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Maroc-Espagne : Enjeux et promesses de la 13ème Réunion de Haut Niveau


Rédigé par Anass Machloukh Mercredi 3 Décembre 2025

Le Maroc et l’Espagne tiennent la 13ème réunion de haut niveau à Madrid pour consolider leur entente. Les intérêts partagés priment sur les questions qui fâchent. Décryptage.



C’est l’heure des retrouvailles. Le Maroc et l’Espagne se retrouvent à Madrid où se tient actuellement la réunion de haut niveau aux allures d’un sommet d’une importance cruciale pour les deux pays qui préparent maintenant la nouvelle étape. L’enjeu est de consolider une idylle durement acquise depuis la réconciliation en 2022 malgré les défis et les questions sensibles qui restent à trancher. 

Le ministre espagnol de l'Intérieur a ouvert le bal avec une déclaration d'amour à l'égard du Maroc. "Les relations entre les deux pays transcendent le simple voisinage, c'est une relation fraternelle et presque familiale", a-t-il affirmé devant les caméras.  

Ce rendez-vous est préparé dans la plus grande confidentialité à l'abri des regards médiatiques du côté espagnol. Des médias ibériques, connus pour leur intérêt trop affiché pour la question marocaine, se demandent pourquoi tant de discrétion sachant que le programme ne prévoit pas des conférences de presse ouvertes aux questions. Une façon peut-être pour apporter la sérénité aux discussions qui portent sur des sujets de fond loin du vacarme médiatique et du regard toujours suspect de la presse espagnole. En plus des réunions à l’échelle gouvernementale, un sommet d’affaires est également prévu au siège de la Confédération espagnole des organisations commerciales où on déroule le tapis rouge au patronat marocain.  

Consolidation les acquis loin du vacarme politique 

La dernière réunion de ce genre date de 2023. Le Premier ministre, Pedro Sanchez s’est rendu à la tête d’une délégation importante. Un climat d’entente avait régné sur les discussions qui se sont soldées par une vingtaine d’accords de coopération dans plusieurs secteurs. 

Maintenant, on cherche des deux côtés à rester sur cette lancée pour aller plus loin malgré la perturbation de l’opposition de droite qu’incarne le parti populaire qui fait tout pour discréditer ce rapprochement. Le leader de PP, proche de l’extrême droite de Vox, n’a eu de cesse de faire obstruction depuis son arrivée à la tête du parti qui ne cesse de remettre en cause le soutien espagnol au plan d’autonomie sous prétexte de rupture du prétendu consensus partisan. 

Malgré cela, le gouvernement socialiste garde le cap clair avec une détermination de fer pour consolider l'amitié maroco-espagnole et garder les acquis de la réconciliation bien que les questions qui fâchent ne manquent pas, à commencer par le sort des douanes commerciales de Sebta et Melilia. 

Les questions épineuses 

Celles-ci sont redevenues opérationnelles conformément aux engagements pris dans la déclaration conjointe de 2022. Mais, les Espagnols ne semblent pas satisfaits de l’état actuel et revendiquent  plus d’échanges commerciaux au moment où le passage de marchandises est jugé faible du côté espagnol malgré la reprise progressive. Depuis la relance du commerce terrestre après 7 ans de fermeture, le Maroc a été clair. Le commerce avec les deux enclaves doit être ordonné et strictement encadré par les canaux légaux pour en finir avec la contrebande. 

Depuis 2020, le Royaume a entrepris un vaste plan de développement du nord avec des zones économiques comme celle de Fnideq pour rompre la dépendance des populations au commerce illégale avec les deux enclaves. 

Ce qui est peu apprécié par les gouvernements locaux, soutenus par l’opposition de droite qui ne manque aucune occasion pour accuser à tort le Maroc d’une volonté d'étranglement. Ce qui n’est pas le cas vu qu’il s'agit simplement d’une façon de promouvoir l’autonomie économique des habitants des zones proches des deux enclaves qui ont été durement impactés par la suspension du commerce pendant la pandémie. 

Le deal conclu en 2022, tel que acté dans la déclaration conjointe, est clair. Les deux parties se sont engagées à rétablir la pleine normalisation de la libre circulation des biens des personnes et des marchandises, mais, “de façon ordonnée”. Cela vaut à la fois pour les liaisons terrestres et maritimes. 


Parmi les autres points sensibles l’immigration illégale qui a été remarquablement contrôlée au file des trois années précédentes. Le Maroc continue de déployer une vaste ceinture sécuritaire au nord comme le long des côtes proches des Îles Canaries pour empêcher autant que possible les traversées clandestines comme ce fut le cas lors de la tentative de migration massive depuis Fnideq qui fut totalement avortée, le 15 septembre 2024, grâce à un déploiement d’une ampleur précédent des forces sécuritaires marocaines. Jusqu’à présent, le Maroc continue de s’acquitter de son rôle de gendarme conformément à ses engagements. 

Frontières maritimes ou le difficile compromis 

Autre sujet épineux, les frontières maritimes aux larges des îles Canaries dont la délimitation doit faire l’objet d’un accord entre les deux pays. Jusqu’à présent, le sujet est abordé avec précaution. Du côté marocain, le dialogue est l’unique moyen d’y parvenir. Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a déclaré, en août 2025, que le Maroc est attaché au dialogue avec l'Espagne sur ce sujet. Pour l’instant, les deux parties font preuve de bonne volonté. Mais, les discussions ne sont nullement aisées vu la sensibilité de ce dossier. On parle d’une zone maritime qui regorge de richesses minérales et de terres rares. Chaque partie revendique sa zone économique exclusive et un partage des gisements précieux notamment ceux du fameux mont Tropic qui se trouverait à 200 miles marins dans le croisement des plateaux continentaux, ce qu’en fait une zone très convoitée. C’est pour cette raison que le gouvernement régional des Îles Canaries veut inlassablement prendre part à la réunion de haut niveau. 

Le business au top des priorités

Par ailleurs, le business demeure le point focal des retrouvailles maroco-espagnole. C’est ce qui marche le mieux dans cette relation exceptionnelle depuis la réconciliation entre Rabat et Madrid. Le commerce n’a jamais été aussi florissant qu’aujourd’hui avec un volume jamais atteint auparavant. En 2025, les échanges ont franchi la barre de 22,7 milliards de dollars, selon les chiffres d’Eurostat.  Un record historique, faisant de l’Espagne le premier partenaire commercial du Maroc qui, rappelons-le, est son premier client en Afrique avec une part de 61% des exportations destinés au continent. 

En somme, l’Espagne demeure excédentaire avec le Maroc avec 12,859 milliards d’euros d'exportation contre 9,834 milliards d’euros du côté marocain. Le Maroc occupe désormais une place importante dans le commerce mondial du Royaume ibérique. Il s’agit du dixième fournisseur mondial de l'Espagne et le quatrième en dehors de l'UE, après la Chine, les États-Unis et le Royaume-Uni. En 2023, selon la même source, le Royaume a dépassé même la Turquie. 

Il en est de même pour les investissements. Le Maroc est le premier foyer des investissements espagnols en Afrique avec un stock estimé à 1,9 milliards d’euros. 

L’Espagne veut maintenant aller plus loin et garde et ne cache pas sa volonté de s’emporter les contrats des grands projets. D’où l’intérêt des forums d’affaires. Madrid espère gagner plus de parts de marché dans les années qui viennent, profitant ainsi des opportunités du Mondial 2030 Le gouvernement espagnol capitaliser leur sa position favorable au plan d'autonomie pour le Sahara pour s’emparer d’une part plus du gâteau Pedro Sanchez a évolué le potentiel à 45 milliards de dollars d’ici 2045. Les Espagnoles s’imposent de plus en plus dans les appels d’offres. Ils ont déjà fait un premier pas en remportant une partie des contrats de livraison des trains inter-villes accordés à la société CAF. L’Espagne place ses ambitions très haut et veut même concurrencer la place privilégiée de la France à l’échelle des grands investisseurs au Royaume. Madrid parie sur l'idylle actuelle et veut clairement tirer un profit économique de soutien à la marocanité du Sahara. 







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