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Culture

Magazine : FNFT 22, dommages et désintérêts


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 2 Octobre 2022

Né en 1982 à Rabat, le Festival national du film a dû bourlinguer avant de s’installer définitivement à Tanger sur décision de l’ancien directeur du Centre cinématographique Nour-Eddine Saïl qui mêlait (à raison) aux membres du jury national de grands noms du cinéma international. Aujourd’hui, nos yeux mouillent quant au devenir de cette messe qui dépérit depuis que de curieux « professionnels » s’en chargent.



L’équipe du film « Zanka Contact » réalisé en 2020, grand prix du festival national 2022.
L’équipe du film « Zanka Contact » réalisé en 2020, grand prix du festival national 2022.
Le travail entamé il y plusieurs années a fini par payer. Et cash ! La famille marocaine du cinéma a des courbatures qui lui traversent tous les sens. Ce travail minutieusement entrepris donne aujourd’hui ses derniers fruits, secs et délestés de saveurs. Ceux, juteux, s’arborent ailleurs, sans saveurs non plus puisque passablement mercantiles, anormalement soutenues par des avances sur recettes inconsciemment farfelues.

Les enveloppes d’octroi des aides se bonifient pour des résultats qui s’avarient. Dans le lot, il y a quelques étincelles qui deviennent paradoxalement brebis galeuses. La médiocratie s’enracine ! Cette année, la profession assiste à une non sélection des oeuvres parce que les films retenus sont ceux produits depuis 2019, comprenons la période COVID en pôle position. Vingt-huit réalisations pour les longs métrages de fiction choisis sans choix aucun, sans présélection donc, ce qui n’est pas une mince affaire pour un jury qui fait variablement parler de lui, bien plus en peau de chagrin qu’en douces caresses. Parallèlement, on dénombre cinquante-deux courts et une vingtaine de documentaires.

Puissants courants d’air

Que dire de ce jury longs métrages de fiction, légitime par le fait de son acceptation par tous, c’est-à-dire par ceux à qui on n’a pas demandé leur avis et par les autres qui ont procédé au choix de ses membres ? Rien, car c’est ainsi que cela se passe. Seulement, entre ces mêmes membres, la météo n’est pas au beau fixe, ce qui n’est pas propre au FNFT, mais cela se nuance. Des portes opposées s’ouvrent en permanence et créent de puissants courants d’air. Les jurés se congratulent en s’autorisant des apartés suggérant de sournoises scissions. Jusque-là, c’est la sensibilité artistique qu’on met en avant. Passe cette fièvre de bon sens et s’installe une rivalité qui occulte le travail d’équipes qui croient en leurs efforts et attendent le jugement juste quoique l’unanimité est utopique.

Lors de la rencontre décisive, cette réunion- délibération tenue jusqu’à pas heure, les divergences se prononcent, les haussements de ton prennent leurs quartiers. Le jury perd sa supposée cohésion et l’impensable se produit. Au moment du débat sur le Grand prix, le ton monte et une des membres se permet une sortie malheureuse sur le rôle d’une chanteuse et jeune actrice la qualifiant de fille de joie, confondant la réalité et la fiction. Elle se met à la verticale et quitte la délibération, suivie d’un autre membre du jury. Voilà cette confrérie éphémère amputée de deux de ses composantes conviées à juger et jamais à se soustraire à une tache réputée collégiale. Les deux nobles « déserteurs » proposent une reprise des discussions pour le lendemain, ce que leurs confrères retoquent en poursuivant la délibération. Les résultats ne sont pas encore celés lorsque le tandem se retire de cette triste distraction.

Un art, image d’un pays

Le conglomérat des jurés ainsi aligné donne à réfléchir sur les véritables choix de ses composantes. Des voix amères et discrètes pensent que : « Les membres du jury du long métrage sont proposés par des Chambres professionnelles dont des présidents ou quelques affidés influent sur des films en compétition. Alors, ces membres ne viennent au festival qu’avec une seule mission, celle de donner des prix à ceux qui les ont affectés au compartiment de jurés. » Le visionnage, même subjectif, des oeuvres serait ainsi mis en otage.

De ceci découleraient d’autres désagréments relevant exclusivement du comité d’organisation : « La salle de projection des courts métrages en compétition ne pouvait accueillir qu’une centaine de personnes, alors que cinq ou six films y étaient présentés à chaque projection. La salle n’était même pas en mesure de contenir les équipes des oeuvres projetées », poursuivent les mêmes voix qui déplorent la qualité de l’accueil et de l’hébergement des professionnels du cinéma en comparaison avec ceux réservés aux fonctionnaires du Centre cinématographique et du ministère de tutelle.

Si ceci peut paraître secondaire aux yeux d’amateurs installés sur des sièges décisionnels, il ne rend pas service aux acteurs d’un art qui, historiquement, vend l’image d’un pays. Ce texte n’a pas honte de s’acheminer vers la dislocation, mais s’entête à vouloir provoquer un aller-retour entre la force et la faiblesse, le décideur et le créateur, le froid et le bouillonnant, la mort et la vie. Et c’est sur la survie intellectuelle que le choix tombe, quoique trois des jurés et un réalisateur se prononcent actuellement en usant d’une agressivité à peine voilée, généralement explicite. Merci à ceux qui nous ont quittés d’être encore parmi nous par leur professionnalisme, par leur militantisme, par leur précieux divin silence.




Anis HAJJAM







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