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Maroc - Russie / Interview avec Emmanuel Dupuy : Les dessous d’une relation plus que jamais fluctuante


Rédigé par Anass MACHLOUKH Jeudi 2 Février 2023

Entre le Maroc et la Russie, les relations semblent plus que jamais soumises aux fluctuations conjoncturelles et géostratégiques. Analyse et interview avec Emmanuel Dupuy.



Attendu au Maroc début février, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ne se rendra finalement pas au Royaume suivant le calendrier préalablement fixé. Sa visite a été reportée jusqu’à nouvel ordre, apprend-on d’une source diplomatique russe qui n’a pas donné davantage de détails sur les raisons de ce report subit. De son côté, une source marocaine autorisée nous a informé que le report de la visite de Lavrov au Maroc résultait non pas d’une quelconque mésentente ou crise diplomatique de dernière minute, mais simplement des contraintes protocolaires et calendaires liées à la concomitance de cette visite avec l’organisation au Royaume de la Réunion de Haut Niveau maroco-espagnole. Notre source a tenu à ajouter que des changements de planning peuvent toujours survenir.
 
Annoncée depuis le mois de novembre 2022, par des médias russes tels que Sputnik qui a avait cité une déclaration de Mikhaïl Bogdanov, Représentant spécial du président de la Fédération de Russie pour le Moyen-Orient et l'Afrique et vice-ministre des Affaires étrangères, la visite de Lavrov entrait dans le cadre d’une grande tournée africaine du chef de la diplomatie russe. Ce dernier a ainsi débuté son périple en visitant l’Afrique du Sud, l’Angola et l’Eswatini. Il s’est rendu ensuite à l’Érythrée et était, jusqu’à l’écriture de ces lignes, le mercredi 1er février, toujours attendu à Nouakchott et Bamako, respectivement capitales de la Mauritanie et du Mali. 
 
La tournée de Lavrov est présentée par la presse internationale comme une opération de séduction de la diplomatie russe qui veut renforcer son influence en Afrique où elle ne fait plus mystère de son entrisme politique, économique et même militaire à travers la vente traditionnelle d’armes, mais aussi et surtout à travers l’envoi de contingents entiers de la force paramilitaire-mercenaire de Wagner, notamment au Sahel. Au Maghreb, le jeu d’influence russe est plus que jamais soumis aux diktats des équilibres géostratégiques impossibles entre les deux forces régionales et non moins frères-ennemis, le Maroc et l’Algérie. Pourquoi la Russie attache-t-elle un si grand intérêt au Maroc, bien qu’elle soit l’allié principal de l’Algérie ? Comment pourrait-elle concilier l’inconciliable proximité avec deux pays en situation de haute tension géopolitique ? Réponses d’Emmanuel Dupuy, Président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), qui nous livre sa lecture. 
 
- Dans le cadre de sa tournée en Afrique, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, devait également visiter le Maroc. Qu’est-ce qui explique cet intérêt de la Russie pour le Maroc, ennemi juré de son allié algérien et allié traditionnel de ses ennemis occidentaux, européens et américains ? 
 
- En effet, il faut inscrire la visite de Sergueï Lavrov dans son contexte général. Cette tournée africaine l’a mené à plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud, ce qui témoigne d’une volonté de renforcer les liens avec les partenaires traditionnels de la Russie au sein du BRICS. En ce qui concerne le Maroc, le rapprochement trop ostensible entre la Russie et l’Algérie a été mal accueilli par l’opinion marocaine. Je perçois, donc, la visite de Lavrov comme un exercice de style et une opération de séduction pour ne pas perdre totalement pied au Maroc qui demeure l’un des acteurs importants aux yeux de la Russie en Afrique. La diplomatie russe veut donner l’impression qu’il n’y a pas un axe Moscou-Alger qui se positionnerait contre l’axe Rabat-Washington. Meilleure preuve en est que Sergueï Lavrov n’a eu de cesse d’évoquer l’attitude du Maroc qui n’a pas participé au vote de la Résolution de l’ONU ayant condamné l’opération militaire russe en Ukraine. Pour toutes ces raisons, Moscou veut préserver les liens avec Rabat d’autant plus que le Royaume a des rapports compliqués avec la France actuellement. Les Russes peuvent y voir une aubaine et une opportunité à saisir dans leur volonté de continuer à accroître leur influence en Afrique au détriment de la France. 
 
« La Russie ne veut pas perdre pied au Maroc »
 
- Pensez-vous que le fait que la Russie soit l’allié militaire principal de l’Algérie soit une entrave dans les relations maroco-russes ? 
 
- Il est évident que cela va finir par poser problème au Maroc, surtout que l’établissement d’une base militaire russe en Algérie, précisément à Tamanrasset, serait avéré et concret. A cela s’ajoute le fait que les Russes vendent massivement des armes à l’Armée algérienne dont un dernier contrat estimé à 12 milliards d’euros. Ceci montre que l’Algérie est en train de « se russifier » et s’orientalise en se rapprochant, en même temps, de l’Iran.  Permettez-moi de rappeler qu’il y a également un rapprochement singulier entre les Forces spéciales algériennes et leurs homologues russes à travers les exercices conjoints. Il ne faut pas oublier que l’Armée algérienne (ANP) a participé à l’exercice VOSTOK en septembre 2022. Ce rapprochement semble vu d’un mauvais œil du côté américain. Comme la Russie est plus présente militairement en Algérie et comme les mercenaires de Wagner peuvent s’étendre au-delà du Mali et aller s’installer jusqu’en Burkina-Faso, les Etats-Unis se sentent inquiets pour leurs propres intérêts dans la région. C’est pour cela qu’ils vont réagir en tâchant d’intensifier leur coopération avec le Royaume. Il faut garder à l’esprit que l’Administration américaine a pris acte des déclarations du Polisario qui ont fait part de leur volonté d’utiliser les drones iraniens pour attaquer le Maroc, ce qui ouvre les portes de la région à l’Iran. Tout cela créée une nouvelle donne qui fait de facto du Maroc un allié incontournable des Etats Unis et de l’OTAN en Afrique.

 
« L’Algérie montre qu’elle est en train de se « russifier » et de s’orientaliser en se rapprochant, en même temps, de l’Iran »  
 
- L’Administration américaine ira-t-elle jusqu’à imposer des sanctions contre l’Algérie comme l’ont revendiqué certains sénateurs ? 
 
- Personnellement, je ne pense pas qu’ils vont procéder ainsi. J’estime qu’ils vont opter simplement pour une stratégie tout à fait différente en renforçant leur coopération avec les pays qui n’ont pas le même agenda que l’Algérie, comme le Maroc et le Sénégal qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des Américains. Je rappelle que l’Administration américaine a fait du Sénégal un champion de la coopération économique en Afrique de l’Ouest. Pour répondre à votre question, je ne vois pas les Etats-Unis exercer une quelconque pression sur l’Algérie à cause de son rapprochement avec la Russie. J’en veux, pour preuve que la proposition de quelques sénateurs américains de sanctionner Alger n’a pas été suivie d’effets et n’a finalement pas été votée. Cela veut dire qu’il n’y a pas assez de majorité au Capitole pour le faire. 
 
- En plus d’être le théâtre de la rivalité entre les Etats-Unis et l’Europe, l’Afrique est de plus en plus évoquée comme le champ de bataille d’une guerre d’influence entre la Russie et la Chine. Qu’en pensez-vous ? 
 
- Je pense qu’il ne faut pas mettre la Chine et la Russie au même niveau. Pékin se contente de l’influence économique et n’intervient militairement que dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. La Chine ne dispose que d’une seule base militaire à Djibouti. Par contre, cette sorte de rivalité, dont vous parlez, concerne plus la Russie qui a renforcé sa présence militaire en Afrique au cours des années précédentes. Les «musiciens» de Wagner sont déployés aussi bien en Afrique de l’Ouest qu’en Libye. La Chine et la Russie, je rappelle, n’ont pas forcément les mêmes intérêts en Afrique, sachant que la présence russe est dressée contre les Etats-Unis et les puissances européennes, dont elle veut réduire l’influence. 
 
- Il y a eu des rumeurs sur une future base militaro-industrielle américaine au Maroc qui ont été finalement démenties. Pensez-vous qu’une telle hypothèse soit possible dans les années à venir si la rivalité entre Russes et Américains atteigne son paroxysme ?
 
- Le Maroc est considéré comme un allié particulièrement des Etats-Unis au cas où il y aurait des conflits de haute intensité. Il est logique que les Etats-Unis intensifient leur coopération militaire avec le Maroc. Si les Américains pensent un jour à établir une base en Afrique du Nord, le choix du Royaume paraîtrait tout à fait logique. En plus des exercices conjoints, n’oublions pas qu’il y a une intensification de la présence des officiers marocains dans les écoles de formation américaines. Aussi, les Etats-Unis s’engagent de plus en plus dans la formation des officiers des FAR au Maroc. Ceci s’explique par plusieurs raisons.

Premièrement, la profusion des risques sécuritaires en Afrique qui inquiète les Américains. J’en cite, à titre d’exemple, l’extension du terrorisme au-delà du Sahel. Deuxièmement, les Américains veulent sécuriser davantage le détroit de Gibraltar et renforcer leur contrôle de la façade atlantique de l’Afrique de l’Ouest pour prévenir le risque de l’accroissement de la piraterie et du trafic pétrolier dans le Golfe de Guinée.  

 
« Si les Américains pensent un jour à établir une base en Afrique du Nord, le choix du Royaume paraîtrait tout à fait logique »
 
- Vous avez évoqué le Sahel, est-il possible que les Etats-Unis s’investissent plus dans la région au détriment de la présence française ? 
 
- Non, cette hypothèse me semble irréaliste pour la simple raison que les pays de la région comme le Mali et le Burkina-Faso veulent désoccidentaliser la lutte contre le terrorisme pour l’« africaniser » davantage. Les Etats-Unis n’ont pas intérêt à commettre la maladresse de prendre la place des Français qui, eux-mêmes, ont été chassés. 
 
Propos recueillis par Anass MACHLOUKH


 

Maroc - Russie : Le commerce va crescendo

Depuis le début de cette année, la Fédération de Russie a augmenté ses expéditions d’exportation de carburant diesel vers plusieurs pays, dont le Maroc et la Turquie notamment, et ce, à l’approche de l’embargo de l’Union Européenne (UE) sur les produits pétroliers russes. En janvier, l’approvisionnement en diesel du Royaume depuis la Russie a atteint près de 140.000 tonnes, sachant qu’en 2022, les importations depuis le même fournisseur ne dépassaient pas les 735.000 tonnes contre 66.000 tonnes en 2021.
 
Selon les données datant du mois de novembre 2022 de Volza - institution de fourniture des informations stratégiques - l’approvisionnement du Maroc en diesel a été effectué par 86 importateurs marocains auprès de 71 fournisseurs. D’après la même source, le Maroc importe la majeure partie de son diesel d’Inde, de Turquie et d’Espagne.
 
Ceci dit, les rencontres entre les responsables marocains et russes se multiplient ces derniers temps, dans l’optique de porter la coopération des deux pays à un niveau supérieur. La dernière en date a eu lieu à Moscou, entre le représentant spécial du président de la Russie pour le Moyen-Orient et l'Afrique, le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhail Bogdanov, et l'ambassadeur du Maroc à Moscou, Lotfi Bouchaara. Les deux parties ont échangé sur les voies de développement progressif des relations maroco-russes, sur les plans économique et politique. Il est à noter qu’en 2021, le volume des échanges entre Rabat et Moscou a augmenté de 42% pour atteindre 1,6 milliard de dollars. Selon le représentant commercial de la Fédération de Russie au Maroc, Artem Tsinamzgvrishvili, «le Royaume du Maroc reste le partenaire commercial le plus important de la Russie en Afrique ».

L’info...Graphie


Algérie - Russie : Tebboune attendu à Moscou en mai

Au moment où nous avons reçu l’information sur le report de la visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, au Maroc, la présidence algérienne a annoncé, dans un communiqué, que Abdelmadjid Tebboune se rendra en Russie en mai pour une visite d’Etat. Une visite qui a été convenue, mardi, lors d’un entretien téléphonique entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue algérien. Selon le communiqué, les deux parties ont évoqué « les relations bilatérales entre les deux pays et plus particulièrement les horizons de la coopération énergétique », tout en abordant « la réunion du grand comité mixte algéro-russe », dont la date n’a pas encore été fixée. Notons que Moscou est le plus grand fournisseur d’armes d’Alger, tandis que le régime des généraux est le troisième importateur d'armes russes dans le monde. Pour leur part, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 3 milliards de dollars en 2021.








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