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Marché des Médicaments : La Mission exploratoire épingle le ministère dans un rapport mitigé


Rédigé par Anass MACHLOUKH Jeudi 8 Juillet 2021

Après huit mois d’investigations, les députés de la Mission exploratoire ont rendu leur verdict sur le fonctionnement de la Direction du Médicament et de la pharmacie et de sa gestion du Covid-19. Procédures d’enregistrement, industrie pharmaceutiqdes médicaments, le rapport tant attendu a dévoilé plusieurs dysfonctionnements. Détails



Après des mois d’enquête, la mission exploratoire a rendu, mercredi, son rapport sur la Direction du Médicament, du ministère de la Santé, lors d’une réunion de la Commission des secteurs sociaux, en présence du ministre Khalid Ait Taleb et la directrice de la DMP Bouchra Maddah. Il s’agit des conclusions des députés de la mission sur la situation financière et administrative de cette Direction stratégique, ses rapports avec les firmes pharmaceutiques et son respect des dispositions de la loi N°17.04 formant Code du médicament et de la pharmacie.

Très attendu, le document, auquel L’Opinion a pu accéder, est le fruit d’une série d’enquêtes et visites de terrain, effectuées par les députés qui se sont entrevus régulièrement avec les différents responsables de la Direction et de grands laboratoires à savoir Sothema, Pharma V, Cooper Maroc et Pharmaprom et Sun Pharma.

Autorisation de mise en marché : plusieurs manquements

La mission exploratoire s’est penchée d’abord sur le fonctionnement de la Direction des Médicaments, un département qui, rappelons-le, a connu une vaste opération d’assainissement, après le limogeage de quelques responsables au sein de la division de la Pharmacie et de l’homologation suite à quelques soupçons de corruption et de collusion avec certains laboratoires dans l’octroi des autorisations de mise en marché.

Sur ce point, le rapport a relevé quelques irrégularités au niveau des procédures d’enregistrement des produits et dispositifs médicaux, soulignant l’autorisation de certains médicaments sans examen de qualité.

Le document signale également des traitements de faveur accordés à certains groupes étrangers, au détriment des fournisseurs marocains. En témoigne le retard de sortie des lits et respirateurs artificiels 100% marocains, un problème qui est censé être réglé après la mise en place d’une plateforme dédiée à la réception et au traitement des demandes de mise en marché.

En effet, le ministère de la Santé a justifié ces retards par le fait qu’il n’y avait pas assez de ressources humaines pour faire face aux nombreux dossiers d’autorisations reçus.

S’ajoute à cela des problèmes techniques au niveau du système électronique. La durée de traitement des demandes ne doit pas dépasser 2 ans pour l’homologation des médicaments et 4 mois pour le matériel médical, selon les explications la directrice de la DMP Bouchra Maddah, qui a précisé au passage que son département a harmonisé la liste des pièces requises pour l’ensemble des demandes afin de simplifier la procédure.

Covid-19 : une gestion jugée correcte

La gestion de la période du Covid- 19 a été au coeur des investigations, notamment le volet de l’approvisionnement et des passations des marchés d’acquisition des médicaments et tests anti-Covid-19. Le rapport fait état d’un budget de 3 milliards de dirhams alloué à la gestion de la pandémie, dont 1,6 milliard dédié à la Pharmacie centrale. Les tests PCR ont mobilisés près de 632 millions de dirhams, là où les médicaments anti-Covid-19 et autres dispositifs ont nécessité 653 millions.

La facture du gaz à usage médical utilisé dans les hôpitaux, a également pesé lourdement sur le budget en s’accaparant 1,1 milliard de dirhams. Les contrats d’achat de ces produits n’ont évidemment pas été conclus conformément à la réglementation en vigueur, c’est-à-dire que le ministère n’a pas fait de publicité préalable d’appels d’offre ni respecté les exigences de la concurrence, vu l’urgence de la situation.

Cette dérogation a été permise par un décret signé le 16 mars 2020 par le Chef du Gouvernement Saâd Dine El Othmani, qui a permis à Khalid Ait Taleb de déplafonner les dépenses par bons de commande et lui a accordé la possibilité de conclure les marchés sans publicité préalable et sans production de certificat administratif.

Il n’empêche que le ministère a précisé avoir respecter le principe du moins disant en comparant les prix proposés par les différents fournisseurs aux prix des dix dernières années. Le rapport dévoile également la facture d’acquisition des produits biomédicaux destinés à la prise en charge des patients Covid-19. La tutelle a également renforcé ses capacités de 2.248 lits de réanimation, 130 scanners et 6.300 lits d’hôpitaux et d’autres installations entre mars et décembre 2020.

Coût total de l’opération 1,4 milliard de dirhams. Le rapport n’a pourtant pas dévoilé les détails des contrats et l’identité des fournisseurs, et ceci fait l’objet d’une autre mission exploratoire qui n’a pas encore rendu son rapport.

Concernant la vitamine C et le Zinc, dont la pénurie dans les pharmacies durant les premiers mois de la pandémie avait fait polémique, le rapport ne donne pas assez d’explications sur les raisons de cette pénurie. Des sources au sein du ministère et de la DMP nous ont indiqué qu’il s’agissait d’un problème de production vu qu’il y‘avait seulement deux laboratoires producteurs qui ne pouvaient pas faire face à la hausse spectaculaire de la demande. En outre, le rapport évoque la saisie de grandes quantités défectueuses de vitamine C.

En gros : la mission exploratoire a conclu que « le département de Khalid Ait Taleb a géré efficacement le défi du Covid-19 en assurant l’approvisionnement du système de Santé ».

Industrie pharmaceutique : une industrie « asphyxiée » !

Le rapport a reconnu que les prix des médicaments au Maroc restent très élevés par rapport à d’autres pays comparables au nôtre. Les députés de la mission exploratoire ont cherché à savoir si le ministère de la Santé facilite l’accès au médicament en encourageant l’industrie pharmaceutique nationale.

La réponse est négative, le rapport estime que le département de Khalid Ait Taleb n’encourage pas assez la production de médicaments génériques ni la production locale qui ne couvre que 51% des besoins du pays alors que l’objectif initial était d’atteindre une couverture de plus de 80%. Le développement de la production du générique demeure, selon la mission exploratoire, entravée par le manque de laboratoires de bioéquivalence, ce qui pousse le Maroc à importer plusieurs médicaments qu’il peut produire localement. Ceci coûte 55 milliards en devises chaque année, déplore le document.

La lenteur administrative en est pour cause, certains médicaments tardent à obtenir les autorisations du fait de l’intervention de certains lobbies. C’est ce qui a été à l’origine du limogeage de responsables au sein de la DMP. En effet, dans une précédente enquête, L’Opinion avait dévoilé quelques pratiques douteuses de certains laboratoires qui ont pris l’habitude de gratifier des responsables de bons d’achat pour sécuriser des marchés.

En plus de ça, le rapport a pointé quelques autorisations accordées à des Laboratoires qui importent des médicaments dont la qualité n’est pas garantie, tout en reconnaissant les efforts consentis par la Direction du Médicament et de la Pharmacie pour durcir les inspections dans ce genre de laboratoires.
 
Anass MACHLOUKH

Recommandations de la Mission exploratoire
 
Sur la base de son évaluation du travail de la Direction, la mission exploratoire a livré une série de recommandations afin de remédier aux dysfonctionnements actuels et d’améliorer la politique pharmaceutique. Le Rapport préconise vivement la mise en place « l’Agence nationale du médicament et des produits de santé », une instance régulatrice indépendante du ministère de la Santé, censée supplanter la direction du Médicament.

Cette Agence ne manquera pas de voir le jour et fait déjà le consensus auprès de l’ensemble des acteurs du secteur médical qui l’ont exprimé lors du débat national sur la réforme de la politique pharmaceutique. Le rapport recommande une simplification des procédures d’enregistrement par l’accélération de leur numérisation. Il est également préconisé de renforcer les effectifs de la direction des Médicaments. S’agissant de l’industrie pharmaceutique, la mission exploratoire a appelé à encourager la production nationale du médicament générique. Pour ce faire, il faut revoir l’autorisation des médicaments importés afin de favoriser l’industrie locale, estime le rapport.








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