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Culture

Magazine : Les musiques des tons nouveaux


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 31 Juillet 2022

Il y a quelques temps, nous évoquions les coups de coeur de la saison qui s’achève en matière d’art. Nous remettons le couvert pour rappeler quelques pépites musicales, la subjectivité comme ligne de conduite.



Othman Wahabi, une aliénation des sens par l’émotion.
Othman Wahabi, une aliénation des sens par l’émotion.
Classieux Sofiane Pamart

Le pianiste est Français de père et de mère. Il traîne dans ses veines et dans ses compositions les effluves d’un arrière-pays marocain. Classique de formation, il enlace le rap qui fait de lui une vedette. Son dernier opus le porte haut, avec luxe. Depuis la récente sortie de son deuxième album «PlanetGold» (enregistrement revu et augmenté de son premier où tous les titres renvoient à des villes ou des lieux à travers la planète), le pianiste est affublé de qualificatifs qui font autant plaisir que peur : «exceptionnel», «génial», «unique»… Pourvu que ça dur !

Pour l’instant, Sofiane fonce tête haute. Rien ne paraît l’intimider. Son répertoire est celui d’un jongleur habile. Biberonné à la dure au classique, il prend ses libertés en flirtant avec le… hip hop. Le jazz fait également partie du tableau de chasse du compositeur prodige avec une prestation au select Montreux Jazz Festival. Le 16 décembre dernier, il dit au micro de France-Inter : «Je suis en plein rêve éveillé de tout ce que j’ai projeté quand j’étais enfant.» Sauf un, celui du meilleur pianiste du monde, comme il s’évertue à répéter. Entre-temps, il compose, en les accompagnant, pour de grands noms du rap francophone du moment : Scylla, Médine, Laylow, Sneazzy, Vald, KobaLaD, Dinos… et le slameur Grand Corps Malade.

Inclassable Oum

L’auteure-compositrice interprète de Daba et Hals repousse toute étiquette musicale : « Disons que j’ai arrêté de souffrir de ne pas savoir donner un genre à la musique que je fais. Le genre, ça limite. Il faut s’en libérer si on veut écouter qui nous sommes. Ce qui m’importe c’est de sentir qu’il y a une justesse, un alignement entre ce que je ressens, ce que j’écris, compose et chante. La musique de chacun est comme une audio-identité. J’aime l’idée de construire sa propre identité au lieu de se contenter du patrimoine, génético-historico-culturel. Et comme dans tout processus créatif, le changement fait partie du jeu, tout comme la diversité, la pluralité et l’expérimentation. La musique nous transforme, pour nous rapprocher de ce que nous sommes vraiment. »

Généreuse Rim Amine

Elle dégage intensité et douceur, présence lumineuse et poigne rageuse. Rim Amine allie voix, danse, théâtre, mime, cinéma et tout ce qui caresse les émotions. En esprit libre et curieux, elle maintient sans relâche cette connexion avec l’inconnu. En fait, son flirt éternel, son allié fidèle. Mais des bases sont là, celles qui ne lui ont pas demandé son avis : «J’ai baigné dans une famille de mélomanes et de cinéphiles», dit-elle.

Du coup, la petite se sent interpellée par cet univers. Et elle s’y attèle avec la grâce de l’innocence : «J’ai pratiqué le ballet de mes 4 à 25 ans. Je suis fan du concept d’entertainer américain, depuis l’époque Fred Astaire et ‘Singing in the Rain’, du temps où les acteurs savaient aussi bien danser que chanter.» Partie en France pour des études en psychologie,

Rim a alors d’innombrables arrière-pensées artistiques. Son corps se joue avec fougue de ses dispositions intellectuelles, chantant, dansant, jouant la comédie sans hiérarchie aucune : «Les trois se complètent très bien. Je n’ai pas de préférence. Le chant me vient naturellement, la danse est la discipline que j’ai le plus pratiqué et le théâtre me passionne dès qu’il s’agit de me mettre dans la peau de divers personnages et d’explorer leur psyché.» Son récent single s’appelle « Strong ».

Fouineur DJ Snake

Faisons court et disons que c’est grâce à sa maman, femme de ménage algérienne, que Sami William Ilyas Grigahcine reçoit sa première platine. Il est adolescent et rêve de célébrité. Les années passent et un premier titre secoue la planète électro, « Turn Down for What », éructé en quatre mots en décembre 2013. En 2020, cet Ovni musical atteint le milliard de vues sur YouTube. La suite pour ce phénomène qui choisit de s’appeler DJ Snake relève du rêve éveillé. Il produit Lady Gaga, Black EyedPeas, Selena Gomes… Il devient l’un des DJ milliardaires les plus courus du monde.

Et puis, voilà. Il y a peu, il décide de fouiner dans la mémoire de sa maman. Il choisit de faire revivre un lieu mythique oranais auquel il emprunte le titre de sa chanson-hommage, Disco Maghreb. Un studio d’enregistrement par lequel les plus grosses stars du raï algérien passent. Le clip, douloureusement fin, montre d’emblée le légendaire artisan-éditeur Boualem ouvrir cet espace fermé depuis des années. DJ Snake se déchaine corps et âme en convoquant un 3laoui algérien teinté, par ignorance verbale certaine, du reggada marocain.

Mature Othman Wahabi

C’est par des rengaines de l’ancêtre du jazz que le quarantenaire maro-canadien s’exprime. Son nouvel enregistrement «Desert» est une expédition vers le cosmique, un rêve éveillé, une aliénation des sens par l’émotion. Nous sommes invités à y humer les odeurs d’une cuisine musicale aux ingrédients sud-sud qui ne craint pas la novation. Divers univers, tous portés par le blues, chatouillent ou caressent l’enfoui. Un 14-Titres où le spirituel s’affiche comme guide éternel.

Le voyage s’ouvre en arabe sur «Daoui ya Guamra» que nous sommes tentés d’assimiler aux créations de l’excellent Aziz Sahmaoui, leader de University of Gnawa. En poursuivant l’écoute, outre de solides influences noires américaines, il y a Dr John qui vient ici et là flirter avec l’ouïe. L’album est autrement parsemé de featurings impliqués avec coeur. Sur «Blues for Farka» en hommage à l’immense musicien et compositeur malien Ali Farka Touré, le mandingue guinéen Oumar Kouyaté se lance (en intro) dans une tirade verbale où il revendique l’appartenance du blues à l’Afrique en citant John Lee Hooker.

Plus loin, «Gnaoua Blues» marie la guitare et la chaude voix d’Othman aux redoutables ritournelles aériennes du trompettiste portugais Joao Sousa. Dans ce «Desert», on croise également un clin d’oeil à Muddy Waters et la reprise de «The Sky is Criying», spirituelle, teintée de reggae. En somme, ce nouvel opus d’Othman Wahabi est un condensé de profondes réflexions trempées dans une libre maturité.



Anis HAJJAM







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