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Marrakech: Prémisses d’une «incertaine» relance du tourisme


Rédigé par Hajar LEBABI et Anas MACHLOUKH Mercredi 14 Octobre 2020

Bateau amiral du tourisme national, la ville ocre essaie tant bien que mal de sortir d’une période de léthargie touristique de plusieurs mois. Faut-il y croire ?



Marrakech: Prémisses d’une «incertaine» relance du tourisme
Après plusieurs mois de confinement qui l’ont plongé dans un état de quasi-hibernation, Marrakech, destination phare et bateau amiral du tourisme national, semble céder ces derniers jours à un certain frémissement touristique qui esquisse les contours d’une tentative de relance de cette activité vitale frappée de catatonie depuis le début de la pandémie du coronavirus. Accueil d’un premier groupe de touristes français, réouverture de nombreux palaces comme la Mamounia et l’Amanjena, relance de vols de la compagnie Low Cost Ryanair….

Tous ces événements donnent une lueur d’espoir à une ville fortement impactée par la pandémie. Mais entre les sceptiques qui jugent ces frémissements comme de simples effets d’annonce et ceux qui considèrent qu’il s’agit de signes encourageants de reprise, les avis divergent.

Loin de l’unanimité
Actualité oblige, ces avis se concentrent sur la première fournée de touristes français débarqués, samedi, tambours battants, à l’aéroport Menara de Marrakech. Chapeautée par l’Office National Marocain du Tourisme (ONMT), cette arrivée intervient quarre semaines après le voyage à Paris d’Adil Fakir, patron de cet office sous tutelle du Ministère du Tourisme, lors duquel il avait rencontré les Tours Opérateurs Français. Elle n’en demeure pas moins considérée comme une simple opération marketing qui ne signale nullement la reprise réelle des commandes des TO européens à l’adresse du Maroc. «D’un point de vue économique, cette opération a un impact limité puisqu’elle ne concerne que le Club Med Palmeraie qui a accueilli les touristes français dans le cadre d’une réservation privée. En revanche, du point de vue marketing et effet psychologique, elle revêt une importance capitale du moment qu’elle démontre les capacités du Maroc à accueillir des touristes en période de Covid», nous dit un opérateur touristique de la ville ocre. Quoiqu’il en soit, l’opération de samedi a été couplée à une mitraille d’annonces de réouvertures de grands palaces de la ville comme l’Amanjena et la Mamounia, ainsi que par la reprise des attractions et activités qui animent habituellement la mythique place de Jamâa El Fna.

Ça c’est pour le côté vitrine. Côté cour et côté jardin, les réactions que suscitent ces tentatives de relance, restent généralement mitigées. «C’est bien de rameuter les médias pour filmer l’arrivée d’une centaine de touristes français. Mais en ville, la plupart des monuments restent fermés, idem pour les boîtes de nuit et autres lieux de divertissements très prisés, tandis que les rares restaurants qui n’ont pas baissé les rideaux à cause de la crise, sont astreints à des horaires de fermeture révisés à la baisse. Et le pire, c’est que rien n’est dit par rapport à la liberté de circuler à l’intérieur et en dehors de la ville», s’étonne notre interlocuteur, propriétaire d’un établissement qui a vu ses clients européens partis en escapade à Essaouira se faire refouler sous prétexte d’absence d’autorisation de circuler délivrée par le pacha ! L’absence d’une communication claire à ce sujet particulier concentre le plus grand nombre d’interrogations. Les autres concernent les capacités d’accueil de la ville passablement réduite en raison des nombreuses fermetures d’établissements.

Les Riads en détresse
Aujourd’hui à Marrakech, 70 hôtels sont ouverts contre une vingtaine seulement à l’apogée de la pandémie et du confinement. Si les grands hôtels se débrouillent sans trop de casse, quid des autres établissements ? Nous avons pris contact avec plusieurs propriétaires de Riads, unités hôtelières très prisées devenues une véritable marque de fabrique de la ville ocre. Ces derniers ne cachent pas leur scepticisme. «C’est de la communication, de la poudre aux yeux», martèle une gérante française d’un Riad situé au coeur de la médina de Marrakech à quelques mètres de la place Jamaâ El-Fna, en réaction à l’annonce de l’arrivée des nouveaux touristes. Notre interlocutrice déplore la situation lamentable des Riads qui continuent à supporter les ravages causés par la pandémie. «Les gens sont en train de mourir ici», assène-t-elle sur un ton colérique, en poursuivant : «Il n’y a pas de clientèle, les réservations des chambres pour le reste de cette année sont quasi nulles. Il faut aider les petites unités pour qu’elle puisse maintenir les emplois, tout en faisant face à la chute de leur chiffre d’affaires».

Au final et même si l’opération de Marrakech est porteuse d’espoir, la reprise du tourisme au reste tributaire de l’évolution de la situation sanitaire aussi bien chez nous que dans le monde. Et elle ne sera considérée comme effective que lorsque les  arrivées se compteront en centaines de milliers et non pas en dizaines, ainsi que quand les compagnies aériennes reprendront une bonne part de leur trafic. En attendant, rien n’empêche d’exploiter l’impact marketing de cette opération de relance à petite échelle, tout en essayant de l’exploiter comme un laboratoire d’expérimentation des bons process d’accueil en temps de pandémie, avec tout ce que cela présume comme réglage en matière d’organisation et de communication.
 
Anas MACHLOUKH
et Hajar LEBABI

3 questions à Hamid Bentahar

Hamid Bentahar
Hamid Bentahar
« L’ouverture définitive des frontières demeure la solution la plus efficace pour sauver le tourisme »

Hamid Bentahar, président du Conseil régional du tourisme de la région Marrakech-Safi, a répondu à nos questions sur les perspectives de la reprise du secteur dans la ville ocre après l’arrivée des premiers touristes.


- 160 touristes français sont arrivés à Marrakech, la Compagnie Ryanair a annoncé la reprise des vols en direction de la ville, ces signes constituent-ils le début d’une reprise du tourisme à Marrakech ?
- L’arrivée des touristes français est une bonne nouvelle, mais la reprise du tourisme à Marrakech prendra du temps. La seule manière d’accélérer ce processus est l’ouverture des frontières sachant que tous les vols qui s’effectuent maintenant sont des vols spéciaux.

Plusieurs compagnies aériennes ont envie de reprendre leurs vols à destination du Maroc et notamment à Marrakech. Ils n’attendent plus que l’ouverture officielle des frontières. La procédure des vols spéciaux est paralysante. Les compagnies aériennes ont besoin d’une visibilité à long terme pour pouvoir programmer leurs vols.

En somme, c’est un pas en avant qui va encourager les professionnels du tourisme et les partenaires étrangers à reprendre leurs activités, mais on attend toujours l’ouverture officielle des frontières pour que la saison d’hiver démarre véritablement.

- La suppression du test sérologique et la prolongation de la durée de validité du PCR est-elle fructueuse ?
- Il est clair que l’allègement des restrictions d’entrée au territoire pour les étrangers a eu un impact palpable, ça montre que les voyageurs n’ont pas perdu l’envie de voyager bien qu’ils en aient été empêchés. Pour aller de l’avant, nous recommandons de ne plus exiger les tests PCR au départ mais plutôt à l’arrivée, et ce, afin d’encourager les touristes, qui n’auront plus de difficultés de se faire dépister et pourront le faire ici au Maroc, sans pression.

- Marrakech demeure toujours soumise aux restrictions de déplacement, comment peut-on relancer le tourisme dans ces conditions ?
- En fait, les autorités locales sont mobilisées et nous travaillons ensemble pour faire tout ce qui est possible pour raviver le tourisme. Actuellement, les monuments sont ouverts et également certains commerces et restaurants ont rouvert sur la place de Jamaâ El Fna et dans plusieurs quartiers de la ville.
 
Recueillis par
Anass MACHLOUKH

Encadré

Reprise du tourisme : Agadir dans l’expectative
Alors que Marrakech accueille les premiers touristes après plusieurs mois de fermeture des frontières, Agadir sombre encore dans le désoeuvrement en attendant la reprise des vols de Ryanair. À défaut de touristes nationaux et étrangers, les établissements hôteliers de la capitale de la région de Souss ont du mal à sortir du marasme actuel. Les groupes de renommée peinent à renouer avec l’activité. « Il n’y a pas assez de demandes de réservations de la part de la clientèle », nous confie un responsable de Sofitel-Agadir qui pourtant indique que le tourisme d’affaires « marche plutôt bien ». Ce dernier affirme que les touristes sont quasi absents faute de vols internationaux. « En gros, la situation est décevante par rapport aux années précédentes », a-t-il conclu. Même constat pour l’ensemble des établissements touristiques de la ville « la situation reste très difficile pour les hôteliers à Agadir », nous confie Najia Onasser, Présidente de l’association de l’industrie hôtelière à Agadir. Elle ne semble pas optimiste pour les jours à venir malgré l’annonce d’une potentielle reprise des vols reliant la ville à quelques villes européennes. « Pour le moment, il n’y a aucune visibilité à Agadir bien que les informations circulent sur la reprise des vols par des compagnies étrangères, aucun vol n’est véritablement programmé pour le moment », a-t-elle renchéri.

Repères

Vols spéciaux : assouplissement des condition 
Le Maroc a décidé, depuis le 1er octobre 2020, d’assouplir les conditions d’accès au territoire marocain pour les étrangers, et ce, par des vols spéciaux. Les voyageurs doivent alors être munis d’un test PCR négatif qui ne dépasse pas les 72 heures, à la place des 48 heures exigées auparavant. De même, le test sérologique n’est plus obligatoire. Ceci dit, le trafic aérien reste très limité même s’il a une capacité de 285.000 sièges. Marrakech reçoit 18 avions par semaine, sachant que son aéroport comptait plus de 480 rotations hebdomadaires, avant l’impact de la pandémie.
Tourisme : une série de mesures
Selon un nouveau rapport du Fonds Monétaire Arabe (FMA) intitulé «l’impact du secteur du tourisme sur la croissance économique des pays arabes», le Royaume a entrepris une série de mesures pour atténuer les répercussions de la pandémie de la COVID-19. Sur le plan intérieur, le Maroc a mis en place de nombreuses mesures pour augmenter le nombre des nuitées hôtelières avec des touristes nationaux et proposer des offres et produits touristiques adaptés aux coutumes, traditions et aux habitudes de consommation et de voyages des locaux.