
Photo: tous droits réservés.
Nous sommes à la Cité des fleurs de l’Atlantique où le charme d’antan se mêle à une inquiétante désolation. Au détour des ruelles étroites de la Kasbah, centre-ville de l'ancienne Fédala, de nombreuses maisons coloniales présentent aujourd’hui un état de dégradation avancé. Les façades sont fissurées, les balcons en mauvais état structurel, et plusieurs fenêtres ont été murées à l’aide de briques et de ciment. Autrefois représentatifs d’une architecture européenne soignée, ces bâtiments témoignent aujourd’hui d’un abandon progressif. Certains ont été condamnés pour des raisons de sécurité, tandis que d'autres présentent un risque d'effondrement. Ils constituent les derniers témoins matériels d’une période historique désormais révolue.
Ces bâtiments, vestiges du Protectorat français, n'interpellent que les nostalgiques du bon vieux temps: "C’était la maison d'un ancien commandant, puis un dispensaire dans les années 50", confie Ahmed, un septuagénaire originaire du quartier. "On y allait tous, c’était une bâtisse imposante avec un jardin magnifique… Aujourd’hui, elle est devenue dangereuse pour les passants", poursuit-il.
La valeur historique de ces édifices est indéniable. Avec leurs moulures sculptées, leurs portes en bois massif et leurs volets d’époque, ils incarnent un pan de l’histoire urbaine de Mohammedia. Toutefois, leur dégradation progressive pose un enjeu à la fois patrimonial et sécuritaire.
Sur le plan patrimonial, c’est une part essentielle de la mémoire collective qui s’érode à mesure que ces édifices se dégradent. « Ces maisons ont une âme », souligne Amine, journaliste et fervent défenseur du patrimoine de la ville.« Mais en l’absence d’un entretien régulier elles sont vouées à l'effacement progressif, ce qui serait une perte pour la ville", entrevoit-il.
Pour ce qui est de la sécurité, les risques sont tout aussi préoccupants., surtout si l'on sait que certaines structures sont devenues inhabitables et représentent un danger pour les riverains. Des effondrements partiels ont déjà été signalés. Les autorités locales ont muré plusieurs d’entre elles, mais cette mesure temporaire ne résout pas le problème de fond.
De même, des voix s’élèvent pour demander la mise en place d’un plan de sauvegarde et de valorisation du patrimoine bâti. Restaurer ces maisons, les intégrer dans un projet culturel ou touristique, pourrait non seulement préserver l’histoire de la ville, mais aussi revitaliser le tissu urbain de la médina.
En attendant, les maisons coloniales de Mohammedia poursuivent leur lente agonie, entre silence, poussière et oubli. Une mémoire architecturale qui s'effrite jour après jour, sous les yeux impuissants des habitants, dans la ville qui fut jadis surnommée la "petite Marseille" du littoral marocain.