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Lutte contre la sécheresse :Booster la production grâce aux panneaux solaires flottants


Rédigé par Mariem LEMRAJNI Lundi 1 Septembre 2025

La première centrale solaire flottante du pays a été mise en service dans le Nord du Maroc, couvrant une large surface d’un réservoir. D’une puissance de 13 mégawatts, elle est destinée à alimenter en électricité verte le complexe portuaire de Tanger Med, tout en contribuant à réduire l’évaporation de l’eau du réservoir. Détails.



Alors que le Maroc subit des sécheresses à répétition, mettant en péril ses ressources en eau et son développement énergétique, un projet pilote innovant a été lancé dans le Nord du pays. Il s’agit de l’installation de panneaux solaires flottants sur la surface d’un lac de barrage, une initiative qui apporte une double solution efficace. Ce dispositif permet de produire de l’énergie renouvelable et propre, et contribue également à réduire considérablement les pertes d’eau par évaporation, qui peuvent représenter jusqu’à 30 % du volume total des retenues d’eau. 

Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme de décarbonisation de Tanger Med, un moteur stratégique de l’économie marocaine. Dès juillet 2023, le Groupe Tanger Med avait lancé un appel d’offres pour étudier et réaliser ce parc photovoltaïque flottant. L’objectif principal est de recouvrir une partie du réservoir avec des panneaux photovoltaïques flottants afin de protéger la surface de l’eau des rayons directs du soleil, tout en générant une électricité renouvelable et propre. Sur le bassin, plus de 400 plateformes flottantes, solidement arrimées par des câbles plongeant jusqu’à 44 mètres de profondeur, supportent déjà des milliers de panneaux solaires.

À terme, ce sont plus de 22.000 unités photovoltaïques qui devraient recouvrir une superficie d’environ dix hectares sur les 123 hectares que compte le plan d’eau. Cette installation permettra de produire environ 13 mégawatts d’électricité, une capacité énergétique significative qui contribuera à répondre aux besoins du vaste complexe portuaire de Tanger Med, tout en réduisant les pertes d’eau par évaporation grâce à la couverture partielle du réservoir.

Selon Abdelaziz Janati,  Président de l’Observatoire pour la Protection de l'Environnement et des Monuments Historiques de Tanger (OPEMH), le Maroc enregistre chaque année une perte d’eau estimée entre 700 millions et 1 milliard de mètres cubes, principalement due à l’évaporation dans les barrages. Face à cette situation, les panneaux solaires flottants apparaissent comme une solution partielle mais prometteuse, puisqu’ils permettent à la fois de préserver les ressources hydriques et de produire de l’énergie renouvelable.

Dans une déclaration accordée à « L’Opinion », il estime que l’installation de panneaux solaires flottants sur le barrage de Oued Rmel, à Tanger, devraient permettre de réduire l’évaporation de l’eau de 30 %, soit près de 2 millions de mètres cubes économisés chaque année. Il souligne que, contrairement à d’autres systèmes comme les boules en plastique flottantes, qui limitent, certes, l’évaporation mais ne produisent aucune énergie, cette technologie protège les ressources en eau tout en générant de l’électricité propre, en faisant ainsi un choix stratégique pour le Maroc.

Il rappelle, toutefois, que les panneaux solaires flottants ne constituent pas à eux seuls la solution d’avenir. Leur véritable intérêt réside dans leur intégration à un ensemble de technologies complémentaires. Parmi celles-ci, la production d’hydroélectricité se distingue, car elle permet de tirer parti d’un barrage pour générer de l’énergie à la fois à partir de l’eau et du soleil. Il insiste, également, sur le rôle essentiel des systèmes de stockage, tels que les batteries ou le pompage hydraulique, qui garantissent un approvisionnement continu en électricité, même en l'absence d’ensoleillement.

Il insiste aussi sur les bénéfices environnementaux, notamment l'amélioration de la qualité de l'eau. « En couvrant partiellement la surface, on limite la prolifération des algues et on protège le réservoir ». Enfin, il évoque une autre piste prometteuse avec les panneaux solaires installés au-dessus des canaux d'irrigation, une solution qui permet de réduire davantage l’évaporation tout en rapprochant l’énergie des petits agriculteurs.

Même son de cloche du côté de Mohammed-Saïd Karrouk, professeur de climatologie, qui considère l’initiative des panneaux solaires flottants comme une expérience prometteuse à encourager. Il insiste néanmoins sur certaines limites. Il n’est pas possible de couvrir toute la surface d’un barrage, et le système ne peut fonctionner que si le niveau d’eau reste suffisant. En cas de baisse, les panneaux risquent de se retrouver sur la terre ferme et d’être endommagés. Selon lui, ce dispositif peut réduire l’évaporation, mais uniquement quand l’eau est présente dans le réservoir.

Compte tenu de son potentiel, le dispositif pourrait être déployé dans d'autres barrages répartis du Nord au centre du pays, dans le but de maximiser son impact sur la gestion des ressources en eau et la production d’énergie renouvelable. Pour le ministère de l’Équipement, même si les économies d’eau générées par les panneaux solaires flottants restent limitées à l’échelle nationale, elles représentent néanmoins « un gain important » dans un contexte de stress hydrique croissant.

Par ailleurs, le dispositif intègre des mesures supplémentaires, telles que la plantation d’arbres le long des rives du réservoir. Cette initiative vise à atténuer l’effet desséchant du vent, contribuant ainsi à préserver davantage l’humidité de la zone et à renforcer la résilience de l’écosystème local face au changement climatique.



 

3 questions à Amine Hourairi « Il est crucial de garantir la stabilité des installations face aux changements du niveau d’eau »

Lutte contre la sécheresse :Booster la production grâce aux panneaux solaires flottants
Pour le président régional de l'Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT) à Tanger, Amine Hourairi, le bon fonctionnement du projet dépend de la stabilité des installations face aux variations du niveau de l’eau et aux intempéries.

- Que pensez-vous de l’efficacité du projet d’installation de panneaux solaires flottants et quels résultats peut-on en attendre ?

- Le projet repose sur l’installation de radeaux modulaires portant plusieurs milliers de panneaux photovoltaïques. Ces radeaux sont ancrés et reliés à la rive grâce à des passerelles et des câbles électriques. La puissance cible est d’environ 13 MW, destinée à alimenter le complexe portuaire de Tanger-Med. En couvrant la surface du lac, les panneaux limitent l’exposition directe de l’eau au soleil, réduisant ainsi l’évaporation. Le dispositif est donc efficace, mais son bon fonctionnement dépendra de la disponibilité suffisante en eau. Le projet vise à produire plus d’électricité grâce au refroidissement naturel et à réduire les émissions du port d’Oued Rmel. Il permet aussi de diminuer l’évaporation de l’eau d’environ 30 %, selon les premières estimations. La réussite dépend de la surface couverte, du vent et des saisons. Le site est en phase de tests et aucun bilan officiel n’a encore été publié.

- Quelles sont les principales limites ou difficultés rencontrées dans ce projet ?

- Les limites du projet concernent l’ancrage face aux variations du niveau de l’eau et aux intempéries. L’accès pour la maintenance et la gestion des câbles posent aussi des défis. Sur le plan environnemental, il faut surveiller la qualité de l’eau, la faune et les usages locaux. Enfin, les coûts sont plus élevés qu’au sol, mais compensés par une meilleure production et la préservation de l’eau.

- Ce modèle est-il réplicable dans d'autres régions du Maroc confrontées à des défis similaires en matière de stress hydrique ?

Ce modèle peut être reproduit dans d’autres régions du Maroc, mais pas partout. Des études de faisabilité sont en cours pour deux projets similaires, l’un à Lalla Takerkoust près de Marrakech et l’autre à Oued El Makhazine, l’un des plus grands barrages du pays. Ce système fonctionne surtout sur des réservoirs dont la taille et les usages sont compatibles, avec peu de trafic nautique et des zones écologiquement adaptées. Pour étendre le projet, il faut aussi que les conditions de vent soient maîtrisables pour l’ancrage et que le site soit proche d’un besoin important en électricité comme un port ou une usine afin de limiter les coûts de raccordement.
 
 



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