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Maroc-France : Le message d’espoir de Christophe Lecourtier


Rédigé par Anass Machloukh Lundi 17 Juillet 2023

À l'occasion de la célébration du 14 juillet, l'ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, a prononcé un discours élogieux à l'égard du Royaume, dans lequel il a plaidé en faveur de l'amitié franco-marocaine, dans un contexte de crise.




« Le Maroc est un modèle de stabilité politique et sociale dans la région (…) la guerre en Ukraine, la pandémie et la sécheresse l’ont éprouvé, mais il a su démontrer sa capacité à garder intacte sa grande volonté de réforme ». C’est l’une des phrases élogieuses que l’ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, a prononcées dans son long discours, tenu lors de la célébration du 14 juillet à l’ambassade de France à Rabat. Un discours qui reflète la volonté de Paris de tourner la page d’une crise qui s’éternise entre les deux pays. Une volonté qui se heurte à une réalité difficile où des désaccords se sont accumulés dans plusieurs dossiers stratégiques.
 
Dans son discours, minutieusement rédigé, aux allures d’un plaidoyer optimiste pour l’amitié franco-marocaine, l’ambassadeur a plaidé pour que les deux pays orientent leur regard vers l’avenir. Il a ainsi fait montre d’une prise de conscience de l’ampleur des tensions maroco-françaises, notant qu’il « ne faut pas insulter l’avenir ». « Alors que l’on disserte beaucoup sur des turbulences qui sont le lot des relations les plus intimes, il m’a semblé plus juste de rappeler les réalités humaines qui nourrissent les relations entre la France et le Maroc et qui parlent d’elles-mêmes », a-t-il insisté, ajoutant, que négliger ce paramètre « serait insulter le passé et le talent déployé par ceux qui nous ont précédés à construire une relation qui n’a pas d’équivalent pour nous hors de l’Europe ».

Si l’ambassadeur s’est évertué à adresser ce message d’espoir, c’est parce que rien n’indique, pour le moment, une détente entre le Maroc et la France qui n’ont pas encore tourné la page de la crise silencieuse qui perdure. En témoigne le report jusqu'à nouvel ordre de la visite du président Emmanuel Macron au Maroc. À quoi s’ajoute le fait que le Royaume n’a pas encore nommé un successeur à Mohammed Benchaâboun à la tête de l’ambassade marocaine à Paris.

Les turbulences actuelles ne sauraient avoir raison de l’amitié franco-marocaine, un message que l’ambassadeur français a pris soin de transmettre par son discours.

Des louanges et des messages de rassurance

« Le Maroc est toujours un partenaire essentiel pour l’Europe et particulièrement pour la France », a-t-il repris, ajoutant que la France est déterminée à approfondir un partenariat qui peut relever plusieurs des défis et apporter des réponses.

Christophe Lecourtier a évoqué trois dimensions où le partenariat franco-marocain peut progresser davantage dans les années à venir. Il en a cité la culture et l’éducation. Selon lui, la France veut tirer le plus grand profit des 48.000 élèves du réseau français au Maroc et des 46.000 étudiants marocains qui forment la première communauté étudiante étrangère en France, pour serrer les liens humains et culturels entre les deux pays. Une priorité, semble-t-il, pour les autorités françaises qui veulent protéger l’influence du français au Royaume contre la concurrence de l’anglais qui suscite de plus en plus d’engouement chez la jeunesse marocaine. « C’est le socle sur lequel nous sommes résolus à continuer à construire », a précisé l’ambassadeur.

Lecourtier a cité également l’économie comme axe principal de développement des relations franco-marocaines. « Les deux pays sont, l’un pour l’autre, le partenaire économique de référence », a-t-il insisté, faisant part de la fierté de son pays d’avoir contribué, par l’intermédiaire du vaste réseau d’entreprises françaises implantées au Royaume, à développer plusieurs secteurs industriels de premier plan tels que l’automobile et l’aéronautique.
 
Christophe Lecourtier a été nommé dans son poste en décembre 2022 par le président Macron. Il est arrivé au Maroc au courant du même mois. Il lui incombe de redresser l’axe Paris-Rabat dans un contexte de crise difficile. Une crise qui serait due à plusieurs désaccords de fond entre les deux pays qui, semble-t-il, n’ont plus la même perception de la relation qui les réunit, telle que conçue à la veille de l’indépendance du Royaume. Cela dit, la conjoncture internationale comme la situation de chaque pays ont tellement évolué qu’ils ne peuvent plus rester dans le schéma de la relation paternaliste dont se sont accommodés les dirigeants français. « Ce qui se passe maintenant, c’est une évolution de perception. Le Maroc n’accepte plus le regard paternaliste de la France », lâche un diplomate qui a assisté à la célébration du 14 juillet, sans nier que les politiques français, en tout cas ceux qui gravitent autour de l’Élysée et des cercles des conseillers du président français ne semblent pas réaliser cette réalité.

« Nous sommes dans une situation où un pays devenu autonome et sûr de lui-même et qui pèse désormais dans l’échiquier régional, exige qu’on le traite en tant que tel sans qu’on ne le voie de haut », souffle le diplomate qui connaît très bien les coulisses des cercles diplomatiques mondains à Rabat.

Notre interlocuteur, qui a requis l’anonymat, pense que les Français ne se sont pas encore débarrassés de la condescendance qui caractérise leur comportement avec leurs partenaires en Afrique. « D’ailleurs, c’est ce qu’on leur reproche », insiste-t-il, soulignant que la crise entre le Maroc et la France est plus profonde qu’un simple mécontentement de Rabat du tropisme algérien d’Emmanuel Macron comme le font croire certaines analyses médiatiques. « Aujourd’hui, on exige de la réciprocité dans les relations internationales, même entre Etats ayant des niveaux de développement et de puissance différents. Il faut qu’on comprenne cela », souligne le diplomate.

Le business prospère quand la politique se tait !

Bien que sérieuse, la crise entre le Maroc et la France, rappelons-le, se borne au périmètre politique, puisque le business entre les deux pays se poursuit avec un dynamisme remarquable. Force est de constater que les échanges commerciaux n’ont eu de cesse d’augmenter (voir encadré). Il en est de même pour la coopération militaire.
 

Encadré



Le négoce en plein essor

La tension diplomatique n’a eu aucune incidence sur le commerce qui progresse. En 2022, les échanges commerciaux entre les deux pays ont connu une forte croissance. Le volume global des échanges a atteint durant l’année écoulée 13,4 milliards d’euros, soit 147 milliards de dirhams, selon les chiffres du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères. Il en ressort une hausse de 24% par rapport à 2021. La France, qu’on le rappelle, a augmenté ses exportations vers le Royaume de 40% durant 2022 pour atteindre 6,5 milliards d’euros, tandis que le Maroc a exporté vers l’Hexagone 6,9 milliards d’euros, soit une hausse de 12,1% par rapport à l’année précédente.