenir un parfait outil et un succès. Tant qu’elle est appliquée avec une collaboration étroite avec tous les acteurs, car, au final, le Maroc a toujours été un pays de solidarité, de compassion et de respect de la vie».

3 questions à Ahmed Tazi, président de l’ADAN : « La compassion ne doit pas être sanctionnée. Elle doit être encadrée »

Acteur associatif et président de l’Association de Défense des Animaux et de la Nature, Ahmed Tazi répond à nos questions.
Acteur associatif et président de l’Association de Défense des Animaux et de la Nature, Ahmed Tazi répond à nos questions.
  • En quoi le projet de loi 19.25 marque-t-il, selon vous, une rupture ou une continuité dans la gestion des animaux errants au Maroc ?

Je pense qu’il faut d’abord rappeler le contexte : aujourd’hui encore, le Maroc connaît des cas de rage. Depuis des décennies, différentes méthodes ont été tentées pour gérer la population canine et féline de rue, mais sans succès. Les tueries, l’empoisonnement, les tirs… tout cela n’a rien donné, car la nature a horreur du vide. D’après une étude d’Horace Day, si une seule chienne échappe à une campagne d’abattage, elle peut engendrer des milliers d’individus en quatre ans. Ce n’est donc pas la bonne méthode, et ce ne le sera jamais. En 2019, une convention-cadre a été signée entre l’ONSSA, l’Ordre des vétérinaires, les ministères de la Santé et de l’Intérieur pour vacciner, stériliser, identifier et relâcher les animaux dans leur territoire d’origine, en partenariat avec la société civile. La mise en œuvre n’a pas suivi : la relâche et l’identi cation au bon endroit ont été négligées. Ce projet de loi propose une méthode. Il contient des éléments positifs, mais doit encore évoluer pour s’aligner avec notre culture, notre religion et notre approche marocaine de la compassion : la notion de rifq.
 
  • Les associations doivent-elles être au cœur de la mise en œuvre de la loi ?

Les associations sérieuses, professionnelles, et les bénévoles engagés dans les quartiers doivent être impliqués, consultés et considérés comme des collaborateurs primordiaux dans l’élaboration et l’application de cette loi. Ce sont eux qui sont sur le terrain, qui connaissent les animaux et leurs besoins. Le gouvernement peut leur apporter une aide précieuse comme eux-mêmes peuvent grandement contribuer à l’amélioration de la gestion de la population canine et féline au Maroc.
 
  • Quelles conditions pour réussir l’application sur le terrain ?

La compassion ne doit pas être sanctionnée. Elle doit être encadrée. Avec l’aide de la société civile, des bénévoles, des gens sérieux, on peut y parvenir. On a les ressources humaines et techniques pour organiser cela, avec la stérilisation, la vaccination et une collaboration étroite sur le terrain. Ceux qui accueillent les animaux, qui les soignent, qui les nourrissent, doivent être reconnus comme des partenaires. Il faut les impliquer, pas les pénaliser. Nous avons les moyens d’assurer une gestion éthique, et c’est dans cet esprit que la loi doit évoluer.

Cadre juridique : Quelles nouveautés du projet de loi sur les animaux errants ?

Le projet de loi 19.25 veut mettre fin à l’approche hétérogène sur le terrain en fixant un cadre national opposable pour la gestion des animaux errants : définitions précises, responsabilités de l’État, des communes, des vétérinaires et des associations, et procédures de prévention des risques. Il généralise l’identi cation et la tenue d’un registre pour assurer la traçabilité sanitaire et la responsabilité des détenteurs. Il organise la capture sans violence, la stérilisation, la vaccination, puis le retour des chiens dans leur territoire d’origine, afin de stabiliser les populations et prévenir la rage. Le texte prévoit des structures dédiées (centres, dispensaires, fourrières aux normes) et encadre les partenariats communes–associations par des conventions formelles. Le nourrissage public est interdit (art. 44) et passible d’amende ; des acteurs plaident pour un encadrement via des lieux dédiés. Enfin, les sanctions contre la maltraitance et les manquements des structures sont renforcées, avec des contrôles accrus sur le terrain.

« One Health » : La gestion éthique des animaux errants en levier de santé publique

La gestion éthique des animaux favorise directement l’atteinte des objectifs internationaux « One Health » qui part d’un constat simple : la santé humaine, la santé animale et celle des écosystèmes sont liées et interdépendantes. Prenant de plus en plus d’importance au niveau mondial, cette méthode alliant sciences et coordination entre acteurs organise la coopération entre médecins, vétérinaires, biologistes, services d’hygiène, communes et citoyens autour d’une même boucle d’action : prévenir, détecter, répondre, apprendre. Prévenir, c’est limiter les risques à la source : vaccination animale (rage), stérilisation pour stabiliser les populations, eau et déchets mieux gérés, lutte anti-vecteurs, protection de la biodiversité. Détecter, c’est partager des données entre hôpitaux, laboratoires vétérinaires et collectivités pour repérer tôt une zoonose, une flambée de rage ou une antibiorésistance. Répondre, c’est activer des protocoles communs avec des équipes formées à intervenir ensemble. Apprendre, enfin, c’est mesurer et publier : couverture vaccinale, délais d’intervention, évolution des morsures, efficacité des campagnes, puis ajuster en continu. En pratique, une gestion éthique des animaux errants est un levier concret de One Health : campagnes de capture sans violence, stérilisation, identification dans un registre pour la traçabilité, relâches aux endroits initiaux, nourrissage encadré et points propres pour réduire les conflits et l’attractivité des déchets, sensibilisation de quartier pour prévenir les risques.







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